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Club toulousain In Vino Veritas
Les blancs « frais » du Languedoc-Roussillon
Vendredi 5 Février 2010
La dégustation, préparée par Philippe Ricard, est commentée par Philippe pour la séance de l’après-midi et Laurent Gibet pour celle du soir.
Introduction
« Longtemps, le Languedoc-Roussillon fut assimilé à une région de vins de masse. Pour inverser la tendance, il a fallu prouver que la région pouvait faire des « bêtes de concours » : massifs, imposants, puissants… en oubliant peut-être que le vin devait être bu, tout simplement.
Tomber dans ces excès est « facile » sous climat méditerranéen. Le climat, les cépages, les terroirs permettent naturellement d’avoir des grosses matières, des gros degrés… C’est certainement plus facile qu’à Bordeaux, région native de ce style de vins, avec la mode des « garagistes », où, là, ça demande de gros moyens à la vigne et en cave. Et puis cela répondait à une demande soit disant internationale.
Mais le consommateur s’est vite fatigué devant cet excès.
Le Languedoc-Roussillon a aussi vite progressé dans la compréhension de ses terroirs et de ses cépages. Le brassage culturel intense qui s’y produit (vignerons venus de partout…) a permis aussi une lecture différente de ce patrimoine viticole exceptionnel. C’est une région en constante mouvance, où tout est possible, et où se croisent les deux tendances.
La prise de conscience est à mon avis largement en marche, pas encore majoritaire, mais le virage est amorcé effectivement. »
Je n’ai pas trouvé meilleure entrée en matière que ces propos de Jean-Philippe Padié…
Après ces années 90 marquées du sceau de la maturité, nous voici embarqués par quelques vignerons courageux, navigant à contre courant vers des vins plus frais, plus digestes, plus raffinés.
Faisons donc comme une sorte de « photographie » avec quelques échantillons pour apprécier l’état des lieux…
L’objectif de cette dégustation double.
Le premier est d’ordre simplement sensoriel en tentant d’apprécier, tout comme de comprendre, l’élément révélateur dans nos verres : l’acidité, l’amertume, la minéralité, les arômes, qu’est-ce qui peut bien rafraîchir nos papilles ?
Conscients de nos limites (nous ne sommes que des dégustateurs amateurs, pas oenologues), nous avons souhaité interrogé l’ensemble des vignerons concernés par cet échantillonnage pour avoir en parallèle des informations techniques sur leur vision du vin, leur travail à la vigne, leur méthode de vinification…
Pour mieux comprendre, pour tenter de faire un lien entre eux et ces sensations dans notre verre…
Tel est le deuxième objectif de cette approche.
Nous remercions d’ailleurs tous ceux et celles qui n’ont pas hésité à consacrer un peu de leur temps pour nous parler d’eux, de leur passion, de leurs vins, de leurs petits « secrets », avec la plupart du temps une grande sincérité (je précise que tous les vignerons présentés ont été sollicités).
A titre personnel, j’ai un petit regret : ne pas les avoir eus avec nous, tous ensembles, pour cette dégustation… et un petit débat à suivre…
Voici donc notre approche, avec 27 échantillons pour la plupart du Languedoc-Roussillon, auxquels nous avons associés deux vins du Gard et un de Catalogne, régions frontalières.
Bonne lecture !
Quelques commentaires de contexte :
Pression atmosphérique : 1016 hpa – temps pluvieux – vent faible – ½ lune descendante – sensations de dégustation : très bonnes.
Toutes les bouteilles, stockées pendant une longue période dans des conditions optimales, ont été placées dans une cave de service, à température adaptée, verticalement, 10 jours avant notre rendez-vous.
Cette dégustation s’est déroulée en deux séances : l’après-midi à 14h15 puis le soir à 19h30.
Ce compte-rendu détaille les impressions de chaque séance.
Entre autres causes, une aération de 5 heures (dans la bouteille rebouchée en position verticale) peut expliquer les variations dans les appréciations.
Les notes de Didier Sanchez, présent l’après-midi et le soir, reflètent ces fluctuations.
Les vins sont dégustés carafés puis présentés à l’aveugle.
Les verres utilisés sont les « Expert » de Spiegelau.
DS : Didier Sanchez – LG Laurent Gibet – PR : Philippe Ricard – MS : Miguel Sennoun – CD : Christian Declume – PC : Pierre Citerne – MF : Maxime France.
Interview des vignerons
Selon vous, existe-t-il, aujourd’hui plus qu’hier, une prise de conscience chez les vignerons du Languedoc-Roussillon que l’avenir ne passe plus vers une quête de maturité parfois poussée (souvent constatée dans les années 90 à début 2000), mais vers une valorisation des notions de fraîcheur ? Est-ce une prise de conscience encore isolée ou prend-elle une dimension significative ?
Coume del Mas – Philippe Gard : maturité et fraîcheur ne sont pas opposées. La fraîcheur étant plutôt pour moi liée à une plus grande part laissée à l’expression du terroir sur des vignes à petit rendement sans vouloir ne mettre en avant que le cépage.
Roc d’Anglade – Rémy Pédreno : je pense que la prise de conscience progresse et n’est plus seulement l’apanage des vignerons réputés, en raison notamment de la demande des consommateurs.
Préceptorie de Centernach – Aurélie Pereira : c’est une prise de conscience « générale » pour la minorité des vignerons qui cherche l’équilibre ; mais n’oublions pas que le Languedoc Roussillon reste encore majoritairement une région de viticulteurs (producteur de raisin et non de vins) coopérateurs…
Haute Terre de Comberousse – Paul Reder : la notion de maturité est pour moi essentielle. Elle n’est atteinte que poussée même dans notre région. Opposer maturité et fraîcheur est pour moi le travers qui tord le cou au terroir.
Ludovic Gaujal : la démarche que je suis depuis 32 ans est de rechercher de la typicité et du « terroir ». Cela ne s’obtient que par une maturité bien acquise. Du moins pour le cépage Piquepoule, avec lequel nous élaborons le Picpoul de Pinet. Le 2008 titre 13°5 et nous ne sommes pas obligés de rajouter de l’acide, l’équilibre vient tout seul. Si l’on parle chiffres, l’acidité totale est à 3,80 (beaucoup de Picpouls sont à 5,50 et même 6 : ces vins ressemblent plus à des Muscadet qu’à du Picpoul…). Or, je tiens à faire du Picpoul. Donc je ne cède pas à la mode des petits vins frais et légers. Le chemin est sinueux, mais nous lui devons notre authenticité.
Mas Champart : prise de conscience, oui. Mais la maturité et la fraîcheur ne sont pas incompatibles : question de terroir, mais aussi de vinification, de type d’extraction, avec des techniques de cave aujourd’hui meilleures (température…).
Les Eminades – Patricia Bettoni : cette prise de conscience existe bien, surtout dans le secteur des terrasses du Larzac.
Avez-vous vous-même évolué ces dernières années sur la question ? Si oui, qu’elles ont été vos motivations ?
Coume del Mas – Philippe Gard : sur des schistes, avec du grenache gris, la minéralité des vins s’impose si on les laisse s’exprimer. L’évolution a été pour moi surtout de réduire au maximum les interventions sur le vin.
Jean Philippe Padié : la jeunesse de mon exploitation (installation en 2003) n’a pas eu le temps de connaître cette évolution, dans le sens où tout de suite j’ai recherché la digestibilité dans mes vins. Education paysanne et enfance en bourgogne oblige. Le vin n’a pas besoin de tomber dans l’excès de tout pour impressionner, au contraire. C’est l’harmonie et l’équilibre qui sont plus délicats à obtenir. Faire des vins élégants et évidents, telle est la quête. Le plus beau compliment qu’on puisse faire à un vigneron lors d’un repas, c’est de tomber sa quille avant les autres et d’en redemander une. Pas besoin de mots finalement.
Roc d’Anglade – Rémy Pédreno : je n’ai pas évolué sur la question mais sur les réponses, sur le « comment y arriver ». Ma motivation 1ère est mon projet de vin, et de vigneron.
Préceptorie de Centernach – Aurélie Pereira : la Préceptorie est toute jeune, née en 2001, la fraîcheur et l’équilibre sont pour nous essentiels depuis le départ.
Haute Terre de Comberousse – Paul Reder : je suis de plus en plus persuadé qu’une vigne qui a atteint un équilibre sur un terroir approprié est une garantie de fraîcheur autrement plus intéressante que celle obtenue par amputation de la maturité.
Ludovic Gaujal : non, je reste sur mes convictions. D’ailleurs, vous dégustez ma vendange extrême : le raisin est ramassé 1 mois plus tard à 22° ! Goutez les arômes, la présence, le gras, l’onctuosité.
Clos Centeilles – Patricia Boyer Domergue : un des moteurs de mon travail est justement la recherche de fraîcheur dans mes vins, démarche d’autant plus motivée que c’est loin d’être la caractéristique première des vins languedociens…
Cette démarche a été initiée par une double visite à Châteauneuf-du-Pape (contexte climatique approchant) : chez Emmanuel Reynaud au Château Rayas et chez Pierre Pellissier au domaine de Nalys, deux références sur lesquelles je me suis beaucoup appuyée.
Mas Champart : pour les rouges, je ramasse plus mûr qu’il y a 15 ans, mais les extractions sont plus en finesse, les vignes plus aérées. Pour les blancs, nous sommes très attentifs à la date des vendanges, mais tout n’est pas ramassé systématiquement tôt ; nous sommes aujourd’hui vers une recherche d’équilibre, pas de vins démonstratifs.
Les Eminades – Patricia Bettoni : notre motivation a toujours été de faire un grand vin. Et un grand vin est par définition un vin frais.
Quels sont les leviers que vous avez privilégiés jusqu’alors pour valoriser aujourd’hui des sensations de fraîcheur dans vos vins (sélection et valorisation de terroirs, viticulture, vinification) ? Je serais curieux de connaître vos succès ou infortunes en la matière…
Coume del Mas – Philippe Gard : sur Folio (grenache gris, vieille vigne), là, pas de miracle sauf l’absence de fertilisation minérale depuis 10 ans et la recherche d’équilibre ne favorisant pas la présence de potassium. Au chai, plus de levurage, des fermentations très lentes jusqu’ 5 mois et pas de batonnage sur certains millésimes (2007, 2009).
Jean Philippe Padié : on fait le vin à la vigne. Le vin, c’est d’abord du raisin. Pour moi, le seul moyen d’arriver à cette évidence passe par le respect de la vigne, de son sol, de l’endroit… Donc par l’agrobiologie. AB, biodynamie… Plein de dénominations un peu vagues, qui se tiraillent parfois, mais où l’on reste à l’écoute des choses, toujours dans le respect de la vie. Préserver la vie dans le verre. C’est en refaisant vivre les sols, que la vigne se sent bien dans ses « racines », qu’elle va chercher une vérité dans le minéral, que l’on atteint une autre dimension de goût. Par ce biais, le végétal est beaucoup moins sensible à l’influence climatique, contrebalancée par l’influence tellurique et cosmique. On atteint des maturités pleines (aromatiques, phénoliques…) à des plus petits degrés. Et puis, surtout pour les blancs, il faut de l’acidité, de la fraîcheur. On a une lecture directe, brutale, violente du terroir car dès lors que le raisin est cueilli… la messe est dite ! Juste respecter le raisin au pressurage (lent, en douceur), après c’est juste de l’attention en cave. Veiller au bon déroulement des fermentations, sans tomber dans l’excès de régulation thermique pour ne pas perdre le fil du terroir. Personnellement, je suis partisan des malos sur les blancs. C’est l’histoire « normale » du vin. Avant malo, il est instable. L’élevage sur lie de malo (sans bâtonnage) permet d’atteindre une autre dimension de l’acidité. Au réveil printanier, on a un retour d’acidité citrique qui vient égayer le vin. L’acide malique est quant à lui plus digeste est agréable que le malique. Et puis, malo faite, on peut s’abstenir de matraquer le vin de SO2, et/ou filtrer drastiquement. Là aussi, on gagne en digestibilité.
L’un des paramètres déterminant que j’ai vaguement évoqué, pourtant non des moindres, c’est le patrimoine. Dans le Roussillon, on a la chance de récupérer des très, très vieilles vignes (certaines centenaires). Même si elles ont connu la systémie et le désherbage pendant quelques décennies (3-4 maxi), elles sont bien en place dans leur terroir. Elles vont déjà chercher loin cette vérité minérale. On parle d’acidité, de matière… mais ce ne sont pas que des valeurs quantifiables. Je crois beaucoup en la valeur qualitative de ces notions. Avec ces vieilles vignes, sur ces terroirs caillouteux, on touche une acidité minérale, qui a une texture en bouche, qui laisse une empreinte. L’empreinte de l’endroit.
