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Club toulousain In Vino Veritas
Verticale du Domaine de Trévallon
Vendredi 13 novembre 2009
La dégustation, préparée par Didier Sanchez, est commentée par Philippe Ricard pour la séance de l’après-midi et Pierre Citerne pour celle du soir.
Quelques commentaires de contexte :
Pression atmosphérique : 1013 hpa – temps maussade – vent violent – dernier 1/8ème de lune – sensations de dégustation : excellentes.
Toutes les bouteilles, stockées pendant une longue période dans des conditions optimales, ont été placées dans une cave de service, à température adaptée, verticalement, 7 jours avant notre rendez-vous. Les millésimes 98, 90, 89 et 85 ont été achetés récemment et directement au domaine.
Cette dégustation s’est déroulée en deux séances : l’après-midi à 14h15 puis le soir à 19h30.
Ce compte-rendu détaille les impressions de chaque séance.
Entre autres causes, une aération de 5 heures (dans la bouteille rebouchée en position verticale) peut expliquer les variations dans les appréciations.
Les notes de Didier Sanchez, présent l’après-midi et le soir, reflètent ces fluctuations.
Les vins sont dégustés du plus jeune au plus vieux, sans présentation à l’aveugle.
Les verres utilisés sont les « Expert » de Spiegelau.
DS : Didier Sanchez – PC : Pierre Citerne – LG Laurent Gibet – PR : Philippe Ricard – CD : Christian Declume – MF : Maxime France.
Ordre de dégustation
(Nombre total de dégustateurs : 15)
1. Vin de Pays des Bouches du Rhône : Domaine de Trévallon 2006 – 13°
L’après-midi : DS15,5/16 – PR15,5+ – CD15. Note moyenne AM : 15,4
Robe prune, assez sombre, brillante.
Registre fruité élégant qui puise dans les baies noires (cassis, mûres), les arômes de laurier, roncier, épices, réglisse. Evolution assez sensible vers davantage de générosité, de spontanéité et de maturité du fruit (de plus en plus cerise).
Du jus, du peps, de la fraîcheur en bouche, avec un vin un rien austère en première impression, campé sur une acidité étonnante, puis se livrant peu à peu avec davantage de gourmandise, de plénitude. Les tanins se révèlent en léger relief, mais avec une belle finesse, de la rigueur. Mais c’est surtout la sensation minérale qui impressionne, imprégnant la fin de bouche assez nettement…
Le soir : DS15,5/16 – PC15 – LG15,5 – MF15. Note moyenne SOIR : 15,3
Robe assez dense, plutôt mate, matité que l’on retrouvera tout au long de la dégustation. Expression encore un peu sur l’élevage, mais pleine et tendue, avec un fruit à la fois frais et chaleureux, soutenu par une belle acidité « calcaire » et des tannins fins mais fermes.
2. Vin de Pays des Bouches du Rhône : Domaine de Trévallon 2005 – 13°
L’après-midi : DS16,5 – PR16+ – CD16 . Note moyenne AM : 16,2
Ce 2005 affiche une jeunesse légèrement supérieure à son cadet, avec une impression un peu plus violine, un peu plus de densité.
Nouveau départ quelque peu compact, sur des senteurs de prune, cassis, épices, cuir, imposant peu à peu la force de la syrah dans un déroulé de cerise mûre, laurier, lard, fumée, réglisse, poivre, une pointe de cacao ; on note également avec précision l’odeur de camphre, récurrente dans la série.
Philosophie similaire au 2006 où on retrouve ce squelette rigoureux axé sur l’acidité, le tanin, la minéralité (toujours étonnante !), avec toutefois un supplément de chair, de densité, de richesse qui vient enrober l’ensemble. Le vin reste tendu, strict, mais séveux : un beau compromis, ou plus exactement un bel équilibre laissant présager du plus bel avenir…
Le soir : DS16 – PC16 – LG16 – MF15,5/16. Note moyenne SOIR : 16
Intensité de la robe légèrement supérieure à celle du 2006. Expression assez fermée mais qui indique dès le nez un fruit riche, puissant, supérieurement mûr. Matière très pleine, architecturée comme le 2006 autour de beaux tannins fermes et d’une fraîche acidité, mais avec un petit luxe supplémentaire dans le soyeux de la texture et des arômes plus rôtis, qui trufferont certainement…
3. Vin de Pays des Bouches du Rhône : Domaine de Trévallon 2004 – 13°
L’après-midi : DS14,5/15 – PR14,5 – CD14,5 . Note moyenne AM : 14,6
Couleur assez sombre, brillante, où le rubis prend peu à peu ses marques.
