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Club toulousain In Vino Veritas
Verticale de Château Rayas rouge
Samedi 20 mars 2010
La dégustation a été préparée de longue date par Didier Sanchez.
Le compte-rendu est écrit par Pierre Citerne.
Quelques commentaires de contexte :
– Vins servis par deux, étiquettes découvertes.
– Les verres utilisés sont les « Authentis n°1 » de Spiegelau.
– Nombre de convives : 9
DS : Didier Sanchez – PC : Pierre Citerne – LG : Laurent Gibet – PR : Philippe Ricard – MF : Maxime France.
Pour accompagner les vins
Mosaïque de lièvre en compotées et foie gras de canard poché en marinade Pressé de joue de bœuf aux Panais Tartines au beurre salé et lamelles de truffes Crème de lentilles truffée Nems d’agneau en tajine Crépines de lapin aux épices Cassoulet de haricots de Pamiers au confit et chorizo Petits légumes frais aux truffes Truffe au jambon en papillotte Mini Chartreuse de Pintadeau (aux choux, petits légumes et couennes) Crostini de foies de volaille, sauge et truffes Tarte aux poires sur pâte sablée Tarte poires et pommes sur pâte feuilletée |
1. Allemagne : Egon Müller – Scharzhofberger Kabinett 2003 (AP2)
DS16 – PC16 – LG16 – PR16 – MF16,5. Note moyenne : 16,1
Expression aromatique riche (pour un kabinett), pure et invitante, fruits exotiques, menthe pastillée, thym… Bouche svelte mais douce, presque lactique, toujours d’une grande pureté, appétissante comme une salade de fruit avec de la crème fouettée.
Rappel : Egon Müller – Scharzhofberger – Riesling Kabinett 2003 Lot 12 (L12 – 10° – Saar) : juillet 2004 (LG)
LG16,5 – PP16
Matière complète, fort élégante, adoucie par un sucre intégré avec beaucoup de raffinement. Ciselé, cristallin, succulent, avec des goûts tout en dentelle et rafraîchissants de melon confit, d’agrumes, de fleurs d’arbres fruitiers, de poire, de menthe légère, sans oublier une minéralité discrète mais bien présente. Un vin signé, qui semble se rire du millésime en affichant une forme olympienne qui en remontrera à plus d’un.
2. Châteauneuf-du-Pape : Château Rayas 2003
DS17+ – PC17+ – LG16,5+ – PR16,5 – MF16,5. Note moyenne : 16,7
Couleur rubis, intense.
Expression aromatique se singularisant par son caractère solaire ; en quinze millésimes c’est la seule fois où Rayas prendra des intonations de VDN, de grenache du Roussillon (évocations de raisin de Corinthe, raisiné, camphre, figue sèche, cacao, terre battue…). Ces senteurs s’expriment avec pureté et profondeur, laissant de temps en temps, de façon cyclique, entrevoir un fruit plus frais, plus floral, pleinement typé Rayas.
Le vin en bouche se montre serré, très long, plein d’énergie et de tension, suave mais peut-être légèrement sec et chaleureux par rapport à son archétype. Comme si les conditions de ce millésime torride l’avaient contraint à s’exprimer dans un langage plus proche de celui des « autres » vins de Châteauneuf…
Rappel : Château Rayas – Châteauneuf-du-Pape 2003 – 18/7/08 (PR)
Vin saisissant de fraîcheur et de subtilité, au parfum complexe rayonnant. Grande longueur pour ce grand vin d’avenir.
3. Châteauneuf-du-Pape : Château Rayas 2002
DS17,5 – PC18 – LG17,5/18 – PR17 – MF17,5/18. Note moyenne : 17,6
Grand contraste visuel par rapport à 2003… robe diaphane, corail, cuivrée. Une robe de Poulsard ?
Nez captivant et expansif, débridé dans sa générosité aromatique mais d’une finesse accomplie. Toutes les nuances florales, épicées et végétales dont est capable le grenache (avec sa rafle !) semblent être déclinées dans ce bouquet.
Bouche toute en suavité : une dentelle caressante, gorgée de saveur, capiteuse, à la structure effacée, sans accroche mais sans creux. Une nouvelle leçon de séduction de la part de ce vin singulier déjà rencontré à quelques reprises.