Pour rebondir sur vos interrogations, je ne pourrai malheureusement pas vous rassurer avec des chiffres… Je vous ai répondu sincèrement, sans faire de « cachotteries », malheureusement je n’ai pas d’autres « méthodes » que celle exposée : l’intuition relayée par l’expérience gustative. Sur mes étiquettes, vous verrez un œil, symbolisant pas mal de choses, notamment la force de l’observation et du doute. Avoir toujours l’œil ouvert pour ne pas tomber dans la « recette de cuisine ». D’ailleurs, ce n’est pas très sympathique pour les cuisiniers, car beaucoup fonctionnent comme nous à l’instinct et à l’expérience. Comme je vous le disais, les moines cisterciens ont accompli un travail de titan sur la connaissance de nombreux terroirs prestigieux maintenant, juste par la force du travail et de l’empirisme. Je suis totalement dans cette démarche. L’œnologie est une science récente, et non exacte. Les outils qu’elle nous propose ne sont que des outils. Avec leur part de distorsion analytique, non reproductible d’un laboratoire à l’autre. Ils fonctionnent d’ailleurs tous de plus en plus avec des machines étalonnées de manière statistique, et finalement n’ont qu’une lecture moyenne de chaque paramètre. J’ai une confiance très relative en mon jugement organoleptique, qui est très subjectif, mais il en est de même envers ces outils qui se veulent eux objectifs. Laissons la place à l’humain dans ce qui nous plait dans le vin. C’est un produit culturel, qui traverse les civilisations, fortement connoté de mystère, de mystique, de philosophie. Ce n’est pas un produit agroalimentaire comme les autres. Je laisse cette démarche aux gros faiseurs qui sont obligés de le travailler comme Nestlé ou Danone. La tendance hygiéniste de notre société n’est pas là pour nous faciliter cette approche empirique des choses, nous petits artisans.
Alors pour être plus explicit, je vais vous décrire comment j’appréhende dans les faits les dates de récolte : réfractomètre en main, je me balade dans les parcelles, de manière aléatoire dans chacune d’elle. Je goute un raisin par ci, un raisin par là. Un coup en haut de la grappe, en coup en bas, un coup sur une grappe à l’est, une à l’ouest, au nord, au sud ; un coup au cœur de la souche, un coup à l’extérieur… Je goûte l’équilibre de chaque raisin. Déjà, si j’arrive à le manger, à prendre du plaisir en terme d’équilibre sucre/acidité, en terme de complexité aromatique, j’ai fait les ¾ du chemin. Je prends rapidement le réfractomètre pour vérifier le taux de sucre pour me rassurer. Des fois on a des surprises ! Ensuite il y a les paramètres d’organisation : on se soucie de la météo sur la semaine à venir, suis-je prêt en cave, aurais-je les vendangeurs en temps et en heure… Enfin des considérations purement pratiques. J’ai fait le choix d’avoir un parcellaire hyper morcelé (presque 40 parcelles différentes pour 15 hectares), pour pouvoir aussi jouer avec les décalages de maturité d’une pente à une autre, d’une vallée à une autre, d’un terroir à l’autre. Cela paraît un peu « laxiste » comme méthode, mais au final je me retrouve quasiment tous les ans avec les mêmes équilibres dans mes blancs : environ 12.5 % alcool et 3.10 de pH malo faite. Est-ce le hasard ? Non, c’est juste ma lecture personnelle de mon terroir.
Espérant avoir un peu rallumer votre lanterne. Comme le faisait Diogène en cherchant un homme.
Roc d’Anglade – Rémy Pédreno : pour moi, il y a plusieurs axes de travail.
A la vigne
– le terroir (qualité des argiles, pouvoir drainant, présence de calcaire, de silex etc.) et l’exposition (Nord et Est présentant plus de facilité pour obtenir des vins aériens).
– la vigueur : pas trop faible
– la charge en raisin : pas trop faible (des rendements de 40 à 50 Hl/Ha sur une vigne en pleine santé et sans trop de manquants ne me choquent pas)
– les feuilles : j’aime bien avoir une majorité de raisins à l’ombre
A la cave
– le paramètre le plus important est la date de récolte, quand le raisin a du peps, possède une grande vitalité, une énergie communicative, quand le fruit est porté par une acidité telle que le sucre n’est pas dérangeant, quand on a envie de le manger et qu’on sent la minéralité en bouche, sans amertume dérangeante en finale, à mon sens on ne doit pas être loin du but, QUEL QUE SOIT LE DEGRE !
– je suis adepte du pressurage direct de raisins ramassé à la main en caisses
– pressurage doux et progressif, en excluant les fins de presse plus lourdes aromatiquement et gustativement
– débourbage : ni trop ni trop peu : à ajuster en fonction de la nature des lies
– batonnage : à ajuster en fonction de la nature, de la forme et du volume des contenants ; se laisser guider par le ressenti en bouche pendant l’élevage, essayer un fût et si ça marche, généraliser l’intervention
– élevage : je ne suis pas adepte de la barrique neuve mais de demi-muids voire petits foudres, bien que le blanc tolère mieux les petits contenants que le rouge
Préceptorie de Centernach – Aurélie Pereira : en récoltant assez tôt, par exemple en 2009, nous avons terminé les vendanges au 9 septembre (VDN) compris.
En taillant aussi très tôt et court. En alliant une charge par pied faible et un bon état sanitaire qui nous permettent de gagner rapidement en degré sans perdre trop l’acidité.
Puis la séparation des différentes altitudes.
En tout cas sur notre domaine…
Mais certain millésime comme 2003, on cherche l’équilibre, mais…
Haute Terre de Comberousse – Paul Reder : je ne cherche pas à valoriser les sensations de fraîcheur mais seulement
la fidélité au terroir. Si l’expression de celui-ci se traduit par de la fraîcheur et que la fraîcheur plaît alors tant mieux. Les principaux échecs datent des tout débuts et correspondent à des vendanges en sous maturité.
Ludovic Gaujal : n’ayant jamais recherché cela, je ne peux témoigner.
Clos Centeilles – Patricia Boyer Domergue : principe retenu : sur les 3 cépages blancs, en ramasser 1 avec en moyenne 1 degré de moins de maturité (12,5° contre 13,5° sur le millésime 2007).
Autres caractéristiques influentes :
Mas Champart : réponses en vrac… Terroirs et adaptation cépage/terroir mieux connus, cépages tardifs pour des maturités plus lentes… Culture : quelques amendements, pas d’engrais potassiques, chimiques… Vendanges le matin, douceur du pressurage pour les blancs, protection contre l’oxydation, qualité des lies… Attention aux petits rendements qui amènent plus de concentration et plus d’alcool.
Les Eminades – Patricia Bettoni : culture du vignoble en agriculture biologique, achat et plantation de vigne en altitude (environ 300 mètres). Il faut faire attention à l’équilibre de la vigne, aux alentours de 35 hl/ha : au dessus, on ne gagne qu’en concentration.
Quelles sont les pistes qui, selon vous, peuvent encore être étudiées ?
Coume del Mas – Philippe Gard : sur les Collioure, l’impact des terroirs est fondamental sur le vin. Entre les bords de mer et chaque façade est ou nord, on trouve une multitude d’expressions du cépage qu’il faut encore mieux maitriser. Dans Folio, les barriques neuves sont systématiquement utilisées sur les bords de mer aux arômes les plus floraux !!
A suivre…
Jean Philippe Padié : on n’a qu’une vendange par an. Tout reste à découvrir. Et puis il faut du temps pour atteindre un certain équilibre. On va au rythme des racines dans le sol, du retour de la vie dans le sol. Lentement mais sûrement. Alors, il y a encore un gros travail d’observation à fournir et d’assimilation. Chaque terroir est singulier, a sa propre réaction. Les moines cisterciens ont passé des siècles avant d’identifier les terroirs bourguignons, champenois… On n’a pas eu cette histoire dans le LR. A nous de le faire.
Mouscaillo – Pierre Fort : des levures non OGM, mais sélectionnées. N’oubliez pas que nos merveilleux cépages sont arrivés après 8000 ans de sélection…
Haute Terre de Comberousse – Paul Reder : quelques techniques comme des macérations plus longues, et l’usage du bois non encore introduit sur le domaine.
Mas Champart : réponses en vrac… Choix de cépages languedociens ou tardifs (cépages produisant moins d’alcool)… Choix des terroirs, méthodes de conduite de la vigne (optimisation du rapport feuillage/raisin).
Les Eminades – Patricia Bettoni : faire attention aux dates de vendanges et notamment commencer plus tôt.
Une question revient régulièrement chez les amateurs : anticipez-vous davantage les dates de vendange (d’une manière générale, sans parler du contexte climatique), autrement dit, recherchez-vous de nouvelles caractéristiques de maturité dans vos raisins avant de décider de la vendange dans le but de privilégier des sensations de « fraîcheur » ?
Coume del Mas – Philippe Gard : non, je vendange tôt sur le cru car j’ai des rendements très faibles (20 hl par hectare), mais je crois vraiment que l’équilibre d’un vin de grenache gris n’est pas complet avant 14° sur nos terroirs. Avant, certes, on peut avoir plus d’acidité, mais pas plus de minéralité qui pour moi est le marqueur de la fraîcheur des vins du midi.
Jean Philippe Padié : le premier critère de choix reste le goût du raisin. Quand il me plaît, je le cueille. Le raisin est un fruit comme les autres. Quand je choisis une tomate, je la veux avec son goût de tomate : ferme mais pas verte, encore acidulée, croquante, juteuse, sans tomber dans le côté cuit et farineux. J’adore la confiture aussi, mais sur des tartines de pain grillé, pas dans le verre.
La date de récolte dépend aussi d’abord de l’histoire du millésime. J’ai toujours été dans cette écoute de la fraîcheur gustative et aromatique dans mes blancs. Avec l’expérience, on anticipe un peu mieux la réaction de chaque parcelle, donc on peut être un peu plus précis dans ses choix, être un peu plus patient ou plus réactif. Surtout ne pas avoir de recette, mais être en éveil et à l’écoute. Pendant la maturation, chaque jour, chaque nuit comptent. On ne peut pas l’anticiper, juste l’observer.
Mouscaillo – Pierre Fort : c’est très difficile de décider de la date de vendange : trop de paramètres… Lesquels privilégier ? Au départ je comptais faire des vins à 12°-12.5°, mais j’avais des maturités incomplètes et trop d’acidité. C’est pour moi la plus grosse interrogation : à quelle date vendanger ? Actuellement je vise un PH de 3.2 D° 13.5
Roc d’Anglade – Rémy Pédreno : je cherche uniquement mon plaisir quand je le goûte, je suis dans le ressenti pur et simple, je cherche un équilibre, une harmonie, je n’utilise plus le réfractomètre depuis 2003.
Préceptorie de Centernach – Aurélie Pereira : clairement oui !
Mais la réponse à donner à votre question est complexe…
Vous voulez savoir à quelle maturité nous cueillons ? Il faudrait tout d’abord savoir ce que vous attendez par maturité… Pour moi il n’y a pas une mais des maturités ; en effet la date de cueillette et donc la maturité seront bien différentes selon que nous voulions produire un blanc, un rosé, un rouge sur le fruit, un rouge de garde, un vin doux naturel à boire sur la jeunesse où un VDN à travailler en oxydation…
Je vais tout de même essayer de répondre à votre question.
Nous sommes nés et avons grandis au milieu d’un monde vignerons où la recherche en terme de maturité n’avait pour seul objectif que d’aboutir à des raisins les plus riches possibles en degré (avec un soucis aussi de volume : la fameuse rémunération des caves coopératives aux kilos/degrés…) et ceci dans un monde où seul était produit du vin doux naturel.
C’est pour cela que je vous ai répondu en bloc « clairement oui », car nous sommes aujourd’hui avec la Préceptorie dans une recherche d’équilibre sur la fraîcheur et nom sur la puissance.
Pour être plus pratique…
Nous cueillons nos cépages blancs sur une maturité que l’on pourrait qualifier de mixte : 60 % de raisins à la maturité optimale, 30 % en sous maturité et 10 % parfois déjà trop « doré » car ici le soleil tape fort et l’exposition ou non de la grappe au soleil du soir est capitale.
Nous trions très peu sauf en cas de problème sanitaire, ce qui est très rare sur les blancs.
Nous cueillons nos cépages rouges destinés au rosés dans cet esprit la, aussi.
Nous cueillons nos cépages rouges destinés aux rouges secs à une maturité plus optimale, le grenache noir doit être mûr sous peine de tomber dans le goût végétal… mais mûr ne veut pas dire à maturité phénolique, nous avons essayé et bien souvent sur le grenache il faudrait alors le cueillir à 16 ou 17 % potentiel, d’autres problèmes d’équilibres se posent. Donc nous cueillons nos rouges quand un maximum de baies est à la maturité adéquate pour nous et nous réalisons un tri sévère où nous écartons les grains verts et les grains qui commencent à flétrir.
Pour les VDN, nous travaillons toujours avec la barrière légales des 15% minimum potentiel à la cueillette et nous essayons de ne pas aller au delà, nous flirtons avec ce degré mais recherchons toujours la fraîcheur.
Haute Terre de Comberousse – Paul Reder : je crois avoir déjà répondu à la question. Avancer la date des vendanges pour avoir plus de fraîcheur révèle pour moi la perversion de l’approche analytique du vin.