Plus frais, plus aérien, plus végétal aussi, le nez reste en demi teinte : terre, poivron, herbe sèche, le cabernet a pris des devants « verdoyants », en ménageant tout de même une forme de charme.
La matière est résolument plus mince : elle encaisse difficilement l’acidité, les tanins (pourtant loin d’être rustiques, signe d’une belle vinification), s’imprègne d’une dominante végétale, ingrate, légèrement sèche. L’effet de l’aération est étonnant puisque le vin gagne en cohérence, en jus, en harmonie, relancé par une minéralité rare pour un rouge sudiste !
Certainement pas hédoniste, mais résolument battant !
Le soir : DS14,5/15 – PC14 – LG14,5 – MF14. Note moyenne SOIR : 14,3
Robe légèrement moins soutenue que la précédente, le vin a déjà rendu un peu de dépôt. Nez discret, avec un joli fruit mais s’exprimant dans des tonalités un peu moins mûres (groseille…, pointe végétale herbacée). On retrouve en bouche une impression de moindre maturité, des tannins accrocheurs et légèrement amers en finale. Cette dominante végétale, un peu amère et racinaire, ressemble assez à celle qui affecte tant de bourgognes rouges du millésime.
4. Vin de Pays des Bouches du Rhône : Domaine de Trévallon 2003 – 13°
L’après-midi : DS15,5 – PR15 – CD15 . Note moyenne AM : 15,2
Noble prestance pour cette robe carmin, sombre, brillante.
La syrah en offrande (cassis, fumée, lard) évoluant progressivement vers la marmelade de mûres, la cerise confite, le chocolat, avec une richesse et une maturité toute rhodanienne, mais toujours cette signature camphrée qui préserve la sensation de fraîcheur.
La maturité s’exprime avec gourmandise, sans aucune vulgarité ni morsure solaire, dans l’équilibre, juste perturbée par l’empreinte tannique. Du muscle, mais de la tenue, jusqu’à la finale, très réglissée.
Le soir : DS14 – PC14,5 – LG14 – MF13,5. Note moyenne SOIR : 14
Robe dense. Nez au premier abord discret, puis plutôt confit, nuancé, évoquant le cabernet très mûr ou mieux le merlot (paille, résine, pruneau…), un peu comme un pomerol surmûr « figué ». La bouche, savoureuse et large en attaque comme en milieu de bouche, même suave grâce à une impression légèrement sucrée, souffre d’une finale chaude, un peu dure, dissociée, marquée par des tannins plus secs et moins fins que ceux des millésimes précédents.
Vin de Pays des Bouches du Rhône : Domaine de Trévallon 2002
(N’existe pas)
5. Vin de Pays des Bouches du Rhône : Domaine de Trévallon 2001 – 14°
L’après-midi : DS16,5/17 – PR16,5 – CD16,5 . Note moyenne AM : 16,6
Premier signe d’évolution sur un rubis marqué de grenat, à la bordure saumonée. Sombre, très brillant.
Le nez aussi perçoit ce changement : senteurs de bouillon de viande, de laurier, de thym, de fraise écrasée, de cerise, avec de l’élégance et surtout une complexité que les plus jeunes n’avaient pas encore exprimée. On se croirait presque à Châteauneuf !
Bouche à la puissance sereine, peut-être avec plus d’alcool (lequel apporte de la rondeur), mais tellement de matière, une chair si dense, si ferme qu’il s’intègre parfaitement sans jamais perturber l’équilibre ! Mais le plus remarquable est cette empreinte calcaire qui découpe la fin de bouche, imprègne la finale de notes presque froides qui collent au palais !
Une nouvelle réussite dans un millésime souvent sous-estimé en France…
Le soir : DS16,5/17 – PC16 – LG16,5 – MF16,5. Note moyenne SOIR : 16,4
Robe dense, mais avec une amorce de dégradé sur des nuances brique et vieux rose. Le nez a également basculé vers une expression tertiaire, largement ouverte, partagée entre réminiscences « bordelaises » (tabac, graphite…) et « rhodaniennes » (viande fumée, floralité…). Toucher de bouche souple, fondu, caressant, pulpeux : une grande douceur tactile s’allie au charme aromatique ; la matière, épanouie mais d’une intensité modérée, reste heureusement fraîche et ferme en finale. Beau vin, séduisant, qui semble déjà complètement mature, à mon sens un peu fatigué par son élevage.