Rappels :
a. Châteauneuf-du-Pape : Château Rayas 2002 – 08/08/09 (LG)
DS17,5 – PC18 – LG17,5/18 – MS18 – MF18 – VM17,5. Note moyenne : 17,8
De nouveau une merveille aromatique pour la seconde rencontre avec ce millésime qui fit couler pas mal d’encre (le talent réel du vigneron, le poids de l’héritage, les difficultés imposées par le millésime). Figue, cerise, grenade, brou de noix, orange clouté à la girofle, pignon de pin et savon d’Alep y composent une partition reconnaissable. Le producteur est très vite identifié car ce style de grenache oriental, fin, en suspension, est assez unique.
Bouche magistrale, envoûtante, entraînante, capiteuse mais sans aucune lourdeur, d’une torride fraîcheur. Beaucoup d’émotion pour moi dans ce vin.
b. Châteauneuf-du-Pape Rayas 2002 : 16,5/20 – 29/3/07 (LG)
Robe pâle, un peu terne. Nez fragrant constitué de senteurs chantantes de fraises confiturées, de poivre, de marc, d’épices fines (très soupe de fraises poivrée). Bouche parfumée, caressante, typée, relativement tendre mais délicate et longue, aux flaveurs kirschées. Un vin léger, guilleret, attachant, plein de sensualité.
4. Châteauneuf-du-Pape : Château Rayas 2001
DS19 – PC19/19,5 – LG18,5+ – PR19 – MF18,5/19. Note moyenne : 18,9
Robe bien fournie sans être opaque, rubis profond, nuancée de grenat et tuilée en bordure.
L’expression aromatique propre à Rayas se livre ici avec une séduction toute particulière ; le bouquet de ce 2001 est vraiment sublime, en équilibre entre la profondeur, la puissance, la fraîcheur du fruit, les inflexions florales, balsamiques et épicées.
La bouche est toute aussi parfaite, avec une générosité alcoolique totalement épousée par l’élan et la sveltesse du corps. À la fois intense et aérien, exotique et serein, ce Rayas, qui ne possède pas le caractère massif de certains de ces prédécesseurs réputés, nous a semblé offrir aujourd’hui, dans le cadre de cette expérience ponctuelle, la version la plus transcendante du génie des lieux.
5. Châteauneuf-du-Pape : Château Rayas 2000
DS17 – PC18 – LG17,5 – PR17 – MF17,5. Note moyenne : 17,3
Moins intense que celle du 2001, la robe du 2000 présente les mêmes tonalités.
Après le 2001, le nez du 2000 peut paraître timide, même un peu terne, avec des évocations de champignon, un fruit un peu plus confit. Ces senteurs s’épurent considérablement à l’aération pour offrir un bouquet « rayassien » accompli, avec son cortège de fleurs séchées, de marc et d’épices.
Bouche très fine, veloutée, d’une plénitude et d’une vitalité moindre par rapport au 2001, ce qui dans un premier temps et dans cet ordre de dégustation donne l’impression d’un Rayas en mode mineur, discret, au fruit dominé par une certaine chaleur confite. Ici encore l’aération épure et avive l’expression du vin, au final remarquable de distinction, de subtilité et de charme.
Rappels :
a. Châteauneuf-du-Pape 2000 – Château Rayas – 01/10/09 (MF)
Service en carafe vers 16° avec aération de 9h
DS17,5 – PC18 – LG18,5 – PR19 – MF18 – MS18,5 – PE17,5. Note moyenne : 18,1
La couleur légèrement brunissante et plutôt dépouillée constitue le premier indicateur important quant à la nature du divin nectar qui nous est servi ! Le bouquet ne fait que confirmer, grandiose, évanescent, un véritable florilège de fragrances orientalisantes évoquant tour à tour les épices, le savon d’Alep, le laurier, l’orange, le brou de noix, mais également la terre battue et le miel. La complexité est extrême et l’on a l’impression que l’on pourrait dresser « un inventaire à la Prévert » de senteurs variées toutes plus subtiles les unes que les autres… La bouche ne déçoit pas (mais Le Rayas déçoit-il parfois??…), magnifique texture de taffetas oscillant entre puissance et finesse, avec une note de zeste d’orange de grande race… Rayas est bien là, la magie de ce vin envoûtant opère, on est une nouvelle fois sous le charme (et Laurent se rêve en Aladin avec Emmanuel Reynaud pour Shéhérazade dans un conte des mille et unes nuits… mais là on s’égare !!!).