Ludovic Gaujal : je n’ai jamais recherché la fraîcheur, mais le gras et l’onctuosité. Ce qui est l’inverse. Je recherche le caractère méridional, et non pas septentrional. J’ai l’accent du Sud, et j’en suis fier, mes vins aussi.
Ce que je tiens à dire, c’est que le Picpoul et vendanges extrêmes sont le même cépage Piquepoule. L’un est ramassé vers le 25 septembre à 13°5 (14° pour le 2009 qui est sublime) et l’autre vers le 20 octobre à 22°. Donc nous stoppons la fermentation à 16° pour laisser 6° de sucre résiduel (environ 70 g/ litre).
Mas Champart : pour les blancs, la maturité peut être très rapide en année précoce (chaude, avec du vent du nord), nécessitant de se tenir prêt assez tôt si on veut rester léger en alcool.
Les Eminades – Patricia Bettoni : nous essayons de vendanger des raisins fermes et croquants.
L’évolution du contexte climatique est-elle un sujet d’inquiétude, avec la possibilité de profonds bouleversements à venir ? Commencez-vous à les anticiper ?
Coume del Mas – Philippe Gard : la première conséquence est le retour en force des cépages traditionnels comme le carignan et le grenache. J’ai vinifié au Mas Cristine pour la première fois une cuvée de carignan gris à découvrir !!!
Pour le reste, ici, c’est le manque d’eau qui condamnera pas mal de vignes de Banyuls, surtout sur les pentes sud et les bords de mer.
Jean Philippe Padié : je ne suis pas un pessimiste de nature. Par contre je me sens plus proche de Nietzsche que de Rousseau.
Et puis les choses sont effectivement en mouvement : le climat, la terre… Ce n’est pas un scoop. C’est juste un peu plus rapide que ce qu’on voulait nous faire croire. Effectivement, nous constatons depuis 2003, dans le Roussillon, que les précipitations annuelles sont de plus en plus faibles. La vigne doit s’adapter. 2003 a été violent pour elle (pour tout le monde d’ailleurs). Mais elle commence à s’en accommoder. Les gens s’étonnent d’avoir des chutes énormes de rendements en 2009. Il a faut chaud en juillet-août, certes. Mais la définition d’une récolte se fait l’année précédente (induction florale). En 2008 (dans le Roussillon) la vigne n’a quasiment pas eu d’eau de toute l’année, ni l’hiver, ni au printemps. Elle a commencé son cycle végétatif avec ce manque d’eau, et a accompagné le raisin raisonnablement sans se stresser. Elle avait certainement anticipé le coup pour 2009 : « on va faire un peu moins de raisin au cas où…». Pour que cela ne se passe pas trop mal, il faut juste adapter sa taille, ses interventions culturales… pour limiter la demande hydrique de la plante et stimuler la vie microbienne qui permet de garder l’humidité dans le sol (entre autre). Juste du pragmatisme : il ne pleut pas beaucoup, comment préserver le capital hydrique du sol pour que la plante ne stresse pas et accompagne correctement une récolte raisonnable ?
Et puis l’autre « levier » est tout simplement (mais avec beaucoup de temps et de travail) une revalorisation du patrimoine qui fond comme peau de chagrin. Identifier les vielles souches de cépages en place depuis presque un siècle, les multiplier, les replanter. Tout ce que faisaient les anciens de manière empirique mais pragmatique.
Roc d’Anglade – Rémy Pédreno : non. Pour l’instant, je me laisse guider de plus en plus par mon goût, par les terroirs, et les cépages préconisés par les anciens et les décrets d’appellation, ils ne sont pas sans intérêt loin de là, les listes de cépages ne sont pas le fruit du hasard !
Ainsi mon futur blanc reprendra à peu de choses près la liste des cépages blancs du VDQS Langlade de 1945 !
Préceptorie de Centernach – Aurélie Pereira : tout ce qui touche au fragile équilibre de la nature touche le vigneron, notre « bureau » n’a pas de toit, mais il y a beaucoup de paramètres qui entrent en jeu, autant le goût du consommateur que le climat ; vous disiez vous-même que les vins ont évolué vers plus de fraîcheur alors que la température augmente… le vigneron est donc attentif a son environnement au sens large du terme : la nature, le terroir, les gens, leurs goûts…
Notre métier réside donc dans une anticipation perpétuelle, mais pas avec pour seul axe de réflexion le climat.
Haute Terre de Comberousse – Paul Reder : le climat méditerranéen nous prépare déjà aux excès. Les excès du climat actuel font déjà partie de notre savoir faire. Pour ce qui est de la dérive, il va falloir évidemment écouter la nature d’une manière plus appropriée … ou s’en affranchir de plus en plus !!!
Ludovic Gaujal : attendons pour voir. Déjà un organisme gouvernemental s’est trompé pour la fonte des glaces, de 2350 à 2035. Ce n’est pas pareil. Et si nous vivions un cycle de chaud, avant un cycle de froid ?
Depuis 32 ans que je vinifie du Piquepoule, j’ai toujours ramassé entre le 20 septembre et 3 octobre.
Clos Centeilles – Patricia Boyer Domergue : je ne suis pas trop inquiète vis-à-vis du réchauffement, notamment par l’expérience du millésime 2003 (et récemment 2009) où mes plantes ont parfaitement résisté : grâce notamment à des sols profonds, une nappe phréatique sous les vignes, des racines volontairement guidées profondément (avec des choix explicites, comme par exemple après plantation des cépages blancs, où nous n’avons pas chercher à produire de raisin pendant les 7 premières années – puisque nous les avons systématiquement coupés – privilégiant le développement végétal et racinaire).
Mas Champart : ça va : on arrive encore à dormir !
Les Eminades – Patricia Bettoni : je pense qu’il faut continuer à travailler les variétés autochtones comme le Cinsault et le Carignan.
La dégustation
(Nombre total de dégustateurs : 15)
Les vins de Limoux
Les vins sélectionnés l’ont tous été volontairement sur le terroir particulier de la « Haute Vallée ».
Particulier de par son altitude, ses vents froids pyrénéens, l’exposition parfois nord des parcelles : on retrouve toutes les caractéristiques d’un terroir froid, septentrional. D’ailleurs, la floraison tout comme les vendanges sont souvent plus tardives que sur les Chardonnays de la Côte de Beaune !
Lors d’une visite au domaine Mouscaillo, Pierre Fort m’avait d’ailleurs bien fait comprendre cette donnée essentielle, tout simplement par l’observation de la végétation environnante :
l2009-07-08 visite du domaine Mouscaillo
Son point de vue : « Mes vins sont frais, mais c’est sans mérite : l’altitude, les Pyrénées, les sols argileux sont là ! »
La fraîcheur en devient alors évidente puisqu’on retrouve tout simplement l’acidité de régions du Nord, comme par exemple à Chablis.
Bref, ce terroir est une enclave unique dans la région languedocienne.
Jean-Louis Denois avait été un des premiers révélateurs de ce terroir particulier ; d’autres vignerons continuent les efforts pour donner ses lettres de noblesse à une appellation un peu trop associée à sa Blanquette, célèbre, mais pas toujours synonyme de qualité…
26. Crémant de Limoux : Domaine des Hautes Terres « Joséphine » NM – 12,5°
Cépages : 33% Chenin, 33% Mauzac, 33% Chardonnay (Roquetaillade)
Sous-sol : argilo-calcaire
Exposition : sud
Altitude : 400 m
L’après-midi : DS13,5 – PR14. Note moyenne AM : 13,8
Effervescence sobre dans un verre paille, avec des reflets verts et dorés.
Approche aromatique, fraîche, sur des notes de coquille, d’iode, de craie, plus des intonations de grillé et de noisette.
Matière simple mais sympathique, à la bulle modérée, avec une touche de gourmandise sur la pomme ; finale propre, nette, pour un vin doté d’un bel équilibre, qui nettoie bien la bouche.
La fraîcheur de l’échantillon est très bonne et s’exprime en 3 points :
Le soir : DS12 – PC11 – LG12 – MF12 – MS12. Note moyenne SOIR : 11,8
Nez végétal, simplifié sur des inflexions de pomme, de citron et de géranium (cette dernière plus spécifiquement issue du mauzac ?).
Bouche fruste, pas très bonne malheureusement : sa bulle grossière, c’est un comble, ne parvient pas à rafraîchir le palais (j’entends même le surprenant mais assez juste qualificatif de « déshydratant»). Nous sommes là en complet désaccord avec l’appréciation de l’après-midi.
22. Limoux : Domaine Mouscaillo 2007 – 13,5°
Cépage : 100% Chardonnay (Roquetaillade)
Sous-sol : argilo-calcaire
Exposition : nord
Altitude : 400 m
L’après-midi : DS14,5/15 – PR15. Note moyenne AM : 14,8
Aspect paille, aux nuances gris-vertes.
Olfaction bien juvénile, discrète, voire fermée, particulièrement fraîche, évoquant les Chardonnays septentrionaux : fleurs blanches, grillé, noisette.
Matière strictement tenue, droite, sur un socle acide ferme, tout juste flattée par une pointe de fruits blancs (poire, pomme) ; finale sans relâchement, avec même une impression minérale sincère.
Un vin résolument trop jeune qui, à l’ouverture, ne présente aucune caractéristique sudiste…
Une fraîcheur donc étonnante et intense s’exprimant en 2 points :
Le soir : DS15,5 – PC14,5 – LG15 – MF15,5 – MS15,5. Note moyenne SOIR : 15,2
Robe pâle, nets reflets verts, comme à Chablis.
Nez rentré, réduit, au grillé heureusement discret. Notes ténues de fruits exotiques, d’agrumes, de végétal, de croûte de St-Nectaire, comme à Chablis. De gingembre aussi.
Bouche vive en mode austère, minérale, comme à Chablis ? Surprenante, elle sort du lot et devrait pouvoir vieillir (elle le mérite en tout cas).
Rappel : Limoux – Domaine de Mouscaillo : Juillet 2009 au domaine (PR) – 15,5+/20
Robe paille, reflets verts.
Joli nez de fruits secs, noiseté, légèrement grillé, fumé.
Bouche au soutien acide ferme, mais du jus, de la finesse, de la précision, un peu plus de pulpe apparente au réchauffement ; belle longueur, un vin qui imprègne bien la bouche. Dans le petit jeu des comparaisons, j’aurais misé en Côte de Beaune…
Regoûté le lendemain à l’identique.
Un vin qui ne se goûte toujours pas en force, mais avec pureté et droiture. Très agréable. 16/20
Note : Pierre Fort s’est gentiment prêté à l’exercice de l’interview, d’autant plus gentiment que j’étais passé au domaine quelques mois avant et qu’il avait pris tout son temps pour me faire visiter ses vignes et bien m’expliquer son travail… Bref, un questionnement redondant !
Toujours est-il qu’il y a une parfaite cohérence entre le discours de l’homme et ses vins, à savoir la valorisation d’un terroir très particulier pour une région méridionale, indiscutablement frais.
Les vins expriment à merveille cette fraîcheur locale, sans aucun artifice.
14. Limoux : Vignerons du Sieur d’Arques Toques et Clochers « Haute Vallée » 2006 – 13,5°
Cépages : 100% Chardonnay
Sous-sol : argilo-calcaire
Altitude : 400 m
L’après-midi : DS13 – PR13 – CD12,5. Note moyenne AM : 13,8
Présentation claire, paille, avec des reflets verts.
Senteurs assez fortement boisées, « travaillées », lactiques, caramélisées, qui prédominent quelque peu sur les impressions de poire, d’épices, d’anis.
Matière joufflue, crémeuse, avec cependant une présence acide qui parvient à ressortir en finale, se libérant difficilement de l’emprise de l’élevage.
La fraîcheur est correcte, avec une acidité qui assure l’équilibre général, mais sans grand éclat (contrairement à l’échantillon de Mouscaillo), l’élevage étant ici mis en avant.
On reconnaît d’ailleurs sans trop de mal un Chardonnay sudiste (à la rigueur Mâconnais, sur une année mûre).
Le soir : DS12,5 – PC12 – LG12,5 – MF12,5 – MS12,5. Note moyenne SOIR : 12,4
Nez très lactique, exotique, réglissé. Boisé important même si pas dramatique.
Bouche sur le pamplemousse (et son amertume), ronde mais sans mollesse inacceptable. Linéaire, abrupte, pire un peu dure (rustre) en finale (l’interprétation ibérique du cépage fut un peu plus convaincante).
Rappels :
a. Limoux : Caves du Sieur d’Arques Toques et Clochers « Haute Vallée » 2006 – avril 2009 (LG)
DS14 – PC15 – LG14,5/15 – MS14,5 – MF14,5 – EG14. Note moyenne : 14,5
On croit reconnaître ici un bon chardonnay de la Côte, très mûr certes (mais certains 2006 peuvent l’être, cela s’est joué à quelques jours près pendant les vendanges) : noisette, fougère, agrumes, eau de vie de framboise (infime touche de vinaigre).