Rappel : VdP des Bouches du Rhône – Domaine de Trévallon 2001 – 24/1/09 (LG)
DS15 – PC16 – LG15,5 – MF16 – MS16 – EG15. Note moyenne : 15,6
Boisé (vanillé) trop soutenu pour des notes épicées mais aussi fardées de gelée de cassis, de graphite, de réglisse. Un aspect sauvage, anchois, un peu comme à Bandol ? de l’amande et de l’alcool comme en Toscane ?
Bouche particulièrement compacte, corsée, sauvage, assez cachée en l’état.
6. Vin de Pays des Bouches du Rhône : Domaine de Trévallon 2000 – 13°
L’après-midi : DS15,5 – PR14,5 – CD15,5 . Note moyenne AM : 15,2
Le grenat semble s’être solidement installé, ici mêlé de reflets brique en bord de disque ; assez sombre, brillant.
Une nouvelle fois la syrah tient la barre, avec son charme habituel : cerise, laurier, thym, cendre, pointe d’olive.
La matière séduit par son jus, son profil mûr, sa palette aromatique, mais reste assez modeste, nous rappelant quelque peu les dimensions du 2004, le végétal en moins. Mais sans non plus sa minéralité en fin de bouche, laquelle tenait davantage le petit benjamin…
Le soir : DS16 – PC15,5 – LG15,5 – MF16. Note moyenne SOIR : 15,8
Robe peut-être plus jeune d’aspect que celle du 2001. Dominante aromatique mentholée/herbacée d’emblée perceptible, qui s’accentuera même jusqu’à l’eucalyptus et au laurier, sur un fond fruité net et cohérent. Bouche fraîche, assez moelleuse cependant, avec une belle présence tannique, fine et accrocheuse. Le vin me semble plus solide (et plus jeune) que le 2001, dommage qu’il soit loin de posséder le charme aromatique de son cadet.
Rappels :
a. Vin de Pays des Bouches du Rhône : Domaine de Trévallon 2000 – août 2009 (PC)
(50% Cabernet Sauvignon, 50% Syrah)
DS15,5/16 – PC15 – LG16 – PR16 – MF16 – MS16. Note moyenne : 15,8
Robe assez sombre, légèrement évoluée. Expression aromatique évoquant fortement un cabernet franc, et même plus précisément un chinon ! dominante « verte », herbacée, notes d’humus, de framboise, d’épices et de craie… Matière dense, séveuse, vive, presque austère, proposant un joli grain et une belle franchise. Un Trévallon décidément très ligérien…
b. VdP des Bouches du Rhône – Domaine de Trévallon 2000 : 2 juin 2003 (LG)
DS16 – PP16 – LG16,5 vers 17 ?. Note moyenne : 16
Robe violacée, intense, saturée, de belle brillance.
Le nez est une corne d’abondance de fruits variés : cassis, groseille, groseille à maquereau, cerise, fraise. Un soupçon de fumé. Un nez fin, élégant, racé, non dénué de minéralité.
La bouche est issue d’une extraction et d’un élevage privilégiant la finesse à la puissance. Cette puissance est magistralement domptée. Superbe trame tannique aux saveurs fruitées et épicées, évoquant le cabernet (mais sans raideur), fraîche, longue, sans défaillance, avec des notes subtiles d’élevage (moka, vanille). Equilibre et plaisir sont là, et bien là, dans ce vin peu austère (pour la maison), déjà abordable (cela est lié au millésime et peut-être aussi à une évolution de style d’Eloi Dürrbach), particulièrement digeste. Pourrait s’avérer encore supérieur après quelques années de vieillissement. Reste cher.
7. Vin de Pays de l’Hérault : Daumas Gassac 2005 – 12,5°
Uniquement le soir : DS15,5+ – PC(15) – LG(15) – MF15,5+. Note moyenne : 15,3
Robe rouge franc, assez dense mais limpide. Nez très réduit, ingrat, brutal, qui ne s’épure que très lentement à l’aération ; des notes évoquant l’écurie ou le maquereau (en boîte) escortent un fruité plein et tonique, poivré et herbacé, typé par le cabernet. Bouche qui peut sembler assez lâche en attaque, simplette, presque légère, mais qui conserve ensuite une très intéressante fraîcheur tout en prenant du volume, dans un style juteux, tonique, avec une acidité plus « dans le fruit » que chez Trévallon et des tannins de belle qualité.
