Vendredi 12 avril 2019
La dégustation est préparée et commentée (séance du soir) par Nicolas Chabot.
Quelques commentaires de contexte :
Toutes les bouteilles, stockées pendant une longue période dans des conditions optimales, ont été placées dans une cave de service, à température adaptée, verticalement, 6 jours avant notre rendez-vous.
Elles proviennent intégralement de la cave du domaine.
Cette dégustation s’est déroulée en deux séances : l’après-midi à 14h15 puis le soir à 19h30 en présence de la vigneronne Patricia Boyer-Domergue.
Ce compte-rendu détaille les impressions du soir.
Entre autres causes, une aération de 5 heures (dans la bouteille rebouchée en position verticale) peut expliquer les variations dans les appréciations.
Les vins sont dégustés sans présentation à l’aveugle.
Les verres utilisés sont les « Expert » de Spiegelau.
DS : Didier Sanchez – LG : Laurent Gibet – CDC : Cécile Debroas Castaigns – MS : Miguel Sennoun – AA : Attila Aranyos – NC : Nicolas Chabot.
Le cinsault, le pinot du Sud
En 1990, Patricia Boyer-Domergue découvre le domaine Clos Centeilles.
Cette vigneronne veut montrer que le cinsault est un grand cépage délaissé. Dès 1991, elle vinifie la cuvée Capitelle de Centeilles, 100% cinsault éraflé, vignes cinquantenaires. La macération dure 2 mois avec des pigeages au pied 2 fois par jour. Les vins sont vinifiés dans des cuves en acier émaillées et ne voient jamais de barriques. Cette cuvée n’est commercialisée qu’après 10 ans afin que le vin vendu soit prêt à boire.
J’ai personnellement découvert ce vin en 2017 au restaurant “Le Pastis” à Montpellier où il m’a été servi à l’aveugle. Dans un premier temps, pris pour un pinot mais avec un côté sudiste j’avais finalement opté pour un grenache de type Châteauneuf-du-Pape. C’était Capitelle de Centeilles 1997.
Lors de la dégustation à l’aveugle proposée en novembre au club, j’avais servi à l’aveugle les millésimes 1999 et 2005, respectivement pris pour un vieux Haut Bailly et un Châteauneuf-du-Pape là encore, d’où cette verticale…
Ordre de dégustation
(Nombre total de dégustateurs : 15)
Ce vin n’est pas commercialisé à l’heure actuelle, la vigneronne souhaitant attendre au moins 10 ans avant la mise en vente.
A l’ouverture : DS16 – CDC16 – AA15,5/16
Après 5 heures d’aération : LG16 – MS16,5/17 – NC16
Couleur très sombre. Le nez est confit, l’alcool présent. En bouche, le vin est encore fermé ; on sent qu’il n’est pas à son aise. Pour autant, on le sent prometteur. Les arômes sont terreux et austères (floral, griotte). Un bel avenir en perspective.
A l’ouverture : DS15 – CDC15,5 – AA14
Après 5 heures d’aération : LG15,5/16 – MS15,5 – NC15,5
Couleur toujours très sombre. Le nez est encore confit avec des notes cacaotées. En bouche, le vin présente un côté Châteauneuf-du-Pape, avec une richesse et des arômes de garrigue qui lui donnent cette note sudiste. Il présente toutefois une vivacité intéressante, avec étonnamment plus d’acidité que le millésime 2008. Ce vin juteux au premier abord va se fermer durant la dégustation. Il présente en finale une amertume très rafraîchissante.
A l’ouverture : DS15,5 – CDC15 – AA15
Après 5 heures d’aération : LG16 – MS16 – NC16,5
Couleur très profonde. Le nez est très puissant, les notes de fraises et de fruits confits sont très présentes. En bouche, on retrouve les notes perçues au nez. L’acidité balance et équilibre le vin. C’est le plus beau vin de la série 2010, 2009, 2008 avec un très bel équilibre entre puissance, finesse. Toujours un beau jus avec un alcool présent mais bien intégré.