Bouche douillette, de belle construction (meursault ?).
b. Limoux : Cave du Sieur d’Arques Sélection Toques et Clochers « Les Hauts Clochers » 2006 – juin 2009 (MF)
DS15,5 – LG14,5 – MS14,5 – MF15,5 – EG15,5. Note moyenne : 15,1
Nez rappelant les senteurs « classiques » de la Côte de Beaune: noisette grillée, citron, fougère.
Bouche à l’ampleur intéressante, équilibrée et fraîche. Le vin exprime des notes d’amande amère et ne fait pas du tout sudiste, on lorgnerait plutôt du côté de Chassagne…Une belle bouteille et une belle surprise !
Les vins du Languedoc
15. Vin de Pays de l’Hérault : Mas Jullien 2007 – 13°
Cépages : 50% Carignan blanc, 20% Grenache blanc, Chenin, Roussanne, Viognier, Clairette, Manseng (Joncquières près d’Aniane)
Sous-sol : terre alluvionnaire et caillouteuse, galets roulés ; multitude de parcelles sur cailloutis calcaires, avec des pourcentages d’argile et de marnes
L’après-midi : DS14,5/15 – PR15,5 – CD13,5 . Note moyenne AM : 14,5
Parure claire, grise légèrement teintée de vert.
Effluves sur un registre très frais, minéral (iode, coquille, pierre à briquet), une pointe de grillé, de noisette ; légère sensation soufrée.
Bouche sapide, ferme, droite, dotée d’une acidité fine, légèrement citronnée ; un vin sur l’élégance, avec un équilibre évident, s’étirant avec une certaine subtilité, à mille lieues de toute impression sudiste…
La sensation de fraîcheur est remarquable au point de donner l’impression d’aborder un blanc « nordique ».
3 axes d’expression de cette fraîcheur :
Le soir : DS13,5 – PC13,5 – LG13 – MF13 – MS13,5. Note moyenne SOIR : 13,3
Abord franchement inamical : réduction, verveine citronnelle, végétal.
Bouche à la fraîcheur citronnée, acidulée, plutôt concentrée, amère. Présentation autoritaire, très « raisins verts ». Un parti-pris pas évident à apprécier (il faudra suivre son évolution, d’autant que c’est une cuvée que j’ai beaucoup appréciée en juin 2009).
25. Vin de Pays de l’Hérault : Domaine Pas de l’Escalette « Les Clapas » 2007 – 12,5°
Cépages : 40% Carignan, 40% Terret-Bourret, 20% Grenache blanc (Poujols – Nord de Lodève)
Sous-sol : argilo-calcaire + éboulis calcaires
Exposition : nord
Altitude : 350 m
L’après-midi : DS14 – PR14. Note moyenne AM : 14
Robe lumineuse, claire, paille, légèrement nuancée de vert.
Peu expansif, le nez diffuse quelques notes d’amande verte, de nougat, de fruits à chair blanche.
Matière droite, à l’acidité quelque peu citronnée, légèrement stricte en attaque (pas de gras ni de sucre, un vin bien sec !), prenant peu à peu davantage de gourmandise et de jus autour de la poire ; un joli vin, assez original, très bien fait.
Fraîcheur bien palpable également dans cet échantillon avec une présence acide nette qui assure un équilibre peu commun en Languedoc.
Le soir : DS14 – PC14 – LG14 – MF14 – MS14. Note moyenne SOIR : 14
Nez juvénile, peu parleur, délivrant des notes de guimauve, de poire, de citron.
Bouche peu goûteuse, de bonne acidité. Un style sans oxydation (cf. le Terret-Bourret de Barral, qui a aussi son charme), tenu, surveillé.
Rappel : Vin de Pays de L’Hérault – Domaine Pas de l’Escalette « Les Clapas » 2007 : Janvier 2009 (PR)
DS15 – LG15 – PR15 – MS15 – EG14,5. Note moyenne : 14,9
Couleur très claire, avec des nuances grisées.
Grande fraîcheur olfactive, crayeuse, sur des notes timides de poire, de pomme ; style « nordiste », pouvant sembler minéral.
Toujours peu aromatique, mais avec une matière cossue, structurée, parfaitement équilibrée, s’appuyant sur un socle acide ferme.
Pour info : bu le lendemain exactement comme lors de la dégustation, frais, tendu, assez austère, mais d’un équilibre étonnant pour un sudiste.
11. Vin de Pays d’Oc : Domaine Alain Chabanon « Trelans » 2005 – 14°
Cépages : 55% Vermentino, 45% Chenin (proche Aniane)
Sous-sol : sols pauvres et caillouteux de type argilo-calcaire
L’après-midi : DS13,5 – PR14 – CD13,5 . Note moyenne AM : 13,6
Belle couleur or.
Initialement timide, sur quelques notes de jaune d’œuf, de fruits blancs, le nez s’ouvre peu à peu, non sans évoquer quelques impressions angevines (poire, pomme, Rhum ambré).
Matière assez « confortable », plantureuse, quelque peu alcooleuse en attaque, mais assumant parfaitement cet équilibre grâce à une signature acide qui s’impose en finale, laissant une impression bien plus fraîche qu’on ne l’aurait initialement imaginée…
La fraîcheur est globalement préservée, même si l’équilibre évoque une réalisation sudiste (avec du gras, de l’alcool), grâce à une acidité «combative» qui finit par imposer en bouche. Les impressions seront-elles les mêmes après 5h d’aération ?
Le soir : DS12,5 – PC13 – LG12 – MF12 – MS12. Note moyenne SOIR : 12,3
Robe intense.
Nez exprimant les fruits exotiques (passion, citron vert), le pain d’épices. Scories boisées et ennuyeux soupçon de vernis.
Bouche flottante, à l’acidité grinçante, pour une finale exagérément amère. Ajoutez à cela un taux d’alcool trop prononcé et passez votre chem(n)in (sur cet échantillon du moins).
13. Coteaux du Languedoc : Domaine des Hautes Terres de Comberousse « Sauvagine » 2008 – 13°
Cépages : 66% Grenache blanc, 33% Rolle (Cournonterral – Ouest de Montpellier)
L’après-midi : DS13 – PR(12,5) – CD13,5 . Note moyenne AM : 13
Teinte jaune, reflets dorés.
Présentation aromatique, particulièrement mûre, même oxydative, sur des notes puissantes de pomme au four, de cidre, de guimauve.
L’équilibre en bouche est n’est pas évident, avec une attaque très mûre, oxydée (notes intenses de pomme blette), puis un impact acide aigu, explosif, qui ne donne pas l’impression de réellement s’intégrer.
Un échantillon retors, très particulier, certes très frais, mais avec une acidité « pointue » qui ne facilite pas l’harmonie d’ensemble.
Le profil oxydatif sur un millésime aussi jeune est assez déroutant et laisse un doute légitime sur la bonne santé de l’échantillon…
Le soir : DS13 – PC14 – LG12,5 – MF12,5 – MS13,5. Note moyenne SOIR : 13,1
Nez entre chenin et chardonnay : beaucoup de pomme, tilleul, rhum, citron.
Matière assez dense marquée en excès par de l’acidité, de la verdeur. Stricte et amère. Finale citrique qui ne donne pas envie d’y revenir.
Note : en lisant l’interview, on ne s’attend vraiment pas à trouver un tel échantillon… d’où d’ailleurs ma note entre parenthèses (l’échantillon était-il valable ?). Paul Reder semble être un farouche opposé des sous-maturités et cherche presque le contraire ; hors, à l’aveugle, l’impression était toute autre, oscillant entre maturité et sous-maturité, le côté citrique de la matière ressortant de manière trop prononcée. Difficile en tout cas, sur un seul vin, de faire le lien entre l’interview et le verre.
24. Coteaux du Languedoc : Château de Lascaux 2007 – 13°
Cépages : 50% Vermentino, 20% Roussanne, 20% Marsanne, 10% Viognier (Vacquières – Pic St-Loup)
Sous-sol : Argilo-calcaire sur marno-calcaire
Exposition : sud-ouest
Altitude : 130 m
L’après-midi : DS14 – PR14. Note moyenne AM : 14
Aspect paille, avec des reflets gris-verts.
Des odeurs de pamplemousse, de fleurs blanches, de nougat, d’amande, d’abricot qui signent bien le caractère des différents cépages.
Bouche mûre, affichant de belles rondeurs, mais gardant de la vitalité avec une tension acide et une pointe d’amertume en finale.
Pourtant sans renier son âme sudiste, ce vin affiche une réelle fraîcheur, articulée autour de deux points :
Le soir : DS14 – PC14 – LG14 – MF14 – MS14. Note moyenne SOIR : 14
Tournure délicatement muscatée, épicée.
Le résultat n’est pas un monstre de saveurs mais une production satisfaisante, de bonne présence, pas lourde.
18. Vin de Pays des Coteaux du Salagou : Mas des Chimères 2007 – 14°
Cépages : Chasan, Viognier et Terret à part à peu prés égale, majoritaires, un peu de Carignan blanc (Octon – Est du Lac Salagou)
L’après-midi : DS12 – PR(12) – CD13. Note moyenne AM : 12,3
L’échantillon est assez trouble, « laiteux », de couleur jaune.
Nez bien aromatique (abricot, violette, muscat, anis), mais bien « parasité » par des impressions soufrées (croûte de fromage, champignon).
Matière qui peine à trouver une forme de sérénité, tiraillée entre la rondeur, l’alcool, l’amertume, le végétal, avec une finale chaleureuse où il nous semble de nouveau percevoir comme une brûlure du soufre.
Le domaine m’avait prévenu de problèmes importants sur le millésime 2007, un nombre important de bouteilles semblant être reparties en fermentation.
Je ne sais pas exactement si notre échantillon en était affecté, mais il est clair que l’équilibre semblait très perturbé.
La notion de fraîcheur est donc ici difficile à cerner.
C’est pour cette raison que nous avons présenté le millésime 2008.
Le soir : DS13 – PC13,5 – LG13 – MF13,5 – MS13. Note moyenne SOIR : 13,2
Robe turbide.
Nez fruité, un peu comme celui d’un viognier ou mieux, de nouveau comme celui d’un Gewurztraminer (douceurs olfactives combinées de la rose et du litchi).
Matière onctueuse, capiteuse, déjà un peu élimée, courte (finale sur le gingembre). Les chimères à l’œuvre ?
8. Vin de Pays des Coteaux du Salagou : Mas des Chimères 2008 – 13,5°
Cépages : Viognier et Terret majoritaires, un peu de Carignan blanc, un tout petit peu de Chardonnay et de Roussanne (Octon – Est du Lac Salagou)
L’après-midi : DS13,5 – PR13 – CD13 . Note moyenne AM : 13,2
Couleur paille avec des inflexions vertes.
Nez frais, très jeune (encore légèrement réduit, voire un peu bridé par des impressions une nouvelle fois soufrées), se révélant peu à peu à l’aération : grillé, noisette, abricot, poire, pointe de fougère.
Attaque plutôt aérienne par son aspect temporairement moustillant, avec une impression de fraîcheur immédiate (acidité), mais qui, progressivement, laisse place à des traces d’alcool pour finir sur des notes surprenantes de sucre d’orge (équilibre presque de demi-sec !).
L’impression de fraîcheur est ici correcte, mais n’est pas aussi significative que sur d’autres échantillons.
Plusieurs axes :
L’acidité n’est pas particulièrement en relief, dominée notamment dans une fin de bouche qui se réchauffe de plus en plus.
Le soir : DS14,5 – PC14,5 – LG14,5 – MF14,5 – MS13,5. Note moyenne SOIR : 14,3
Robe dorée incitative.
Réelle apparence fruitée pour ce vin de cuve fort avenant nous projetant un peu en Alsace (mirabelle, abricot, citron, pomelo).
Bouche replète (mais pas avachie), savoureusement gourmande, appréciable pour son immédiateté. Pierre décrit une « fraîcheur sur le gaz ».
Bilan : un vin réjouissant, sans entrave et sans prétention, à boire dans sa prime jeunesse pour bénéficier de son appréciable mais fragile creuset fruité (cf. le vieillissement accéléré du 2007 qui suivra).
9. Vin de Table « Le C » : Clos Centeilles (2007) – 12,5°
Cépages : 35% Araignan Blanc, 30% Riveirenc Gris, 30% Riveirenc Blanc, 5% Grenache Gris (région Minervois)
Sous-sol : argilo-calcaires sur grès siliceux
Exposition : sud
L’après-midi : DS14,5 – PR14,5 – CD13,5 . Note moyenne AM : 14,2
Parure claire, paille aux reflets gris-verts.
Olfaction presque vouvrillonne ! Coquille d’huître, iode, pierre à briquet, graphite, trait de vert, la présentation est particulièrement minérale…
Bouche surprenante de fraîcheur, sans la moindre trace d’alcool (12,5° pour un vin du Languedoc…), mais à la maturité très cohérente, le vin présentant une réelle harmonie de saveurs… Acidité présente, bien intégrée, salinité, fermeté, personnalité, ce vin est assez remarquable, impossible à situer au Sud : on pourrait très bien miser sur un Muscadet !