Rappel : VdP Hérault Daumas-Gassac rouge 2005 : 13/20 – 26/6/07 (LG)
Un vin ici difficile à situer, avec des notes de cabernet prononcées (plus franc que sauvignon). Cassis, violette et végétal peu noble (cosse de fèves) arrivent à s’exprimer malgré un taux de soufre qui semble élevé. Taux d’alcool modéré. Bouche plutôt raide, manquant de maturité, acidité en avant. Pensé à un petit Chinon !
8. Vin de Pays des Bouches du Rhône : Domaine de Trévallon 1999 – 12°
L’après-midi : DS16,5/17 – PR17 – CD16 . Note moyenne AM : 16,6
Parure moyennement sombre, très brillante, grenat avec des tons de brique plus marqués.
Les nez se suivent sans se ressembler, faisant cette fois la part belle au poivron grillé, à la cerise, aux notes torréfiées de café, de chocolat, avec des traces d’herbes aromatiques, non sans évoquer les merlots évolués de la Rive Droite…
Bouche particulièrement juteuse, sapide, équilibrée, dotée d’une texture élégante et fine (comme certains vieux grenaches ou pinots) ; toujours cette tension, cette tenue, peut-être une tonalité minérale en retrait par rapport aux vins jeunes, mais toujours ces fins de bouches nettes, propres, fraîches, ici notablement camphrées.
Vraiment difficile à recracher…
Le soir : DS16 – PC15,5 – LG15,5 – MF16. Note moyenne SOIR : 15,8
Robe mate, grenat, en cours de dépouillement. Premier nez très séducteur, suave, avec un fruit compoté et floral, des notes d’olive noire qui évoquent presque le grenache ; l’aération développe un côté empyreumatique, fumé, ainsi que des notes vanillées et confites. Bouche dans le même registre de séduction, fine, souple, manquant peut-être un peu d’assise et de tranchant, mettant en avant la douceur du fruit et le raffinement aromatique.
9. Vin de Pays des Bouches du Rhône : Domaine de Trévallon 1998 – 12,5°
L’après-midi : DS15,5/16 – PR16 – CD15,5 . Note moyenne AM : 15,8
Petite exception parmi ces « vieilles » robes grenat ici encore subtilement rougeoyante ; sombre, brillante.
On retrouve la belle évolution du 2001 avec ses connotations castelnoviennes sur le bouillon de viande, le laurier, la cerise, la fraise, les fleurs séchées, la cendre. Séducteur !
Matière délicieusement ciselée, précise, salivante, mûre et acide à la fois, avec une impression de douceur (soupçon de sucre ?), de gourmandise, de jus qui lui apporte un côté féminin ravageur (à priori éphémère au regard des impressions nocturnes…). De nouveau cette évocation d’un bel assemblage grenache/syrah du Rhône Sud, à la finale prêt et ses récurrentes impressions minérales.
Le soir : DS15 – PC14,5 – LG14,5 – MF15. Note moyenne SOIR : 14,8
Robe évoluée mais plus brillante et plus riche que celle du 99. Abord assez renfrogné, nez fermé, sanguin, avec une acidité volatile marquée, expression aromatique qui s’ouvre lentement sur des tonalités fumées. Matière dense, fougueuse, serrée, riche en alcool ; finale mâcheuse et ferme, presque dure. Une version pleine et « virile » de Trévallon, déparée par une acidité volatile pointue et des tannins peut-être trop secs.
10. Vin de Pays de l’Hérault : Daumas Gassac 1998 – 12,5°
Uniquement le soir : DS17 – PC16,5 – LG16 – MF16,5. Note moyenne : 16,5
Robe brillante, assez pleine, bordure évoluée, entre brique et vieux rose. Nez étonnant de jeunesse, décidément très différent de celui de Trévallon, moins raffiné (moins affiné ?), dominé par un fruité austère, herbacé, animal (réduction ? notes de viscères… foie, rognons…), mais profond et expressif, avec de belles notes truffées et sauvages. Matière très vivante, solide, fumée et camphrée, juteuse, vive, tonique, conciliant fraîcheur et suavité méridionale autour d’une armature de tannins de très belle qualité.
Rappels :
a. Vin de Pays de l’Herault : Mas de Daumas-Gassac 1998 – 24/03/09 (LG)
DS13,5 – LG14,5 – PR14,5 – MS14 – MF13,5 – EG15. Note moyenne : 14,1
Encore une fois, on ne peut qu’apprécier une olfaction de classe, foxée, empyreumatique (fumée, cigare), possiblement médocaine mais avec une connotation sudiste, générant des senteurs variées : cassis, poivre, cèdre, herbes aromatiques en macération.