A l’ouverture : DS16 – CDC16,5 – AA15
Après 5 heures d’aération : LG15,5 – MS(15,5) – NC16
La couleur est toujours très sombre et ne montre aucun signe d’évolution. Le nez solaire est très beau. Durant la dégustation, la question du liège s’est posée : le nez apparaissait tantôt très beau, tantôt presque liégeux. Le vin a divisé un peu les dégustateurs. 2007 est une année très pluvieuse : or le vin apparaît très solaire ! Cette “incohérence” sera retrouvée 10 ans plus tard avec le 1997. Le nez et la bouche présentent des notes animales. La bouche presque sucrée, doucereuse, affirme son caractère sudiste. Le vin évolue et change durant toute la dégustation. Il présentera même un côté italien avec ses tannins fermes en finale.
A l’ouverture : DS12 – CDC(12) – AAED
Après 5 heures d’aération : LG15 – MS15 – NC15,5
Ce 2006 est très proche du 2009 déjà dégusté. Il présente des notes végétales beaucoup plus marquées avec le cassis omniprésent, presque trop. Il présente un alcool un peu brutal, moins bien intégré que dans les bouteilles dégustées précédemment. De belles notes de tabac et d’épices agrémentent la dégustation.
A l’ouverture : DS15 – CDC14,5 – AA13,5
Après 5 heures d’aération : LG16,5/17 – MS16,5/17 – NC16,5/17
Le nez est très beau, remarquable : nous pourrions être sur un pinot très mûr. En bouche, même si le millésime est solaire, il n’y a aucune lourdeur. C’est un très beau vin. A l’aveugle, nous pourrions être en grenache du Rhône sud ; un alcool présent, qui signe un millésime chaud, mais bien intégré. Encore un très bel équilibre entre le jus, la puissance et la finesse. Ce vin présente une superbe densité. Un très beau vin qui n’est pas encore à son apogée.
A l’ouverture : DS13 – CDC14 – AA14
Après 5 heures d’aération : LG16,5 – MS15,5/16 – NC16,5
Le nez est ici plus fermé. Le côté confituré est plus discret et fin. En bouche, le vin se révèle très frais. Des notes giboyeuses, tertiaires, apparaissent. Le vin est riche sans être opulent. On trouve des arômes de poivrons rôtis qui peuvent faire penser à une expression de cabernet franc.
A l’ouverture : DS15 – CDC15 – AA14,5
Après 5 heures d’aération : LG16,5/17 – MS16,5 – NC16,5
Nez fumé, expressif, solaire. Issu d’un millésime extrêmement solaire, l’alcool est clairement présent, mais aucune sécheresse n’est trouvée en bouche. Les tannins sont fermes mais élégants. Des notes d’évolution sont présentes. Un beau vin. Ce très bel équilibre, sur ce millésime très solaire, est expliqué par la viticultrice par le fait que les vignes ont été cultivées, depuis son arrivée, de manière à aller s’alimenter très profondément.
A l’ouverture : DS13,5 – CDC14 – AA14
Après 5 heures d’aération : LG16,5 – MS15,5 – NC17
Le nez est superbe, plus timide que le 2003. Ce vin revendique son caractère sudiste avec une matière très dense en bouche. Le vin, encore très jeune et sur la fraîcheur, est également superbe en bouche : on retrouve toujours une belle matière, du jus, de la longueur et de l’élégance.
A l’ouverture : DS14,5 – CDC15 – AA14,5
Après 5 heures d’aération : LG16,5 – MS16,5 – NC16,5
Le nez est délicat, toujours confit mais classe et élégant. La matière en bouche est elle aussi délicate. On a là une très belle bouteille qui présente un bel équilibre. C’est un vin clairement automnal avec des notes de sous-bois. De très beaux tanins finaux donnent un magnifique relief à ce vin très sapide.
Rappel : Clos Centeilles : Minervois « Capitelle de Centeilles » 2001 – 07/04/2010 (PC)
DS13,5 – PC14/14,5 – LG13,5 – MS14 – MF13,5. Note moyenne : 13,8
Robe nuancée, évoluée, assez peu colorée, de la prestance malgré une certaine matité. Nez disert, manifestement « sudiste » : acidité volatile marquée, fruits confits, fleurs fanées, jambon fumé, petite note de caoutchouc brûlé. Animal, chaleureux, assez mince mais structuré, avec de la finesse malgré une finale sèche ; on sent une extraction volontariste du cinsault, avec un résultat très languedocien dans l’esprit de certains vins « à l’ancienne » (Mas d’Aimé…)
A l’ouverture : DS14,5 – CDC14,5 – AA14
Après 5 heures d’aération : LG16,5/17 – MS17 – NC16,5/17
Le nez est ici très effacé, avec des notes de tabac. En bouche, on a une très grosse matière avec une densité impressionnante. Ce vin pourrait aisément être pris pour un Châteauneuf-du-Pape. Ce faux maigre est clairement sudiste, tout en retenue mais sans aucune note d’évolution.