L’expression de fraîcheur est remarquable, car non seulement intense, mais sans paraître « forcée ».
Deux axes :
Le soir : DS14 – PC14 – LG14,5 – MF13,5/14 – MS14. Note moyenne SOIR : 14,1
Nez peu causant, réduit délivrant des notes rentrées de camphre, de rillettes, de cacahouète, de sardines à l’huile, de fougère, voire d’iode.
Bouche de socle raisonnable, austère, marquée par un filet de citron préservant sa tonicité.
Style en effet plus « nordiste », opposé à celui du Mas des Chimères.
Note : la vigneronne a été une des rares à expliquer franchement ses objectifs sur la maturité (il m’a semblé extrêmement difficile de faire parler les vignerons sur les questions précises de maturité, de dates de vendanges… comme si le sujet semblait quelque peu tabou…), avec surtout la franchise de lâcher le mot « sous maturité »… Bien évidemment, il serait stupide de focaliser sur cette seule donnée (importance des cépages pour nous inconnus ? recherche d’équilibre de la vigne à priori cohérente…), surtout quand le résultat final est tout à fait intéressant (à savoir que Patricia Boyer Domergue appliquerait, tout simplement, la philosophie de Château Rayas contre lequel, il me semble, peu de voix s’élèvent…).
19. Saint-Chinian : Mas Champart 2008 – 14°
Cépages : Marsanne, Roussanne, Bourboulenc, Grenache
L’après-midi : DS14 – PR14 – CD13,5. Note moyenne AM : 13,8
Aspect paille jauni, avec des nuances dorées.
Odeurs bien mûres et généreuses de pomme, de poire au sirop, de pêche jaune, d’anis, avec toutefois une pointe lactique et caramélisée.
Bouche au diapason, expressive (la Roussanne semble être plus en évidence), peut-être un peu simple (très jeune…) mais à la fois mûre et juteuse, affichant un équilibre très intéressant, sans forcément une grande force acide, mais avec le soutien de l’amertume et une finale épicée haute en couleur !
Jolie fraîcheur, appréciable sur 3 points :
Le soir : DS14 – PC13,5/14 – LG14 – MF13,5 – MS13,5. Note moyenne SOIR : 13,8
Nez lacté sur des senteurs simplistes de pomme, de citron, de gingembre, de bâton de réglisse.
Bouche juste correcte (en termes de maintien acide), genre « service minimum ».
Note : l’interview nous révèle un domaine qui procède de façon attentive, progressive, sans chercher de révolution ni d’extrême… La dégustation est en cohérence, avec un vin qui ne renie pas ses origines tout en affichant un équilibre juste.
21. Vin de Table : Domaine Les Eminades « Silice » (2006) – 13°
Cépages : 100% Sauvignon (proche St-Chinian)
Sous-sol : Argilo-Siliceux-Limoneux
Altitude : 100 m
L’après-midi : DS(13) – PR(13) – CD12,5. Note moyenne AM : (12,8)
Robe paille jauni, reflets verts et dorés.
Bien peu charmeur, le nez se cantonne à une expression fortement réduite de peau de poulet grillé, de cacahouète, de pâte à pain, de levure…
Si l’offre aromatique n’évolue pas en bouche, cadenassée à double tour, la matière semble de qualité, assez fine, iodée, dynamisée par une acidité gaillarde, presque métallique ! Un vin « froid », presque retors, cachottier, qui ne livre ni le caractère du Sauvignon, ni ses origines sudistes…
J’espère que l’aération aura permis de le « pénétrer » davantage…
La fraîcheur est évidente, particulièrement en relief, articulée autour d’une acidité prononcée.
Difficile d’être plus explicite à ce stade…
Le soir : DS(13) – PC13 – LG13 – MF(?) – MS(13). Note moyenne SOIR : (13)
Réduction grillée marquée, de nouveau.
De la densité, de la fraîcheur pour une expression cependant impersonnelle de sauvignon défiguré (on a imaginé un chardonnay de Tissot ou du grenache roussillonnais « trituré »). De nouveau, difficile de ne pas pester contre une approche désarçonnante, vaine, peu enviable, décevante. Même réserve que pour l’impotent 2002 (boisé et alcoolisé).
Rappel :
Vin de Table (Hérault) – Domaine Les Eminades « Cuvée Silice » (2006) à l’ouverture (PR)
DS(15) – PR(15) – CD14,5. Note moyenne : (14,8)
Présentation paille aux reflets quelque peu jaunis.
Impossible de se défaire d’une signature de Chardonnay généreusement bâtonné sur lies avec une prédominance d’arômes de réduction assez noble (avec une pensée au maître bourguignon Coche-Dury !) : grillé, noisette, beurre, jaune d’oeuf.
Matière étonnante, avec du volume, du gras, de la longueur et ces arômes qui nous « scotchent » véritablement sur un Chardonnay bourguignon ! Assurément une réalisation peu banale, peut-être trop éloignée de son cépage et de son terroir. Une sorte de « bête d’élevage »…
Vin de Table (Hérault) – Domaine Les Eminades « Cuvée Silice » (2006) après 5h d’aération (LG)
DS(15) – LG14,5 – MS(14) – MF14,5 – EG(14). Note moyenne : (14,4)
D’emblée, le dégustateur est accueilli par des exhalaisons grillées, toastées (impression de sésame grillé, de peau de poulet brûlée) que l’on trouve plus volontiers sur certains vins issus de Chardonnay (en Côte de Beaune ou en Jura). Sans oublier que l’on trouve ce même profil olfactif sur le chenin produit en 2006 par Rémy Pédréno au Roc d’Anglade Bouche comme travaillée, particulièrement bichonnée, citronnée. On ne peut enlever à cette matière, certes surprenante, ses qualités de fraîcheur, de finesse et de persistance. Encore plutôt muette mais dotée.
Note : l’interview nous a donné quelques éléments, plutôt sobres, ne nous permettant pas de comprendre en profondeur le travail du domaine. Il nous semble se dégager une approche qu’on pourrait rapprocher de celle de Rémy Pédréno (Roc d’Anglade) avec une recherche de fraîcheur très prononcée : dans le choix du cépage, dans la date de vendange (basée sur la dégustation du fruit, sur des goûts certainement un peu différents des nôtres, moins sucrés, plus croquants, plus acides… moins mûrs ?), dans le modelage par l’élevage. Le résultat n’est en tout cas pas facile à décrypter…
12. Coteaux du Languedoc Picpoul de Pinet : Domaine Ludovic Gaujal 2008 – 13°
Cépages : 100% Picquepoul (entre Sète et Pézenas)
L’après-midi : DS14,5 – PR15 – CD14 . Note moyenne AM : 14,5
Echantillon très pâle, tout juste paille, avec des nuances argentées et vertes.
Impressions rafraîchissantes de fruits blancs, pamplemousse, citron, avec une pointe de végétal assez élégant (fougère).
Très jolie bouche mariant avec justesse la maturité évidente de la matière (charnue, grasse, fruitée) et la fraîcheur d’ensemble bien portée par l’acidité, légèrement citronnée, et la minéralité, la finale étant nettement marquée d’impressions iodées, salines. Une légère sensation d’amertume pourrait nous indiquer, à l’aveugle, une tendance plus sudiste (mais très agréable, assurant d’ailleurs encore davantage la tenue de bouche), car pour le reste, rien n’indiquait ces origines méditerranéennes : on aurait même pu penser à un joli sauvignon de Sancerre !
Un vin parfaitement convainquant, tant au niveau de la fraîcheur, de la qualité générale (bien ingrate réputation du Picpoul…) que du prix !
La sensation de fraîcheur est saisissante, perceptible sur 4 points :
Le soir : DS13,5 – PC13,5 – LG13,5 – MF13 – MS13 . Note moyenne SOIR : 13,3
Odeurs de réduction (vase), de citron, de fruits exotiques, de fougère, avec beaucoup de bâton de réglisse.
Bouche sans avachissement (frétillance du gaz), dodue toutefois (ce qui dénature un peu l’expression du cépage – comme traité par exemple de manière plus classique au domaine Félines Jourdan), en registre moins charmeur que dans le cas du Mas des Chimères 2008. On s’interroge ici sur l’intervention humaine (levures, enzymes) pour exfilter les arômes.
Note : nous tenions absolument à goûter un Picpoul, car cette appellation nous a toujours révélé une fraîcheur étonnante…
L’échantillon choisi est d’autant plus intéressant que Ludovic Gaujal se défend de rechercher ce paramètre : « je n’ai jamais recherché la fraîcheur, mais le gras et l’onctuosité. Ce qui est l’inverse. Je recherche le caractère méridional, et non pas septentrional. »
Preuve en tout cas que le terroir dépasse les attentes du vigneron… car la fraîcheur est ici remarquable ! Avec, et c’est peut-être un comble pour un vigneron si fier de son Sud, une expression bien plus septentrionale…
L’appellation cacherait elle un secret ?
La proximité de la mer ? La nature du cépage ? La caractéristique du sous-sol ? Il faudrait s’y intéresser de plus prés…
27. Vin de Table : Domaine Ludovic Gaujal « Vendanges Extrêmes » (2002) – 14°
Cépages : 100% Picpoul (entre Sète et Pézenas)
L’après-midi : DS13 – PR13. Note moyenne AM : 13
Vin orangé, presque ambré.
Senteurs typiquement passerillées sur le sucre d’orge, la pâte de coing, l’abricot, l’orange confite, sans grande variété aromatique.
Liquoreux atypique, au sucre raisonnable (caramel), avec une sensation végétale (gentiane) doublée d’amertume prononcée, données assez déstabilisantes sur ce genre de vin…
La fraîcheur n’est pas vraiment une caractéristique particulière, le vin étant ni vraiment frais, ni vraiment mou…
La tenue vient essentiellement de ses amers.
Le soir : DS13 – PC13,5 – LG13 – MF13 – MS13. Note moyenne SOIR : 13
Robe ambrée.
Nez pas inintéressant alliant des senteurs passerillées : raisin et abricot secs, mangue rôtie, kumquat, géranium (de nouveau).
Cela se gâte en bouche car le moelleux est chétif et chiche en goûts, flasque autant qu’amère, sans réponse en finale.
Je retrouve ici la relative indigence de l’anémique 1998.
Note : là, par contre, on retrouve la parfaite cohérence entre le discours du vigneron et son vin : barre au sud !!!!
Les vins du Roussillon
6. Vin de Pays des Côtes Catalanes : Domaine Le Soula 2005 – 13°
Cépages : 40% Grenache blanc, 30% Sauvignon, Maccabeu, Roussanne, Marsanne, Chenin, Vermentino (Vallée de l’Agly – St-Martin de Fenouillet)
Sous-sol : terrasses granitiques d’altitude de la région de Fenouillèdes
L’après-midi : DS14,5 – PR14,5 – CD15 . Note moyenne AM : 14,6
Teinte paille avec des lueurs dorées.
Signature oxydée dominante sur la poire cuite, la pomme au four, la pomme blette, évoquant quelque peu Xérès, mais avec une certaine simplicité.
La matière est sérieuse, grasse, avec du fond, de la longueur, un poids évident (peut-être le vin le plus dense et doté de toute la dégustation), avec une acidité qui ressort peu à peu sans pour autant devenir pointue (ce qui n’était pas le cas dans nos dégustations précédentes : le vin semble avoir gagné en souplesse). Le seul bémol, et non des moindres à notre avis, est ce profil oxydatif fort : autant on peut considérer une possibilité de séduction pour les inconditionnels de ce goût, autant il est évident que cette donnée est très nuisible tant à la fraîcheur (l’oxydation est évidemment davantage synonyme de vieillesse que de jeunesse !) qu’à la pureté aromatique… Tous ceux qui s’inquiètent de l’oxydation prématurée des Chardonnays de Bourgogne (qui secouent unanimement amateurs et professionnels) ne peuvent que comprendre ce point de vue…
La perception de la fraîcheur reste quand-même très bonne, avec l’acidité comme élément révélateur.
Le soir : DS14,5 – PC13,5/14 – LG14 – MF14 – MS14,5 . Note moyenne SOIR : 14,2
On devine ici un vin un peu plus âgé. Profil oxydatif : citron, résine, cidre.
Matière passablement fade, alourdie par un peu de sucre et trop de bois. Prolongement sur la pomme et le citron.
Bilan : équilibre « en équilibre » (effet millésime ?)
Rappels :
a. Vin de Pays des Côtes Catalanes – Le Soula 2005 – 23/9/08 (PR)
DS12,5 – PR12,5 – LG12,5 – MS12,5 . Note moyenne : 12,5
Robe paille aux reflets gris.
Profil très fermentaire et lactique, avec des notes de levure, champignon, yaourt, citron, pomme ; on regrette un certain manque de spontanéité fruitée.
Bouche bien en chair, mais dotée d’une acidité mordante, d’un caractère aromatique qui manque d’éclat et de pureté, pour rester sur un registre légèrement réduit.