b. Châteauneuf-du-Pape Château Rayas 2000 : 18/20 – 26/4/08 (LG)
Senteurs girondes, racées, tellement typées (du domaine) : fraise, thé fumé (lapsang souchong), brou de noix, café vert, épices (poivres), fleurs. Grande finesse et intégration alcoolique parfaitement maîtrisée pour une allure évanescente, angélique, affriolante, transportante. LE grenache … et le génie du lieu. Un vin offert (ce n’était pas gagné d’avance), qui met tout le monde de bonne humeur hédoniste. Cette harmonie n’était pas au rendez-vous lors de la verticale des Châteauneuf 2000 de mars 2004 (mais préselection prometteuse lors de mon passage au domaine en novembre 2001).
Le grenache (chez Rayas) et la syrah (chez Jamet) sont donc des cépages rhodaniens aptes à rivaliser avec les pinots et cabernet/merlot de la plus haute expression.
c. Châteauneuf-du-Pape – Château Rayas 2000 : 23/04/2004 – horizontale châteauneuf 2000 (Jacques Prandi)
DS15 – PP15,5 – PC17 – LG16,5+ – JP16. Note moyenne : 16 (Note sur fût en 2001 : 16)
Sa robe claire le trahit immédiatement, on croirait un pinot bourguignon pas bien concentré et déjà évolué.
Le nez est d’une élégance folle, floral (rose), fruits rouges et exotiques (mangoustan), des touches végétales de feuilles fraîches, fin et très complexe.
La bouche suit, tout en finesse, aérienne, du fruit frais (fraise, framboise) marié à des notes florales. Ca se gâte un peu en fin de bouche, l’alcool ressort et la finale est un peu lâche, persistance moyenne. Un vin tout en dentelle, d’un style unique dans cette série, mais qui manque un peu de vivacité et de concentration pour mériter une note plus élevée
6. Châteauneuf-du-Pape : Château Rayas 1999
DS18 – PC18+ – LG18 – PR18 – MF18. Note moyenne : 18
Robe grenat tirant sur l’orangé, comparable à celle du 2000, peut-être un peu moins dense.
Bouquet très enlevé, frais, délié, épicé, particulièrement séducteur et typé, magnifique fruit de grenache.
On retrouve en bouche le tempérament charmant et la plénitude du nez : rondeur, allonge, suavité et sveltesse, alcool parfaitement intégré. Un modèle d’amabilité et de distinction.
Rappels :
a. Châteauneuf-du-Pape : Rayas 1999 – 03/04/09 (LG)
DSED – PCED – LGED – PRED – MSED.
Etat bizarroïde, liégeux (notes de sol de cave et d’asperge ne masquant pourtant pas totalement les fragrances castelpapales plus nobles typiques de ce domaine : jacinthe, pain d’épices, figue rôtie, encens, cerise confite, confiture de fraise (des bois), orange sanguine, girofle, …).
Malgré tout, la bouche laissera deviner une matière de grand tempérament (au fruit frais malgré une sensation alcoolisée non négligeable), puissante et aérienne à la fois, possédant une remarquable reprise en fin de bouche. Quel dommage de ne pas être tombés sur une bouteille impeccable.
b. Châteauneuf du Pape : Château Rayas 1999 – 08/02/07 (PC)
DS17 – PC17 – MS17. Note moyenne : 17
Robe dépouillée, brillante, teinte brique peu intense.
Une style aromatique immédiatement reconnaissable (et reconnu !) : nez de grande séduction et de grande évidence, très racé, suave, épicé, expression fruitée merveilleusement fine et nuancée.