Rappels :
DS14 – LG14 – MS14,5 – Note moyenne : 14,2
Notes corsées : confiture de cerises, laurier, paille. Duo amande/paprika pour évoquer un Tempranillo. Bouche aux arômes un peu cuits, sur le noyau. Robuste, acide, un peu raide et de longueur moyenne.
Note : vin fatigué 2 jours plus tard, dominé par son alcool (pas si robuste que cela)
DS12,5 – LG14 – PR14 – MS14 – CD14,5 – EG14. Note moyenne : 13,8
Cerises à l’eau de vie, poivre, piment et marc caractérisent un nez sudiste, figué. Bouche austère, capiteuse, exiguë, se livrant avec parcimonie.
A l’ouverture : DS14 – CDC15 – AA15
Après 5 heures d’aération : LG17/17,5 – MS17 – NC17,5
Le nez est viandé, animal et l’estragon domine. La bouche présente une vivacité et une densité toujours impressionnantes. Le grain en bouche est très élégant. On retrouve des épices et des arômes de poivrons rôtis qui aujourd’hui pourraient nous amener de nouveau à Bordeaux. Ce très beau vin de 20 ans présente une belle jeunesse et une magnifique fraîcheur.
A l’ouverture : DS(15) – CDC16 – AA15,5
Après 5 heures d’aération : LG16,5 – MS15,5/16 – NC16,5
Avec ce millésime, c’est la première fois que le vin tuile clairement ; jusqu’à présent les couleurs étaient très sombres et ne montraient aucune évolution. Le nez est superbe avec notamment des notes d’eau de vie. La bouche est subtile avec une matière moins dense que celles des vins précédents : un vin qui a peut-être vieilli plus vite que les autres ?
A l’ouverture : DS15,5 – CDC15,5 – AA16
Après 5 heures d’aération : LG18 – MS17,5/18 – NC18
L’aspect tuilé démontre l’évolution de ce vin. Le nez est très beau, sur des notes tertiaires. Le vin pinote : des arômes de ronce l’anoblissent. En bouche, la complexité aromatique est superbe. Le vin est à son apogée avec beaucoup de finesse. Sa finesse, son ampleur, son équilibre, ses tanins fondus peuvent nous évoquer les beaux vins de la Côtes de Nuits.
Rappel : Clos Centeilles : Minervois « Capitelle de Centeilles » 2000 – 22/01/2008 (LG)
DS : 12 – PC : 12 – LG : 12 – Note moyenne : 12
Rubis translucide peu brillant et peu intense. Nez avenant, sudiste : fraise des bois, cuir, épices douces, chocolat. Matière très souple, écrasée par l’alcool.
A l’ouverture : DSED – CDC10 – AAED
Après 5 heures d’aération : LG16 – MSED – NC(15)
L’évolution est marquée par la robe évoluée mais aussi au nez où des notes de soja commencent à poindre. La bouche rattrape le vin même si des notes presque liégeuses sont présentes. Le vin reste cependant intéressant, avec de la finesse et de la fraîcheur. Les tannins sont tout de même asséchants.
A l’ouverture : DS12 – CDC13 – AA12,5
Après 5 heures d’aération : LG16,5/17 – MS15 – NC16
Tout comme le 1996, l’évolution du 1995 est très marquée avec des arômes tertiaires de classe. Ce vin frais est équilibré mais sans l’éclat aromatique du 1997. Du jus et de la finesse qui signent ce terroir de Minervois. De beaux restes avec un grain très fin.
Conclusion
Cette verticale de 100% cinsault issu de l’appellation Minervois la Livinière a permis de montrer la capacité de ce cépage à produire de très beaux vins qui défient le temps grâce peut-être à des macérations longues. Tout au long de cette verticale, la densité et la matière des vins auront été magnifiques. Ces vins sudistes ne sont jamais lourds, l’alcool y est toujours magnifiquement intégré et toujours sous-tendu par une vivacité rafraîchissante. L’effet millésime est très marqué avec souvent des millésimes pluvieux très réussis. De très beaux vins que l’on peut boire sur plus de 20 ans ! Les très belles réussites sont 1997, 1999, 2002 et 2005.