Je ne retrouve pas les sensations de mes précédentes dégustations de ce vin, mais recroise par contre celles du millésime 2004…
b. Vin de Pays des Côtes Catalanes – Domaine Gauby « Le Soula » 2005 : 27/05/2008 (LG)
DS14,5 – DS14,5 – PC14,5 – LG14 – MS14,5 – CD14,5. Note moyenne : 14,5
Nez un peu oxydé offrant des notes de pomme, de rhum et d’épices.
Bouche sur des goûts de coing et de poivre blanc.
c. Vin de Pays des Côtes Catalanes – Domaine Gauby « Le Soula » 2005 : 1/4/2008 à l’ouverture (PR)
DS15,5 – PR15,5 – CD15. Note moyenne : 15,3
Robe jaune dorée.
Nez qui envoie ! Pâtisserie, brioche, crème catalane, pomme, poire mûre, épices douces. Belle générosité !
Charme immédiat : rondeur, résiduel, gourmandise, le tout relevé d’une pointe acide qui apporte la tenue nécessaire.
2005 semble avoir apporté au Soula une maturité et une générosité de matière que je ne lui avais jamais connues jusqu’alors.
Vin de Pays des Côtes Catalanes – Domaine Gauby « Le Soula » 2005 : 1/4/2008 après 5h d’aération (LG)
DS14,5 – LG14,5 – MS15. Note moyenne : 14,7
Effluves fruités et épicés : poire, abricot, guimauve, poivre, gingembre.
On note en bouche une certaine ampleur de chair, de l’amertume et une présence sucrée (un peu comme dans le cas de vieille vignes éparses 2005 de Bellivière, en moins prononcé toutefois).
7. Vin de Pays des Côtes Catalanes : Domaine Gauby « Vieilles Vignes » 2006 – 13,5°
Cépages : 40% Maccabeu 50/100 ans, 30% Grenache Blanc 50/100 ans, 10% Grenache Gris 50/100 ans, 15% Chardonnay 30 ans, 5% Carignan blanc 50/100 ans (Vallée de l’Agly – Calce)
Sous-sol : calcaire sédimentaire, marnes, argilo – calcaire, schistes.
L’après-midi : DS13,5 – PR14 – CD14,5 . Note moyenne AM : 14
Aspect pétard, jaune avec des nuances bouton d’or.
Offre aromatique et mûre, étonnamment typée Chardonnay boisé (alors que ce cépage n’entre que dans 15% dans l’assemblage) : très beurré, crémeux, vanillé, avec des notes de fruits blancs, de malt, de Bourbon, une légère impression réduite sur les levures, le yaourt.
Matière concentrée, riche, grasse, quelque peu massive, avec cet aspect plus flatteur que raffiné de vin sophistiqué, « soulagée » en finale par une pointe d’acidité…
Contrairement à nos dégustations sur les millésimes 2004 et 2005, voire l’échantillon 2006 précédent (où l’acidité nous est toujours parue violente, voire dissociée), cet échantillon n’est pas ici bâti sur la fraîcheur, l’acidité se faisant même discrète.
A vérifier…
Le soir : DS13 – PC13 – LG13 – MF12 – MS12,5 . Note moyenne SOIR : 12,7
Belle couleur dorée.
Un peu de complexité via des senteurs corsées de cédrat, d’herbes de la garrigue. Gamme lactée aussi (beurre blanc).
Saveurs et tenue correctes mais le bois s’exerce un peu en camisole, compromettant la fraîcheur.
Comme dans d’autres cas, le chardonnay est très minoritaire mais il conte sa présence avec détermination.
Bilan : pas la verdeur excessive parfois trouvée dans le vins du domaine mais au final une livraison rébarbative, bien trop chère (et de nouveau, l' »école de Calce » sur la sellette).
Rappel :
Vin de Pays des Côtes Catalanes : Domaine Gauby « Vieilles Vignes » 2006 – 26/5/2009 (LG)
DS13,5 – LG13 – PR12,5. Note moyenne : 13
Notes impactées par l’élevage : eau de vie de pomme, citron, sueur. Fermentaire, réduit.
Bouche dense, austère, corsée, rappelant la peau de grumes, la pomme blette aussi. On retrouvera ici sur le débat sur le couple alcool/fraîcheur apparu sur le Savennières. Le style maison, pour un parti pris oenologique respectable mais décidément pas facile.
3. Vin de Pays des Côtes Catalanes : Domaine Padié « Fleur de Cailloux » 2008 – 12,5°
Cépages : 50% Grenache blanc, 30% Grenache Gris, 20% Maccabeu (Vallée de l’Agly – Calce)
Sous-sol : argilo calcaire, marnes calcaires, marnes schisteuses
L’après-midi : DS14 – PR14 – CD14,5 . Note moyenne AM : 14,2
Parure paille, quelques inflexions grises.
Effluves timides et frais de pomme, d’abricot, de calisson, de fleurs blanches, d’herbe coupée.
Corps modeste mais bien juteux, dynamique, doté d’une jolie finesse, d’une acidité bien présente (légèrement en relief), d’une finale toujours fraîche par la présence d’amers, d’anis et de menthol. Un joli vin, cohérent, sur un équilibre peu fréquent en Roussillon.
La fraîcheur est ici très intéressante, ressentie sur 3 éléments :
les légers amers
Le soir : DS14 – PC13 – LG14 – MF13,5 – MS13,5 . Note moyenne SOIR : 13,6
Senteurs sous l’éteignoir : citron, fleurs (il est vrai que la jeunesse du vin peut freiner son expressivité). Traces d’élevage rendant l’ensemble un peu terne.
On note en bouche une acidité d’agrumes, peut-être une touche minérale.
Bilan : bonne acidité pour un vin d’intensité moyenne, très linéaire.
17. Vin de Pays des Côtes Catalanes : Domaine Padié « Milouise » 2006 – 13,7°
Cépages : 50% Grenache Blanc, 50% Grenache Gris (Vallée de l’Agly – Calce)
Sous-sol : marnes, schistes, argiles, calcaire
L’après-midi : DS12 – PR12 – CD12,5 . Note moyenne AM : 12,2
Couleur or.
Nez peu séducteur, très mûr, sur le caramel au lait, la nougatine, le Bourbon, la vanille, les fruits cuits, avec en plus une nette impression de pomme oxydée.
Bouche assez déstabilisante, mêlant arômes cuits, lourds, oxydés, la souplesse d’une matière mûre, ample, assez alcooleuse, et une acidité qui part un peu dans tous les sens. Difficile de trouver le point d’équilibre, la cohérence d’ensemble sur un échantillon loin d’être apaisé…
On note dans ce vin une volonté de fraîcheur, avec une présence acide vigoureuse, à l’intégration difficile.
Le soir : DS12 – PC12 – LG12 – MF11,5 – MS11,5 . Note moyenne SOIR : 11,8
Robe brillante, dorée.
Nez lactique, oxydé, donnant au vin une apparence de savagnin (ou de Jerez).
Bouche baroque, très acide et en même temps amidonnée, comme empesée par le bois, peu plaisante. Relents d’élevage et matière sans harmonie de ses constituants, comme éparpillés.
On observe un vieillissement précoce, anormal (vin peu protégé ?). Malgré ses explications, je ne comprends pas bien la démarche de ce producteur.
Note : Jean-Philippe Padié a été un des vignerons les plus coopératifs et sympathiques au moment de l’interview… Peu avare de son temps, il a pris soin de nous faire une présentation complète de sa vision du vin.
Une approche qui a laissé parfois perplexe le rationnel que je suis, avec une touche quasi mystique par moment…
Et finalement deux échantillons qui font le grand écart…
« Fleur de Cailloux » qui me semble coller aux explications du vigneron (pas d’excès, de l’équilibre), puis « Milouise » qui fait tout l’inverse…
Quoique pas complètement, puisque Jean-Philippe Padié évoque aussi l’acidité citrique, ou encore le caractère acidulé…
Difficile de bien cerner les critères exacts qui définissent la notion de maturité chez un vigneron, surtout quand celui-ci se fie à son goût, peut-être tout simplement différent du nôtre.
Cette approche, que nous avons souvent rencontrée dans les vins de Gérard Gauby ces dernières années, ou bien d’Eric Laguerre, voire de quelques autres vignerons, est assez déstabilisante.
Je dois reconnaître que ce n’est pas notre favorite… et j’aurais personnellement préféré voir davantage d’enthousiasme envers les vins mutés, au potentiel extraordinaire en Roussillon, mais qui semblent de plus en plus délaissés par les dernières générations.
23. Vin de Pays des Côtes Catalanes : Domaine Olivier Pithon « Laïs » 2005 – 12,8°
Cépages : environ 50% Grenache Blanc et Gris, 50% Maccabeu (Vallée de l’Agly – Calce)
Sous-sol : schistes
L’après-midi : DS14 – PR14. Note moyenne AM : 14
Aspect paille, avec de légères nuances grisées.
Nouvel échantillon au caractère nettement oxydatif avec des notes de fruits à la fois cuits et blettis, de nougat.
Matière souple, ronde, assez grasse, toutefois sans mollesse : l’acidité est bien présente, parfaitement intégrée et offre à ce vin sudiste une fraîcheur très agréable. La limite vient toujours de cette oxydation prématurée, le vin faisant nettement plus que son âge…
Sensation de fraîcheur indéniable, grâce à l’acidité en bouche.
Le soir : DS14 – PC14 – LG14,5 – MF14 – MS14 . Note moyenne SOIR : 14,1
Très grenache avec son sillage de sueur, de cidre, de réglisse, de crème pâtissière.
On devine une « volonté acide », partiellement réussie. Orientation moins oxydative que sur le 2006 bu en octobre 2007.
16. Côtes du Roussillon : Domaine Eric Laguerre « Le Ciste » 2006 – 13,5°
Cépages : 30% Grenache Blanc, 20% Marsanne, 20% Roussanne, 20% Rolle, 10% Maccabeu (Vallée de l’Agly – St-Martin de Fenouillet)
Sous-sol : arènes granitiques
Exposition : sud
Altitude : 500 m
L’après-midi : DS12,5 – PR12,5 – CD12,5 . Note moyenne AM : 12,5
Présentation jaune doré.
Senteurs peu séduisantes, essentiellement fermentaires : levure, pâte à pain, brioche, pomme, puis des impressions boisées qui ressortent progressivement.
Derrière un gras passager en attaque, la bouche présente une acidité terrible, presque citrique, agressive, en total décalage, empêchant toute forme d’harmonie : une vision extrême de la fraîcheur qui perd une certaine forme de cohérence…
De la fraîcheur, c’est sûr, il y en a ! Une acidité sans demi-mesure…
Le soir : DS12,5 – PC13 – LG13 – MF13 – MS12,5 . Note moyenne SOIR : 12,8
Nez caricaturalement grillé, masquant des odeurs de guimauve, de pomme verte, de thym (de ciste ?).
Risque probant de la course à la fraîcheur avec cette acidité féroce, massacrante, rendant le vin presque infréquentable. Le vieillissement n’a pas fait grand-chose à l’affaire.
Rappel : Côtes du Roussillon – Domaine Laguerre « Le Ciste » 2006 : Novembre2008(PR)
DS14 – LG14 – PR14,5 – MS14 – MF14,5- EG13. Note moyenne : 14
Robe paille aux reflets jaunes et gris.
Présentation assez complexe, conjuguant l’identité sudiste (maturité du fruit – pomme -, anis, rhum), fraîcheur (citron, fougère) et arômes de réduction assez élégants de l’élevage (grillé noble, yaourt, œuf).
Dualité entre maturité (rondeur, mâche, gras miellé, fruité) et acidité prononcée de la matière qui aiguille certains vers les blancs du Château Simone.
Un style proche également de G. Gauby, avec une acidité toutefois moins extrême.
5. Côtes du Roussillon : Préceptorie de Centernach « Coume Marie » 2008 – 13,5°
Cépages : Grenache Gris, Maccabeu (Vallée de l’Agly – Arnac)
Sous-sol : schistes
L’après-midi : DS14 – PR14,5 – CD14,5 . Note moyenne AM : 14,3
Teinte paille avec des reflets gris et dorés.
Joli nez, frais et assez épuré, sur des senteurs florales, mentholées, anisées, herbacées.
Bouche raffinée, fringante, aérienne, soutenue par une acidité étonnante, parfaitement en place, ainsi que quelques amers ; finale persistante.
Fraîcheur très appréciable, s’appuyant principalement sur 2 axes :
Le soir : DS14 – PC12,5 – LG14/14,5 – MF13,5 – MS12,5 . Note moyenne SOIR : 13,3
Robe de belle intensité, brillante.
Volant d’arômes ainsi défini : amande, menthe, loukoum (un peu comme dans le cas d’un viognier), embruns marins. Un verre restant parfumé en dépit d’une légère marque du bois et d’un départ d’oxydation ?
Matière sans mollesse que certains trouveront plutôt percutante, d’autres sans relief et aqueuse.
Note : le second domaine (avec Clos Centeilles) qui ne fait pas de cachotteries sur les vendanges, avec une part de sous-maturité ; avec là encore aucune conséquence déplaisante dans le verre sur la notion d’acidité, certes bien présente, mais tout à fait intégrée.