En bouche comme au nez, si l’on devait caractériser ce vin par un seul terme, il faudrait choisir suavité ; le grain est incomparablement fin (aucun des – parfois remarquables – Châteauneufs dégustés précédemment ne s’en rapproche). Une vision unique du grenache, une délicatesse de taffetas qui ne renie en rien la douceur solaire de son origine. Ce vin semble avoir pris du poids, de l’envergure, de la race, depuis notre dernière rencontre (janvier 2003) ; le phénomène semble caractéristique des vins du domaine.
c. Châteauneuf du Pape – Château Rayas 1999 : janvier 2004 (LG)
Notes : PP14 – DS14 – PC15,5 – LG14 – VM14. Note moyenne : 14,5
Une expression sur le fruit (fraise), les épices (poivre, girofle), le laurier, mais somme toute simple, qui fait Côtes-du-Rhône. Elle ne semble pas au niveau de ce que l’on attend mais la bouteille, dans cette expression menue, minimale, sans grande consistance, ne nous joue-t-elle pas des tours ? (on a d’ailleurs pensé à ce domaine, ou à Pignan, du même « faiseur »). Les commentaires fusent sur l’état du vin, sur la pérennité du domaine. Un ange passe … et le verre vide évoque le vinaigre.
7. Châteauneuf-du-Pape : Château Rayas 1998
DS(16,5/17?) – PC(16,5) – LG16,5 – PR(15,5) – MF(16,5/17). Note moyenne : (16,4)
Robe grenat, légèrement brunie et trouble.
Nez plus difficile à cerner et à apprécier, beaucoup moins net que les précédents. Le premier contact olfactif est très mentholé, avec une acidité volatile dominatrice (impression de civet en cours de marinade, de saupiquet…) ; l’aération n’épure pas beaucoup ce bouquet, qui garde sa dominante mentholée et résineuse (de l’eucalyptus qui ferait presque songer à l’Australie, du carvi…).
Matière conséquente, puissante et chaleureuse, avec une structure tannique affirmée et une semblance de sucrosité. Comme les senteurs, la saveur manque de précision et d’harmonie, la distinction aromatique propre à Rayas n’émergeant que par intermittence, timidement, en fin de bouche.
Rappel : Châteauneuf-du-Pape Rayas 1998 – 25/11/01 (PC)
Notes : DS17,5/18 – PC18 – PP18 – LG18,5. Moyenne : 18
Robe rubis chatoyante mais peu intense en couleur, reflets grenadine. Nez débordant de séduction, on retrouve la fraise compotée du Grenache très mûr de Châteauneuf, mais s’exprimant avec un net surplus de fraîcheur, de complexité et de race, on perçoit de suaves notes exotiques et épicées imbriquées dans ce fruit enjôleur. Aussi séductrice que le nez, la bouche déploie son grand fruit velouté avec une irrépressible amplitude. En fin de bouche, là où les autres Châteuneufs montrent un retour tannique souvent rustique, ce vin dépose un grain parfaitement enrobé, aussi fin que ferme. Grandeur et simplicité.
8. Châteauneuf-du-Pape : Château Rayas 1997
DS17 – PC16,5/17 – LG17 – PR17 – MF16,5. Note moyenne : 16,9
Robe tendre, dépouillée.
Nez « oriental », nuancé et épicé, soutenu par l’acidité volatile. Caractère fin, un peu fragile, avec des touches viandées et végétales (glissement vers le tertiaire…).
Bouche alerte, plutôt mince mais suave, pleine de jolies qualités (finesse, soyeux, nuances aromatiques) mais qui hésitent à se fondre, avec au final une légère impression d’austérité (de maigreur ?).
9. Châteauneuf-du-Pape : Château Rayas 1996
DS17 – PC16,5 – LG16 – PR16 – MF17. Note moyenne : 16,5
Robe tendre, discrète, proche de celle du 1997.
Nez un peu rétif, dans un premier temps partagé entre l’organique (bouillon de viande, lentilles ?…) et l’épicé (poivre blanc). Il s’ouvre, plus classiquement, sur des évocations de cèdre et de laurier, mais reste relativement discret.
La matière est dominée par une impression de tension acide. Plus dense que celle du 1997, assez veloutée, elle glisse dans la bouche un peu mince et anguleuse, sans trouver ses aises ni exprimer un véritable éclat aromatique.
