2006_12_07 Le Domaine Muller Catoir en Allemagne photos
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Club toulousain In Vino Veritas
Le domaine Muller-Catoir en Allemagne
Jeudi 7 décembre 2006
Dégustation préparée par Didier Sanchez et commentée par Philippe Ricard.
- Quelques commentaires de contexte :
- La dégustation s’est déroulée en deux phases : l’après-midi avec 6 dégustateurs, puis le soir avec 10 dégustateurs. Didier Sanchez a participé aux deux séances.
- Le commentaire porte sur les vins de l’après midi, avec quelques corrections selon l’évolution observée. En effet, comme d’habitude, certains vins ne se révèlent que le soir, après avoir bénéficié d’un très avantageux carafage de 4 heures. Les notes de Didier Sanchez (DS AM et DS SOIR) sont le reflet de ces variations.
- Nombre de dégustateurs : 16
- Les vins ne sont pas dégustés à l’aveugle.
- DS : Didier Sanchez, MS : Miguel Sennoun, JP : Jacques Prandi, PR : Philippe Ricard.
1. Spätburgunder Rotwein trocken 2003 :
DS AM15,5 – DS SOIR15,5 – MS14,5 – JP14 -PR15,5.
Note moyenne AM : 15,5 et SOIR : 14,7 – Prix : 15,50 €
- Robe brillante, fluide, pourpre, à l’intensité colorante assez prononcée pour un pinot noir.
- Superbe nez primaire, très fruité (cerises), avec une pointe de sous bois et de noyau. Belle intensité pour des arômes peu affectés par l’élevage.
- Bouche à l’attaque guidée par une acidité fraîche et bien maîtrisée qui équilibre une présence alcoolique discrète. Le corps, structuré, déborde de fruits tels la cerise, le pruneau, toujours le noyau, le tout dans une belle rondeur, avec un bel équilibre pour ce millésime. Seule la finale, fort persistante, rappelle quelques impressions solaires (14,5°).
- Vin allemand étonnant, que nous aurions volontiers situé plus au sud-est, c’est à dire vers Volnay !
2. Riesling Trocken Haardter Herrenletten Spätlese 2004 :
DS AM15- DS SOIR14 – MS14 – JP14 -PR14,5.
Note moyenne AM : 14,8 et SOIR : 14 – Prix : 12,50 €
- Robe brillante, assez claire, paille aux reflets verts.
- Nez primaire, sur les fruits (pêche) et fleurs blancs, avec un petit côté grillé qui évoque la noisette. C’est élégant et bien mûr, mais loin de nos Rieslings Alsaciens…
- Bouche à l’attaque marquée tant par quelques sucres résiduels bien ronds que par le CO² qui lui confère un côté léger et aérien. Le corps est gras, avec une belle matière qui, étonnamment, n’explose pas. On reste sur l’élégance, un peu courte, le tout avec sympathie. Un peu simple.
3. Riesling Trocken Gimmeldinger Mandelgarten Spätlese 2004 :
DS AM15,5- DS SOIR16,5/17 – MS16,5 – JP16,5 -PR15,5.
Note moyenne AM : 15,5 et SOIR : 16,6 – Prix : 13,50 €
- Robe brillante, assez claire, paille aux reflets verts, un peu plus épaisse que la précédente.
- Magnifique nez primaire, très mûr, intense, harmonieux, faisant la part belle aux fleurs de printemps (acacia, tilleul), mais aussi au miel, aux fruits exotiques (ananas), avec la curieuse impression de sentir un vin moelleux…
- Bouche : le sucre n’est pas au rendez-vous, mais plutôt une jolie minéralité et toujours ce CO² aérien. Dans un très bel équilibre, le corps, gras, complexe, nous dévoile un panier de fruits mûrs, d’ abord blancs (pêche), puis exotiques, pour finir sur le pamplemousse dans une finale nette, bien sèche et harmonieuse. C’est gourmand et fin à la fois.
- Nous ne sommes toujours pas en Alsace et si ce n’était la robe et le CO², on serait bien aller faire un petit tour, à l’aveugle, du côté du Jurançon…
4. Riesling Trocken Gimmeldinger Mandelgarten Spätlese 2002 :
DS AM15,5 – DS SOIR16,5/17 – MS16 – JP16,5+ -PR16.
Note moyenne AM : 15,8 et SOIR : 16,4 – Prix : 13,50 €
- Robe brillante, assez claire, paille aux reflets verts, avec encore cette petite note épaisse.
- Nez : là, ça « pète » davantage ! Toujours aussi frais et mûr, le nez explose sur la poire, la tarte tatin, les agrûmes, avec une délicieuse note grillée. Quelle gourmandise, quelle richesse !
- Bouche : on s’habitue facilement au CO², bien maitrisé, pour surtout apprécier une belle acidité, vive, fraîche, ainsi qu’une minéralité plus nette, le tout annonçant un corps gras, mais plus tendu et étiré dans lequel la poire et les agrûmes se taillent la part belle. La finale est toujours harmonieuse, mais davantage puissante et persistante.