L’aération ne l’aura pas servi (mais c’est si souvent le cas…), mais le vin se présentait de façon agréable à l’ouverture, relativement convainquant.
2. Collioure : Domaine Coume del Mas « Folio » 2008 – 14°
Cépages : 100% Grenache Gris (Banyuls)
Sous-sol : schistes
L’après-midi : DS14 – PR14,5 – CD14 . Note moyenne AM : 14,2
Couleur paille, nuances grises et vertes.
Odeurs généreuses de pomme, pêche, nougat, amande, fleurs blanches, menthe, encore un peu jeunes (pointe fermentaire), avec une trace de bois ; mais l’ensemble parait élégant, bien frais.
Chair pulpeuse et mûre sur des fruits blancs assez gourmands, certes simple (très jeune !), mais aussi guillerette, juteuse, sans aucune lourdeur ou morsure solaire ; au contraire, le vin reste frais, élancé, soutenu par de beaux amers (blanc d’endive), une acidité parfaitement intégrée, des arômes mentholés qui signent une finale haute en couleur !
Encore un vin doté d’une belle fraîcheur, ici axée sur 3 points :
Le soir : DS13 – PC12,5 – LG13,5 – MF13 – MS13 . Note moyenne SOIR : 13
Robe sensiblement plus pâle.
Olfaction lactique, un peu rhodanienne (on y retrouve un peu les notes caractéristiques de la marsanne, de la roussanne et du viognier) : confiserie au citron, agrumes divers.
Bouche ici bien grasse, très légèrement sucrée, se terminant assez rapidement sur des amers de pamplemousse.
Bilan : vin charnu relativement gourmand, acidité moindre mais sans lourdeur rédhibitoire.
Note : la dégustation est cohérente avec les explications de Philippe Gard : la fraîcheur, bien présente, ne semble pas acquise au détriment de la maturité.
Petit bémol : la perte de vitesse à l’aération et une perception moins enthousiaste.
Par contre, là où nous divergeons des explications du vigneron, c’est sur la perception de minéralité, pour nous tout simplement absente de la dégustation.
20. Collioure : Domaine de La Rectorie « L’Argile » 2007 – 14°
Cépages : 90% Grenache Gris, 10% Grenache Blanc (Banyuls)
L’après-midi : DS15 – PR15 – CD14. Note moyenne AM : 14,6
Parure lumineuse, paille, avec des reflets gris.
On retrouve la déclinaison aromatique de l’autre Collioure, à savoir la pomme, la pêche, l’amande, l’herbe fraîche, l’anis, avec peut-être encore davantage de pureté.
Un bien joli vin, gourmand et raffiné à la fois, large, dense, parfaitement tenu, avec même une trace minérale (la première fois que nous avons cette sensation sur un vin du Roussillon, alors que ce mot y est devenu un peu trop à la mode…), mais surtout une belle acidité : finale saline, longue, relevée par le poivre blanc et le gingembre.
Fraîcheur très satisfaisante sur cet échantillon, perçue de 3 façons :
Le soir : DS14,5/15 – PC14,5 – LG14,5 – MF15 – MS15 . Note moyenne SOIR : 14,6
Boisé plutôt respectueux de la matière première. Dans cette série qui s’éternise, on trouve particulièrement utile de rappeler cette évidence.
Arômes d’anis, de pastèque, de menthe, de poivre blanc.
On repense ici un peu au vin de la Préceptorie, en sensiblement plus dense (tout en restant assez svelte).
Bilan : acidité OK mais production assez anodine, incapable de susciter un réel enthousiasme, de réveiller nos sens dans cette série monotone bien usante.
Les vins du Gard
1. Vin de Pays du Gard : Domaine Roc d’Anglade 2006 – 13°
Cépages : 100% Chenin (Langlade – Est de Nîmes)
Sous-sol : argilo siliceux sur marnes calcaires
Exposition : nord
L’après-midi : DS13 – PR12 – CD12. Note moyenne AM : 12,3
Robe jaune, nuances dorées.
Nez ultra réduit (et très boisé !) sur la peau de poulet grillé, le beurre, le yaourt, le citron… Pas très tentant (et chenin méconnaissable)…
Vin gras, assez charnu, mais particulièrement bousculé par une acidité en exergue, saillante, décalée ; quelques beaux amers qui persistent en finale, mais l’harmonie d’ensemble n’est pas atteinte.
De la fraîcheur, donc, avec une acidité redoutable, malheureusement bien peu intégrée.
Le soir : DS13 – PC13,5 – LG13 – MF13,5 – MS13,5 . Note moyenne SOIR : 13,3
Robe plutôt intense.
Notes grillées vraiment peu discrètes : allumette, sésame, citron vert. Beaucoup de réduction (une coquetterie genre rustine) et un air de Chardonnay. Peut-être moins acceptable (acceptée ?) ici, sur un chenin du Sud, qu’en Côte de Beaune (Leroy, Leflaive, Coche-Dury) ou dans le Jura (Tissot). La patte du vigneron, que nous connaissons bien, est une nouvelle fois(terriblement) flagrante.
Attaque grasse suivie par un retour très (trop) acide peu agréable. Matière ambitieuse, a priori solide mais pauvre en goûts et au cépage masqué. Plaisir évincé.
Bilan : une résultante trop acide pour une quête effrénée de la fraîcheur.
Rappels :
a. Vin de Pays du Gard blanc – Roc d’Anglade 2006 : Septembre 2008 à l’ouverture (PR)
DS(14?) – PR13 – CD12,5. Note moyenne : (13,2?)
Robe paille assez terne, avec des reflets gris.
Odeurs caractéristiques de certaines réalisations bourguignonnes dominées par un grillé de réduction, accompagné de notes de levure, pierre à briquet, craie, citron, pomme. Sans la noblesse ni la finesse aromatique, toutefois, de ces lointaines références.
Matière particulièrement acide, citrique, un rien brutale pour les gencives, certes fraîche, mais à l’impact austère sans trop de concessions. Hormis des notes caractéristiques de cidre, difficile dans ce cas de reconnaître le chenin.
La ressemblance stylistique avec les vins actuels de Gauby (et d’autres : Laguerre, Pithon, même Tissot dans le Jura) est assez frappante.
On s’interroge sur ce choix aromatique très particulier (qui s’explique peut-être par un élevage sur lies assez bâtonné ?), sur cette acidité très pointue (même sans fermentation malolactique, comment peut-on obtenir une telle caractéristique dans le sud de la France ?).
Autant de questions qui, j’espère, trouveront quelques explications en donnant la parole au vigneron…
Vin de Pays du Gard blanc – Roc d’Anglade 2006 : Septembre 2008 après 5h d’aération (MF)
DS(14) – (LG14+) – MS14 – MF14. Note moyenne : (14)
Le nez se livre sur des arômes de noisette au départ ; puis rapidement apparaissent la résine ainsi que des notes lactiques de crème fraîche.
La bouche est ferme, de belle tenue mais dotée d’une acidité tranchante à la limite du supportable pour certains dégustateurs.
Le vin est encore jeune et ne livre pas, en l’état, les arômes classiques du cépage ; l’acidité est déroutante pour ce terroir méridional évoquant plus un chardonnay de Tissot qu’un chenin du sud.
b. Vin de Pays du Gard blanc – Roc d’Anglade 2006 : décembre 2007, au domaine (LG)
LG15,5 – DS16 – PC15. Note moyenne : 15,5
Notes grillées de chardonnay, évoquant curieusement Coche-Dury ou Tissot. Elles accompagnent des senteurs de noisette, de citron, de minéral, de pomme. Bouche décidée, portée par une acidité sûre (le vin n’a pas fait de fermentation malolactique).
Note : nous avons un lien particulier avec Rémy Pédréno, ami de Didier, de passage de temps en temps au sein du club…
Ce qui n’empêche pas nos questions sur certains points et quelques divergences d’appréciation (encore une fois les goûts et les couleurs…).
Nous avions réalisé une bien agréable verticale de tous ses vins (blancs et rouges), il y a 1 an ½ (2008-09-30 Roc d’Anglade), où le 2006 marquait un virage assez marqué, avec une insistance sur la notion d’acidité que les précédents millésimes n’avaient pas révélé.
Une particularité du 2006 ?
Toujours est-il qu’on retrouve un peu l’esprit des vins de Gérard Gauby de ces dernières années, et même si nous savons tous les soins et efforts de Rémy pour faire des vins de très haute qualité, sur ce millésime 2006, nos goûts divergent.
4. Clairette de Bellegarde : Terre des Chardons 2007– 13,5°
Cépages : 100% Clairette (Sud de Nîmes)
L’après-midi : DS14 – PR13 – CD13,5 . Note moyenne AM : 13,5
Aspect jaune doré, avec quelques nuances vertes.
Nez aromatique, mais un peu déroutant, associant le végétal (fougère, buis, résine, pin), le nougat, la réglisse, l’anis, une pointe d’alcool.
Bouche puissante, riche, grasse, avec une acidité faible, toujours l’alcool (c’est le plus sudiste des vins de la série !), mais avec ce qu’il faut d’amertume pour ne pas s’avachir et conserver une tenue correcte.
Pas trop de fraîcheur sur ce vin, résolument méditerranéen, mais qui maintient un équilibre correct, notamment grâce à 2 facteurs :
Le soir : DS15,5 – PC15 – LG13,5/14 – MF13,5 – MS14,5 . Note moyenne SOIR : 14,5
Robe visiblement troublée.
Notes à la fois réduites (sardines en conserve) et exotiques, avec un soupçon végétal.
Matière rondelette, aromatique. Matelas conséquent de sucre et d’alcool pour une expression principalement rafraîchie par ses amers (certains pourront lui reprocher une certaine balourdise, du moins une grande candeur). Très peu de longueur. Certains pensent à une cuvée de Dard&Ribo.
Bilan : on est ici partagés sur la fringance réelle ou supposée d’une cuvée sans tralalas, d’une belle spontanéité fruitée.
Pour info : Clairette de Bellegarde – Domaine Terre des Chardons 2006 : 4/11/09 (PR)
DS14 – PC14,5 – LG14,5 – PR14,5 – MF14,5 – MS14. Note moyenne : 14,3
Uniformément jaune, avec quelques nuances dorées.
Pamplemousse, fenouil, fruits blancs, pointe d’abricot, de résine : une expression franche, de caractère, assez fidèle au cépage, mais qui pouvait évoquer également le vermentino/rolle.
Matière sobre mais nette, propre, une jolie amertume, un très intéressant équilibre, de la fraîcheur même, alors que la sensation acide est plutôt modeste.
Jolie finale toujours portée par les amers.
Un vin de Catalogne
10. Espagne – Emporda : Terra Remota « Caminante » 2007 – 13°
Cépages : 35% Grenache blanc, 35% Chenin, 30% Chardonnay
Sous-sol : granit
Altitude : 110 m
L’après-midi : DS13 – PR12 – CD13,5. Note moyenne AM : 12,8
Teinte jaune clair, reflets verts et dorés.
Olfaction assez lourdaude, boisée, crémeuse, puissante, avec des notes de pêche jaune, de fleurs blanches, de grillé, de menthol.
Matière assez opulente, grasse, flatteuse, sur un style « international » (typé Chardonnay boisé du Sud) ; on ressent toutefois une sensation de fraîcheur en finale et rétro-olfaction, avec une pointe d’acidité, sans trop de conviction toutefois…
L’idée était d’aller voir de l’autre côté de la frontière, dans un domaine assez récent, ambitieux…
Résultat en demi-teinte, avec entre autre une fraîcheur toute relative, l’acidité étant plutôt mesurée.
Le soir : DS13 – PC13,5 – LG13,5 – MF13 – MS13,5 . Note moyenne SOIR : 13,3
Reflets verdâtres.
Chemin faisant, nous voici en Catalogne. Nez ouvert prodiguant des parfums très « mâconnais » de fruits (poire, ananas, pomme verte), de crème citronnée, de végétal, d’amande, de gingembre. Sensible chape boisée. On peut vraiment se croire dans la région de Limoux.
Bouche souple restant suffisamment fraîche en dépit de ses rondeurs. Finale sur le pamplemousse pour cette cuvée très « nouveau monde », qui ne restera pas dans les esprits.
Conclusion de l’après-midi
Impossible d’aborder avec aisance une conclusion sur une dégustation qui a suscité un certain nombre d’interrogations au sein de notre club.
Il suffit d’ailleurs de lire la juxtaposition des commentaires pour comprendre la difficulté de l’exercice de synthèse…
Pour ma part, je n’écarte pas l’idée de l’inadaptation de notre protocole de dégustation sur ce genre de vins.
Car beaucoup d’entre nous le savaient déjà pour l’avoir si souvent expérimenté : bien des blancs du Languedoc-Roussillon n’apprécient guère l’aération prolongée.
Peu d’échantillons l’ont ainsi digérée, la plupart d’ailleurs à des niveaux d’appréciation de toute façon modeste ; à contrario, bon nombre a connu cette chute non négligeable…
Doit-on le leur reprocher ou plutôt porter un regard critique sur nos procédés ?