Rappel : Châteauneuf-du-Pape Rayas 1996 – 25/11/01 (PC)
Notes : DS17 – PC18 – PP17 – LG17,5. Moyenne : 17,5
Encore une robe diaphane et vive, de reflets cuivrés en bordure. La parenté d’expression aromatique avec Rayas 98 est évidente, la marmelade épicé est toujours aussi exquise, des notes poivrées, de marc, déjà légèrement animales (fourrure) marquent une évolution plus prononcée. Grand velours en bouche, l’onctuosité de la matière pleine est toujours extrêmement séductrice, la délicatesse et la netteté des arômes remarquables. Seule la fin de bouche trahit des tannins légèrement moins enrobés, moins fins que ceux du 98, ainsi qu’une pointe de chaleur supplémentaire (mais le vin était servi légèrement plus chaud). Reste une grande réussite pour le millésime, et un vin procurant beaucoup de plaisir dans l’absolu.
10. Châteauneuf-du-Pape : Château Rayas 1995
DS18/18,5+ – PC18/18,5 – LG18+ – PR18/19 – MF18,5/19. Note moyenne : 18,5
La robe annonce un changement de registre radical. Très jeune et brillante, rubis sombre sans reflets orangés, noire en son centre, elle étonne autant qu’elle impressionne.
Comme la robe, le nez est profond et monolithique, imposant plus que captivant. La présence fruitée est énorme, confite mais leste et distinguée, un fruit terrien, sombre (on pense à la mûre, à la myrtille, un peu comme dans un vintage portugais où un Maury…) ; les notes de cèdre et de truffe qui émergent à l’aération sont magnifiques mais ne parviennent pas à dissiper l’impression générale d’austérité et de quant à soi.
En bouche le volume du vin est considérable, son extrait sec impressionnant, avec une présence acide au premier plan. On est effectivement rentré dans un autre registre, celui de la monumentalité, avec un vin (il y en aura d’autres dans la série) qui évoque par son amplitude, sa compacité (paradoxalement…), sa « noirceur » et son indifférence au flux du temps certains hermitages (celui de Chave ou La Chapelle en 1978 par exemple).
11. Châteauneuf-du-Pape : Château Rayas 1994
DS17 – PC17,5 – LG17 – PR17,5 – MF17,5. Note moyenne : 17,3
Retour à une teinte plus légère, nettement tuilée.
Beau nez aérien, épicé, racé, caractéristique mais avec une dominante d’expressions « vertes » qui pourraient évoquer une syrah du nord de la vallée du Rhône (olive verte, petit pois, asperge ?).
Bouche suave, arachnéenne, beaucoup de finesse, grande allonge. Un style aérien qui rappelle 2002, avec davantage de tannins et moins de charme débridé.
Rappel : Châteauneuf du Pape Château Rayas 1994 – 01/08/02 (LG)
DS17 – LG16 – PP16,5 – PC16,5. Note moyenne : 16,5
Belle robe brillante, centre rubis sombre.
Très beau fruit au nez, racé et luxuriant, corbeille de fruits exotiques légèrement confiturés, notes complémentaires de betterave cuite au four et de champignon.
Fruit moelleux, souple, sapide, expression pure et séductrice d’un très beau grenache.
12. Châteauneuf-du-Pape : Château Rayas 1992
DS17,5 – PC18 – LG16,5/17 – PR18 – MF17,5/18. Note moyenne : 17,6
Robe évoluée, nuancée, mais avec de la profondeur, un centre sombre où l’œil se perd.
Grande finesse aromatique, dominante tertiaire, impression de sous-bois, d’humus, de bois précieux, de champignons…
On retrouve cette ambiance aromatique en bouche, imbriquée dans le fruit, soutenue par une chair veloutée, ample, profonde, qui s’offre sans résistance. À point, ce vin me rappelle les très belles cuvées produites en 1992 par Henri Bonneau.
13. Châteauneuf-du-Pape : Château Rayas 1989
DS18/19+ – PC18,5 – LG18+ – PR18/19 – MF18,5/19. Note moyenne : 18,6
Robe jeune !… très jeune… et dense… aussi impressionnante que celle du 1995.
Nez de grande profondeur, sombre, grave ; assez impénétrable, mais on a heureusement l’impression de se trouver davantage au-dessus d’un puits que devant un mur.