- C’est un vin certes moins « large », mais marqué d’une belle tension. Il a beaucoup gagné au carafage car le soir il s’est gouté comme un très grand cru Alsacien.
5. Riesling Trocken Haardter Herrenletten Spätlese 2003 :
DS AM14 – DS SOIR15,5 – MS14 – JP14,5 -PR14.
Note moyenne AM : 14 et SOIR : 14,7 – Prix : 14,50 €
- Robe toujours aussi pure, bien claire, paille aux reflets verts plus nets.
- Nez très charmeur, mûr, intense, évoquant les fleurs blanches, les agrûmes, mais aussi le sucre d’orge, les caramels : encore une fois évocateur d’un moelleux !
- Bouche à l’attaque un peu moins acide, moins tendue, pour un vin plus rond, davantage sur la suavité et la gourmandise. On croque la poire au passage pour finir sur une jolie fin de bouche, propre.
- Un peu plus simple que ces prédécesseurs (au fait, pas de CO²).
6. Riesling Haardter Bürgergarten « Im Breumel » Spätlese trocken 2004 :
DS AM14,5 – DS SOIR17 – MS17 – JP17 -PR14,5.
Note moyenne AM : 14,5 et SOIR : 17 – Prix : 16,50 €
- Robe : elles sont toutes proches, toutes pures, claires, pailles, avec un soupçon de jaune en plus sur ce vin.
- Nez : on pourrait faire la même remarque pour les nez, avec, pour celui-ci, toujours autant de fraîcheur, de maturité, d’élégance. Les fruits et fleurs blancs (poire, acacia, tilleul) reviennent une nouvelle fois, dans un style très plaisant, charmant.
- Bouche avec une belle attaque, toujours aussi fraîche et aérienne (acidité + CO²), mais un milieu de bouche plus monotone, à l’intensité moyenne, certes bien gourmande, avec de la poire, une pointe de caramel, mais moins élancée, ce qui se retrouve dans la finale.
- Les styles des vins sont décidément très proches : nous observons que l’effet terroir n’est pas aussi marqué que la patte du vigneron, heureusement fort adroit !
- Par contre, si à l’ouverture ce vin semblait loin des Rieslings Alsaciens, le soir, la minéralité et la tension ayant pris le dessus avec classe, il s’est métamorphosé pour se rapprocher beaucoup des plus grands crus !
7. Riesling Haardter Bürgergarten « Im Aspen » Spätlese trocken 2004 :
DS AM16/16,5 – DS SOIR17,5 – MS17 – JP17 -PR16.
Note moyenne AM : 16,2 et SOIR : 17,2 – Prix : 16,50 €
- Robe identique au précédent, avec ce petit soupçon de jaune en plus.
- Nez très expansif, il laisse exploser sa fougue juvénile sur un fruit intense, très mûr : c’est très frais, très pur, très beau !
- Bouche où l’attaque dévoile une très belle acidité, bien nerveuse, associée à un CO² plus discret, encore plus classe et à une minéralité bien nette. Le corps est plein, séveux, sur la poire, les agrûmes et enfin quelques légères notes pétrôlées chères à notre Riesling national ! Très belle finale, longue, avec une réto-olfaction distinguée.
- Enfin un vin à part ! Il a beaucoup gagné au carafage car le soir il s’est gouté comme un très grand cru Alsacien.
8. Riesling Haardter Bürgergarten « Im Gehren » Spätlese trocken 2004 :
DS AM15,5/16 – DS SOIR14,5 – MS15 – JP15 -PR15.
Note moyenne AM : 15,5 et SOIR : 14,8 – Prix : 16,50 €
- Robe brillante, claire, paille aux reflets verdâtres.
- Nez assez discret, il évoque davantage les fleurs que les fruits. Moins complexe, mais toujours élégant.
- Bouche : pas de sucres, pas d’alcool, pas de CO², juste une acidité récurrente, toujours aussi fraîche. En fait, c’est le minéral qui se fait remarquer, donnant au vin un relief plus austère, moins gourmand et racoleur que les autres. Belle matière, belle intensité, c’est sérieux, droit, jusque dans la finale.
9. Riesling Haardter Bürgergarten Spätlese 2002 :
DS AM12 – DS SOIR13 – MS14 – JP13,5 -PR12,5.
Note moyenne AM : 12,3 et SOIR : 13 – Prix : 14,50 €
- Robe étonnamment claire pour un moelleux, paille aux reflets verts comme les secs, mais avec davantage d’épaisseur.
- Nez trop discret, en retenue, refuse à se livrer !
- Bouche à l’attaque souple de demi-sec, avec une pointe de CO² toujours aussi légère, qui livre ensuite un corps étonnant, très « jus de fruit », raisin et bonbon, avec un certain manque de vinosité et de complexité qui dérangent la totalité des convives. La finale est aussi simple.
- Peu habitués de ce style de flacon à l’alcool mesuré (9°), nous découvrons un vin monotone, davantage typé « pétillant » de raisin. A garder pour une soirée crèpes !
10. Rieslaner Auslese Haardter Herzog (37,5 cl) 2004 :
DS AM14,5 – DS SOIR16,5 – MS16 – JP16 -PR14.