Notre méthode est-elle si fiable que tout vin n’y résistant pas mériterait une analyse « sanction » à la séance du soir ?
Les réponses semblent nous diviser au sein du club…
Personnellement, ça ne me dérange pas d’avoir à consommer un vin juste après son ouverture (pratique assez couramment répandue à la surface du globe…), surtout s’il exprime ses qualités dès cet instant…
Au fait, qui pourrait bien avoir l’idée de carafer un Crémant de Limoux pendant 5 heures avant le service ?
En cette fin de dégustation d’après-midi, trois points me paraissaient importants…
L’intérêt de la dégustation…
Particulièrement variée, elle nous a permis d’apprécier une partie (seulement…) du formidable patchwork que représente la région Languedoc-Roussillon : variété de sols, de cépages, d’expressions, dynamisme et éclectisme vigneron, le tout offrant diversité et richesse…
Avec, au passage, pas mal d’enseignements pour la dégustation à l’aveugle !
La fraîcheur…
Exprimée de façon variable, avec une intensité elle-même variable, mais avec suffisamment de présence pour proposer des équilibres intéressants dans ces contrées solaires.
Oui, certains vins du Languedoc-Roussillon marquent un virage important, avec, et c’est là le principal, nombre de résultats probants, comme par exemple au Clos Centeilles et son expression « nordique » cohérente… ou bien encore à la Preceptorie de Centernach (2 domaines qui ne cachent pas pourtant vendanger une partie de leur raison en « sous-maturité »).
Si l’amertume était déjà un élément familier, relativement propre à certains cépages (je pense par exemple au rolle/vermentino, à la marsanne), tout comme la palette aromatique (les épices, les pointes végétales, la résine, les agrumes, les fleurs…), cette fraîcheur si précieuse est tout simplement ressentie au niveau de l’acidité, bien plus sensible qu’on aurait pu le penser.
Par contre, à ce propos, on note toujours quelques échantillons à l’acidité dissociée, agressive, comme sur les cuvées Milouise du Domaine Padié, Le Ciste du Domaine Laguerre, le blanc du Roc d’Anglade (même perception que nous avons toujours eue sur les millésimes 2004 et 2005 au Domaine Gauby, voire sur un autre échantillon de 2006), ou encore la cuvée Sauvagine du Domaine des Hautes Terres de Comberousse. Le risque clair est donc une possibilité d’excès dans cette quête de fraicheur, comme une limite à la cohérence entre le caractère solaire de la région (qu’il est peut-être vain de vouloir fuir) et l’acidité exprimée, expérience pourtant déjà tentée dans la région Roussillon il y a quelques années avec l’épisode des « vins verts » qui n’avaient pas convaincu grand monde (avec, il est vrai, des ambitions et objectifs plus « modestes »).
Quant à la « minéralité » dont beaucoup parlent avec générosité (et que nous apprécions particulièrement…), il faut bien reconnaître qu’elle fut en fait quasiment inexistante au niveau de nos sensations et que l’usage de ce terme, de plus en plus systématique, relève d’une démarche qui nous échappe…
La qualité globale des vins…
Cette donnée est à relativiser, car la sélection n’était pas faite sur une notion de qualité élitiste, réelle ou supposée, mais presque exclusivement sur la fraîcheur réputée des échantillons, quelle que soit leur ambition « hiérarchique »…
Toujours est-il que la moyenne qualitative globale reste encore modeste.
Un vin que nous connaissons bien et suivons depuis ses débuts sort du lot : le Limoux du Domaine Mouscaillo, preuve d’une cohérence probante entre la fraîcheur réelle du terroir (le seul terroir quasi « septentrional») et celle du vin.
Autre vin très bien accueilli l’après-midi malgré la renommée modeste de son appellation : le Picpoul sec du Domaine Gaujal et son profil presque ligérien (alors que le vigneron clame haut et fort dans l’interview sa volonté de produire des vins méditerranéens !!! – ce qui est parfaitement le cas, par contre, de la cuvée en surmaturité).
Le Domaine Soula impressionne toujours par son poids, sa matière assez imposante, même si son expression aromatique (boisée et oxydative) n’est pas notre préférée…
Jolies impressions aussi sur l’Argile de la Rectorie ou le Vin de Pays du Mas Jullien (sans aération) ; mais ce ne sont pas vraiment des surprises…
Contrairement à la Clairette de Bellegarde du Domaine Terre des Chardon, superbement révélée à l’aération et qui confirme tout le bien récemment ressenti lors de la découverte de ce domaine…
Conclusion du soir
Disons-le d’emblée, cette série nous a terriblement déçus.
La plupart du temps, la fraîcheur (en leitmotiv de cette dégustation) est bel et bien sauvegardée mais les expressions sont banales, répétitives, éphémères (pas ou peu de persistance en bouche, peu de potentiel de garde). Et les notes très basses cruellement explicites.
Il arrive de plus qu’elles soient prétentieusement gâchées par un élevage inapproprié, sclérosant (le grenache n’appréciant pas spécialement le bois) ou, ironique revers de la médaille de la course à la fraîcheur, par une acidité mordante de verjus.
On note en particulier des élevages luxueux (mode du bois neuf, du bâtonnage) amenant, au travers de notes grillées insistantes (singeant certaines cuvées de Meursault) un paradoxal gommage du cépage et une vraie lassitude pour le dégustateur (en voulant faire bien, on éclipse de fait le caractère et le plaisir).
On pourrait alors imaginer que cette région (et son passé de coopératives) s’efforce de produire désormais de rapicolants vins de cuve (voir entre autres les « vainqueurs » de ce panel, à prix doux), parfumés et fringants, adaptés à la gastronomie locale, plutôt que de viser des cuvées trop ambitieuses, chères, décevantes (voyez les prix et comparer au catalogue des Chablis par exemple).
C’est-à-dire en fin de compte, de faire bon avant de (tenter de) fabriquer grand à tout prix (en oubliant ainsi une étape fondamentale).
Sans oublier que le grenache est propice à la production de splendides et durables vins mutés, confirmant une possible admirable transfiguration (la part des anges à prix abordable).
Il aurait enfin été intéressant, certainement pour plus de diversité, de fantaisie aussi, de mettre en situation les vins (alternatifs ?) d’Alain Castex, de Sylvain Saux, de Loïc Roure, de Cyril Fhal, d’Antony Tortul, de Thierry Forestier, d’Eric Monné ou encore de Maxime Magnon (sans oublier Didier Barral). Nous les avons ici ou là parfois croisés dans des configurations fort concluantes.
La parole est aux vignerons…
Ludovic Gaujal : merci beaucoup pour les commentaires de dégustation. Ils me sont infiniment précieux. En particulier pour l’acidité qui se situe aux alentours de 3,80g/litre, au lieu de 5,50 à 6g/litre pour d’autres.
Pour en revenir au Picpoul, vous disiez: « y-a-t-il un secret ? »
Si vous le permettez, nous pourrions ébaucher un début d’explication, en observant la culture de la vigne de certains picpouls et d’autres.
Certains ne cultivent « qu’à coups de poing »: rotavator, désherbant.
D’autres recherchent le terroir: sous-solage d’automne, labours de printemps, repos de la terre l’hiver, avec pousse de certaines bonnes adventices comme le diplotaxis, etc….
La terre, m’a-t-on expliqué petit, plus tu lui donnes plus elle te donnera, mais moins tu lui donnes moins elle te donnera.
Exemple du sous-solage : pratique oubliée maintenant, mais oh combien utile, pour briser la racine et favoriser la radicelle efficace, aérer en profondeur, drainer etc…
La terre n’est pas à nous, nous n’en sommes que les dépositaires, et la rendre la meilleure possible aux générations futures.
Voilà quelques pistes de réflexion qui m’ont fait me décider pour une culture ou l’autre.
Ludovic Bettoni – Domaine Les Eminades : merci de m’avoir fait parvenir le compte rendu de dégustation, c’est toujours intéressant de voir comment son travail est perçu.
C’est vrai que je ne suis pas très loquace dans les réponses faîtes, mais je n’ai jamais été très bavard…
Je peux comprendre que Silice ne puisse pas être bien perçu tout le temps et spécialement cette année où le vin n’est absolument pas filtré, ce qui renforce son côté fermé et réducteur ; néanmoins il me semble que Silice se déguste toujours mieux après un an de bouteille.
Mais pour moi, c’est toujours une gageure de réussir à concilier fraîcheur et blanc languedocien…
Ce qui est d’ailleurs amusant à la lecture de votre CR, c’est que j’aime énormément les vins les moins bien notés par votre comité de dégustation ; comme quoi tous les goûts sont dans la nature…
Coume del Mas : merci beaucoup pour ce compte rendu de dégustations dont j’ai beaucoup apprécié les commentaires. Juste une réflexion : le mélange des millésimes, surtout dans le Roussillon, peut fortement moduler les commentaires, surtout sur des millésimes (ou plus exactement des mois d’août) aussi variables que 2005, 2007, ou 2008.
2007 et 2005 solaires, 2008 sur la retenue, mais avec des Ph plus bas.
Déguster en parallèle 2005 et 2008 de la même cuvée sera certainement très riche !!!
Tableau récapitulatif
Bons vins | |||
2007 | Limoux – Domaine Mouscaillo | 15,2 | + 0,4 |
Assez bons vins | |||
2007 | Collioure « L’Argile » – Domaine de la Rectorie | 14,6 | 0 |
2005 | Vin de Pays des Côtes Catalanes – Domaine Le Soula | 14,6 | – 0,4 |
2007 | Clairette de Bellegarde – Domaine Terre des Chardons | 14,5 | + 1,0 |
2007 | Vin de Pays de l’Hérault – Domaine du Mas Jullien | 14,5 | – 1,2 |
2007 | Coteaux du Languedoc Picpoul de Pinet – Domaine Ludovic Gaujal | 14,5 | – 1,2 |
2008 | Vin de Pays des Coteaux du Salagou – Mas des Chimères | 14,3 | + 1,3 |
2008 | Côtes du Roussillon « Coume Marie » – Préceptorie de Centernach | 14,3 | – 1,0 |
2007 | Vin de Table « Le C » – Clos Centeilles | 14,2 | – 0,1 |
2008 | Vin de Pays des Côtes Catalanes « Fleur de Cailloux » – Domaine Padié | 14,2 | – 0,6 |
2008 | Collioure « Folio » – Domaine Coume del Mas | 14,2 | – 1,2 |
2005 | Vin de Pays des Côtes Catalanes « Laïs » – Domaine Olivier Pithon | 14,1 | + 0,1 |
2007 | Vin de Pays de l’Hérault « Les Clapas » – Domaine Pas de l’Escalette | 14,0 | 0 |
2007 | Coteaux du Languedoc – Château de Lascaux | 14,0 | 0 |
2006 | Vin de Pays des Côtes Catalanes « Vieilles Vignes » – Domaine Gauby | 14,0 | – 1,3 |
2008 | Saint-Chinian – Mas Champart | 13,8 | 0 |
2006 | Limoux Toques et Clochers « Haute Vallée » – Vignerons du Sieur d’Arques | 13,8 | – 1,4 |
NM | Crémant de Limoux « Joséphine » – Domaine des Hautes Terres | 13,8 | – 2,0 |
2005 | Vin de Pays d’Oc « Trelans » – Domaine Alain Chabanon | 13,6 | – 1,3 |
2006 | Vin de Pays du Gard – Domaine Roc d’Anglade | 13,3 | + 1,0 |
2007 | Catalogne (Espagne) – Terra Remota | 13,3 | + 0,5 |
2007 | Vin de Pays des Coteaux du Salagou – Mas des Chimères | 13,2 | + 0,9 |
2008 | Coteaux du Languedoc « Sauvagine » – Domaine des Hautes Terres de Comberousse | 13,1 | + 0,1 |
2006 | Vin de Table « Silice » – Domaine Les Eminades | (13,0) | + 0,2 |
2002 | Vin de Table « Vendanges Extrêmes » – Domaine Ludovic Gaujal | 13,0 | 0 |
Vins moyens | |||
2006 | Côtes du Roussillon « Le Ciste » – Domaine Eric Laguerre | 12,8 | + 0,3 |
2006 | Vin de Pays des Côtes Catalanes « Milouise » – Domaine Padié | 12,2 | – 0,4 |
La note retenue dans ce tableau est la meilleure de l’après-midi et du soir.
L’évolution de cette note entre ces deux phases de dégustation est mentionnée dans la dernière colonne :
Les notes entre parenthèses indiquent un doute sur l’échantillon ou la difficulté d’appréciation de l’échantillon d’un certain nombre d’entre.
Moyenne de la dégustation | 13,9 | Ecart moyen (en valeur absolue) | 0,7 |
Ancienne dégustation
Une dégustation de quelques vins blancs du Languedoc-Roussillon avait déjà été faite chez IVV, en mai 2001.
Il est intéressant d’ailleurs de faire quelques comparaisons…