La marque laissée par le vin en bouche est à l’avenant. Encore jeune, plein de vie, mais serré, porteur du message propre à Rayas mais tout en réserve, en introspection avant que le temps soit venu de déployer ses ailes. Tannicité, ampleur, profondeur et vivacité sont comparables aux caractères du 1995. Plus qu’avec les indestructibles hermitages de 1978 et de 1990, le parallèle qui me vient à l’esprit est avec un vin italien (peut-être à cause de la veine acide, ou d’une petite note d’amande fraîche…), l’inoubliable Taurasi Reserva Piano d’Angelo 1968 de Mastroberardino.
14. Châteauneuf-du-Pape : Château Rayas 1988
DS17 – PC17/17,5 – LG16,5 – PR16 – MF16,5. Note moyenne : 16,6
Robe dense, profonde, bien que présentant une frange nettement plus tuilée que le 1989.
Bouquet tertiaire, organique, inclinant vers le bouillon de poule ; épices, fleurs séchées et rappels de fruit frais en périphérie.
Matière conséquente, un peu sévère, un abord rendu tranchant par une acidité très présente. En contrepartie le vin montre une étonnante vitalité.
15. Châteauneuf-du-Pape : Château Rayas 1985
DS18,5/19 – PC18,5 – LG17,5/18 – PR18,5/19 – MF18. Note moyenne : 18,4
Encore une robe dense, largement rubis, toutefois sans l’opacité qui caractérisait le 89 ou le 95.
L’odorat est presque submergé par le fruit, profond, solaire, aux accents capiteux de figue confite, de raisiné, de chocolat. L’évolution aromatique est perceptible, avec une acidité volatile qui exalte des notes tertiaires animales et champignonnées (le cèpe…).
La massivité du fruit s’affirme encore plus intensément en bouche, matière très concentrée mais déliée dans sa progression, dynamique. Un vin souverain, onctueux sans pesanteur, d’une grande sérénité, même s’il ne livre pas les envolées aromatiques haut-perchées qui font la magie de certains millésimes plus récents (2002, 2001, 1999…).
16. Châteauneuf-du-Pape : Château Rayas 1984
DS17 – PC16,5 – LG16 – PR17 – MF17. Note moyenne : 16,7
Une robe augurant d’un vin encore présent, plus intense et moins orangée que celle du 2002…
Nez délicat, sans impact fruité mais encore articulé dans son message de cèdre, d’encens, de beurre (!…), de peau d’agrumes (mandarine…), ─ on peut même dire un bouquet distingué.
Heureuse vivacité en bouche, et, plus surprenante en regard de la petitesse supposée du millésime, une certaine richesse, de la douceur aussi, de l’allonge, une saveur de bois précieux et d’épices. Aucune raison alors de parler de petit millésime, même si à l’aération le vin finit par montrer une certaine fragilité et un peu de sécheresse dans sa texture.
17. Châteauneuf-du-Pape : Château Rayas 1983
DS17,5+? – PC17 – LG16,5/17 – PR17,5 – MF17,5. Note moyenne : 17,3
Robe sereine, nuancée, assez profonde même si nettement tuilée en bordure.
Le bouquet est explosif, partagé entre une présence tertiaire, organique et végétale (sous-bois, cèdre, tabac, un peu de truffe…) et un fruit encore percutant (la grenade, encore une fois).
Intense, batailleur en bouche, velouté mais tannique, très tannique. L’aération accentue heureusement la suavité de ce vin encore tout à fait ingambe.
18. Nuits-Saint-Georges 1er Cru “Les Pruliers” : Domaine Gouges 1966
DS17 – PC18 – LG17 – PR17 – MF17,5/18. Note moyenne : 17,4
Robe dépouillée, riche en dépôt. Fruit encore riche, vigoureux, parfaitement net dans son expression, confit, floral, terrien aussi (betterave rôtie). De la finesse en bouche, de la présence, du tranchant, mais aussi un beau velouté
19. Barsac : Chateau Climens 1975
DS17,5 – PC17,5/18 – LG17 – PR17,5 – MF17,5. Note moyenne : 17,5
Vieil or modérément foncé. Expression pure, très classique, nette, d’une grande élégance suggestive : safran, crème brûlée, marmelade d’orange… Très belle liqueur, impression de longueur et de sveltesse, d’une richesse sans ostentation. Classicisme parfait, le type même du Barsac.