Note moyenne AM : 14,2 et SOIR : 16,1 – Prix : 15,50 €
- Robe paille aux reflets or, commence à se densifier.
- Nez très mûr, intense, un nectar d’abricot, une pâte de coin. C’est assez charmeur.
- Bouche : un peu trop souple, l’attaque nous conduit mollement vers les pâtes de fruits, les pommes au four et les sucres d’orge. Le corps, un peu pataud, manque de vivacité pour nous faire vibrer et termine sur une finale lourdotte (8°) : une friandise un peu déstabilisante par manque de vivacité.
- Par contre, le soir venu, oh, miracle, elle apparaît et le vin se tend et commence à vibrer !
11. Riesling Eiswein Haardter Bürgergarten (37,5 cl) 2004 :
DS AM15,5 – DS SOIR16,5/17 – MS17 – JP17 -PR15.
Note moyenne AM : 15,2 et SOIR : 17 – Prix : 41,50 €
- Robe très nettement or, épaisse, brillante.
- Nez : très mûr, enfin vif, de belle intensité, il pétrôle un peu et évoque l’orange, le citron. Style proche de Faller !
- Bouche : avec plus de peps, d’acidité, un soupçon de CO² bienvenu, cette bouche vit ! Fruits exotiques, abricot, caramel, raisins de corinthe, le tout dans un style juteux, facile à boire (7°), avec élégance et harmonie, jusque dans la finale.
- C’est chouette, le soir carrément grand, à réserver pour une galette des rois ou des petits canelés Bordelais !
12. Rieslaner Trockenbeereauslese Haardter Herzog (37,5 cl) 2004 :
DS AM16 – DS SOIR17,5/18 – MS18 – JP18 -PR16,5.
Note moyenne AM : 16,2 et SOIR : 18 – Prix : 51,50 €
- Robe orange sensuelle, aux reflets ambrés. Superbe !
- Au nez, c’est une explosion de pêche de vigne : grandiose ! Mandarine, raisin, abricot se mêlent à la parade dans un style très mûr, concentré, mais non sans fraîcheur.
- Bouche à l’attaque très sucrée, genre sucre d’orge. Le corps dévoile un fruit pur, dense, formidablement pêche ! Jusqu’ en finale c’est très beau, mais aussi très sucré, ce qui nous fait dire que ce vin ne souffrirait d’aucun accompagnement. Et bien entendu, encore une fois, le soir, l’acidité ressort et équilibre le sucre dans une finale interminable.
- A boire presque sans modération (6°) !
Conclusion :
Cette dégustation fut riche d’enseignements sur ces Rieslings d’outre Rhin…
D’ abord, parce qu’ils sont bien différents de nos repères alsaciens.
Robes particulièrement claires, nez très mûrs et charmeurs, évoquant souvent le moelleux, parfois
l’exotisme, bouches souvent gourmandes, marquées par l’arôme récurrent de pêche.
A l’ouverture, la minéralité est loin d’être une constante et les notes pétrôlées particulièrement rares.
Bref, pour l’Alsace, c’est plus à l’ Est !
Mais, apres aération, les terroirs Gimmeldinger Mandelgarten et 2 Haartdter Bürgergarten révèlent le tranchant et la mineralité de certains des plus grands crus d’Alsace.
La plupart de ces vins sont donc impérativement à décanter plusieurs heures à l’ avance, en tout cas dans leur prime jeunesse.
Ensuite, parque ce que nous avons découvert un Domaine de qualité, avec un vigneron au travail régulier, signant ces vins d’une netteté irréprochable : tout est bien fait !
Le seul reproche serait une relative uniformité malgré la diversité des cuvées, ce qui ne manque d’ ailleurs pas de nous interroger sur la pertinence d’une telle diversité du catalogue…
Nous avons en effet eu du mal à bien cibler la variété des terroirs, comme masqués par la signature du vigneron.
A noter aussi la quasi omniprésence du CO² en début de bouche, autre élément caractéristique : son but est clairement de rendre les vins plus aériens, plus légers en bouche. Elégant, pas du tout insistant sur la langue, l’effet est vraiment sympathique.
Qui plus est, il persiste même après carafage.
Le style est donc parfaitement maîtrisé par le vigneron (il faut savoir que c’est une constante dans les vins allemands).
Personnellement, cela me rappelle les blancs d’Yves Leccia en Corse, brillant adepte lui aussi de cette téchnique.
Une particularité rarissime : aucun vin ne souffre d’un excès de souffre !
Enfin, les liquoreux faiblement alcoolisés : une vraie découverte !
Peu habitués par cette pratique, nous avons passablement apprécié les entrées de gamme, bloquant sur des bouteilles molassonnes, manquant de vinosité, trop simples, trop « jus de raisin fermenté ».
Par contre, les 2 vins haut de gamme nous ont franchement convaincus, nous permettant de finir nos verres sans retenue étant donné le degré d’alcool.
Pour eux aussi, après carafage, une vivacité certaine a comme par miracle fait son apparition pour retendre des bouches initialement trop sucrées et offrir des vins dignes des plus grands.
A croire que ces vins préfèrent la nuit !