Rappels :
a. Barsac – Château Climens 1975 – 08/02/03 (PC)
PC(ED. ?) – DS16,5 – PP? – LG14,5? – RT ?- VM15 ? Note moyenne : ?
Une forte perception d’acidité volatile dépare le bouquet (marmelade d’orange, abricot, cire, quinquina…) et la bouche de ce vin, très apprécié en d’autres occasions.
b. Barsac – Château Climens 1975 – novembre 2001
Notes : DS18,5 – PC18 – PP18,5 – LG18. Moyenne : 18,5
Très belle robe. Nez botrytisé, qui se développe magnifiquement à l’aération. Notes de réglisse, de menthol, de praliné, de bergamote, qui a su conserver une belle fraîcheur (fruits, jus d’orange pressée).
La bouche, d’abord discrète, est un modèle de finesse (celle-ci et l’acidité orientent vers Barsac). L’âge a permis le développement d’une belle complexité : des notes complémentaires de cire, de quinquina, de marmelade d’orange au gingembre, se développent sur une très belle longueur. Le vin continue de s’épanouir à l’aération et se boit avec régal, sans aucune lassitude (malgré la fatigue imposée lors de ce voyage par des vins tanniques et chargés en alcool). Un style abouti, svelte (mais pas mince), aux antipodes de celui du liquoreux autrichien (Feiler-Artinger), avec plus de race, et aussi moins d’alcool. Il est probable que ce vin serait sous-estimé dans une dégustation en pure aveugle (il nécessite une bonne attention).
Pour info :
Côtes-du-Rhône – Château de Fonsalette « Cuvée Syrah » 1982 – 19/11/00 (LG)
Notes : DS15 – LG15,5 – PP15 – PC15. Moyenne : 15,1
Robe évoluée mais dense, grenat avec des nuances brunes.
Senteurs de feuilles mortes, d’épices et de cuir, intenses, tertiaires, sur un fond de fruit confituré.
Plein et mûr en bouche, sapide et fondu, finale un peu abrupte.
Côtes-du-Rhône – Château de Fonsalette « Cuvée Syrah » 1978 – 19/11/00 (LG)
Notes : DS18 – LG18 – PP18 – PC17,5/18. Moyenne : 18
Robe très intense, peu dépouillée par les temps, centre grenat-noir, bords tuilés minces, viscosité impressionnante.
Bouquet puissant, vif, autoritaire : crème de mûre, lard fumé, encens ; cohérent, racé, et comme la robe, impressionnant.
Texture énorme en bouche, pleine, très concentrée, veloutée sans aucune mollesse. Les tannins sont fermes en finale. Un vin admirable, qui semble avoir trouvé le secret de la jeunesse éternelle.
En guise de conclusion
Le Rayas, Rayas… Ce qui est sûr c’est que nous avons passé un excellent moment avec ce vin, qui s’est prêté avec bonhomie, avec entrain même, au parcours truffé voulu par les participants (sept heures à table malgré tout). Pour autant connaissons-nous mieux Rayas ? Rayas a-t-il passé un aussi bon moment avec nous que nous avec lui ?… Je rêve d’un vin qui parlerait de ceux qui le dégustent. La juxtaposition de 16 millésimes donne quand même envie d’avancer quelques idées issues de ce qui a été ressenti de notre côté, pêle-mêle.
Premier constat : le tempérament du vin rouge du Rayas est toujours solaire et méditerranéen, même dans les millésimes moins généreux (mais comme l’a montré la dégustation, il ne semble pas possible qu’il y ait ici de « petits millésimes »). C’est un vin qui ne renie jamais son origine. Il est du Sud. Rien que du grenache. Pourtant son unicité est évidente. Comment le définir ? Mieux vaut le goûter. Un fruit très particulier, chaleureux avec une fraîcheur comme un sous-entendu et toujours de grandes promesses de suavité (grenade, méta-grenadine …) ? Un grain plus fin que les autres, malgré une charge tannique parfois imposante ? Des parfums virevoltants, libres, mais extrêmement liés entre eux, qui font réfléchir et qui vont même parfois jusqu’à provoquer la nécessité de s’agenouiller ? Une élégance d’ensemble – disons à la fois de texture, d’allonge et de proportions – uniquement comparable à celle des plus grands bourgognes ?
C’est sans conteste le plus grand vin du sud de la France (dans l’arc de notre époque bien sûr, ce qui a été et ce qui sera nous échappe – ce qui a été apprécié, aimé, adulé, et ce qui le sera, encore plus). À quoi doit-il d’exister en tant que ce qu’il est aujourd’hui ? À la surdité accidentelle d’un notaire, il y a un peu plus de cent ans ? Pourquoi est-il si seul ?
Malgré cette unicité de Rayas, et la constance de son unicité au fil des millésimes, il nous a semblé qu’une césure stylistique pouvait être perçue entre la période où le vin était produit par Jacques Reynaud (jusqu’en 1996) et ce qui a suivi. Les vins de Jacques Reynaud possèdent souvent un caractère massif, une densité, une monumentalité (1995, 1989, 1985…) que n’ont pas les millésimes plus récents ; ce style peut sembler en fin de compte assez proche des plus grandes réussites d’autres producteurs « traditionnalistes » de Châteauneuf (Henri Bonneau ou la famille Féraud par exemple). Les millésimes cités semblent encore loin de leur apogée. Les vins d’Emmanuel Reynaud, qui a pris la succession de son oncle, semblent vouloir atteindre à davantage de finesse, d’élégance, de précision dans la définition du type Rayas. De vins peut-être plus aériens, moins chargés, moins imposants (pour l’instant… Rayas peut se densifier avec l’âge, nous avons pu le vérifier plusieurs fois), qui s’éloignent encore davantage de Châteauneuf pour affirmer plus haut l’unicité du cru, un vin « autre », comme un Musigny du Soleil… Peut-être plus apollinien que dionysiaque (en tout cas un vin de caractère gréco-latin, ce qui pourrait excuser en partie la comparaison mythologique éculée…) Je suis personnellement très heureux, après avoir entendu des années durant d’assez nombreuses critiques négatives concernant le style d’Emmanuel Reynaud (critiques qui m’ont toujours semblé fondées davantage sur le syndrome du « c’était mieux avant » que sur une observation objective de l’évolution stylistique du vin), que la sensibilité et la justesse de son approche soient enfin largement reconnues.
La variabilité temporelle de l’expression des vins est une des caractéristiques les plus frappantes des vins du Rayas. Changeants, ils suivent leurs cycles une fois installés dans le verre, évoluent énormément, vont, viennent, reviennent, insistent ou esquivent. Nos perceptions tentent d’accrocher ces caractères mais pour cela il doit nécessairement y avoir dialogue, approches, réparties. Je n’ai pas eu l’impression d’être dans un rapport sujet/objet. Ce n’est pas la première fois (cf. la récente verticale des vins du Château Figeac). Cette nécessité du dialogue pour tenter de les comprendre, au moins de les cerner, cette tentation quasi permanente de personnification de ce qu’il y a dans le verre signent peut-être plus sûrement ce qui fait la « grandeur » de certains vins que d’autres paramètres en apparence plus tangibles physiologiquement : « longueur », « largeur », « densité », et même « équilibre ». Pourrait-on définir ce caractère comme une sorte de dynamique de la complexité ?…
Il faut enfin remercier Rayas de nous avoir rappelé – une fois de plus – l’inanité de la note chiffrée (que l’on s’obstine à conserver, contre toute logique, contre tout ce que nous dit l’expérience du contact des vins, car elle reste précieuse pour fixer la mémoire, et c’est finalement aussi une façon de signifier – ce que n’ose plus le buveur sérieux, encore moins le dégustateur – de signifier simplement que « c’est bon »). On met à peu près les mêmes notes à des vins d’essence différentes, opposées même… 95/89/83 : hiératisme, puissance, intimidation ; 2002 ou 92 : immédiateté, abandon, offrande des corps et des parfums. Ça ne veut donc rien dire, ce n’est pas grave.