Bouche charpentée mais péchant de nouveau par un manque de gras. Du coup, le vin semble étriqué, pire un peu sec. Difficile de croire qu’il se bonifiera avec l’âge.
b. Vin de Pays de l’Hérault : Mas de Daumas Gassac 1998 : 7/1/05
DS15- BLG15 – PC15. Note moyenne 2001 : 15. Note moyenne du groupe 2005 : 15.
Belle couleur. Nez très animal. Rond, concentré et frais.
c. Vin de Pays de l’Hérault : Mas de Daumas Gassac 1998 : oct 2001
DS : 14,5 – PC : 14,5 vers + – LG : 14 – PP : 14,5. Note moyenne : 14,4 vers +
Robe intense.
Nez relativement complexe, qui conjugue des notes de cassis, de noix fraîche, de poivre. Typé et floral, avec de surcroît une pointe animale. Boisé intégré.
La bouche possède la raideur du CS. Bénéficiant d’un millésime (très) favorable, elle s’avère ici particulièrement fraîche et grasse, déjà abordable. Les prix demandés par certains cavistes (entre 250 et 600 F) sont déraisonnables.
11. Vin de Pays des Bouches du Rhône : Domaine de Trévallon 1997 – 12°
L’après-midi : DS17 – PR17 – CD16,5 . Note moyenne AM : 16,8
Apparence dépouillée, claire, très brillante, presque orangée…
La superbe du bouquet, son élégance, sa complexité, tranchent avec la fragilité de la robe : la fraise écrasée, la cerise, le laurier, la fumée, les épices, l’esprit quelque peu animal affirment un caractère magnifique, à nouveau à la façon d’un grenache rhodanien. Rayas est même cité pour imager cette ambivalence entre la « légèreté » de la robe et la profondeur olfactive.
A la manière du 98, on retrouve avec bonheur ce jus irrésistible, très sanguin, raffiné, gourmand, très légèrement doucereux, sans jamais tomber dans la facilité ou le relâchement : le vin reste dense, affirmé (arômes notamment quelque peu chevalins), s’allongeant grâce à sa finale persistante, toujours bien marquée.
Un vin qui semble maintenant prêt à boire tellement lui résister relève de la torture !
Le soir : DS17,5 – PC17,5 – LG17 – MF17. Note moyenne SOIR : 17,3
Évolution visuelle très nette, robe tuilée, avec du dépôt. Le premier nez séduit, et pinote ! avec une expression très délicate et harmonieuse, florale et griotte, prolongée par des senteurs de suie qui rappellent la syrah et une fraîcheur de cabernet ligérien… La bouche reprend cette admirable et séduisante synthèse, en effet assez « rayassienne » comme l’a souligné Philippe : subtilité aromatique, finesse de grain et de saveur, souplesse, suavité. Un peu à l’opposé du 98, une version « féminine », très bourguignonne, de Trévallon.
12. Vin de Pays des Bouches du Rhône : Domaine de Trévallon 1995 – 13°
L’après-midi : DS15 – PR14,5 – CD16,5 . Note moyenne AM : 15,3
Teinte grenat, sombre, brillante, avec quelques particules en suspension.
Approche un peu plus « violente », empreinte de marc, de cerises à l’eau de vie, de notes poivronnantes, d’encre, d’une pointe cendrée ; un style moins délicat.
Bouche sculptée par le cabernet, virile, un peu à la manière Pauillacaise : une fraîcheur végétale, des tanins marqués, une acidité un peu moins intégrée, un ensemble plus brut qu’harmonieux, et un peu d’astringence en finale. Pas facile, un rien ingrat, un vrai 95 !!!!
Le soir : DS16,5/17 – PC16 – LG16,5+ – MF16. Note moyenne SOIR : 16,3
Robe très sombre, assez impressionnante pour son âge, avec beaucoup de dépôt et de présence le long des parois du verre. Le nez s’affirme lui aussi avec une grande puissance, beaucoup de maturité, un caractère rôti et capiteux qui n’est pas sans évoquer la générosité d’un pomerol ensoleillé (viande grillée, paille, menthol, truffe…). La bouche poursuit logiquement l’affirmation de ce caractère intense, mûr et extraverti ; juteuse, très jeune, encore carrée, avec des tannins un peu granuleux, elle évoque la forme et le caractère solaire du 98, avec cependant plus de fruit et de richesse.
13. Alsace : Domaine Marcel Deiss « Burlenberg Vielle Vigne » Pinot Noir 1997 – 14°
Uniquement le soir : DS(15) – PC(14) – LG(15) – MF(15,5). Note moyenne : (14,9)
Robe terne, très évoluée. Nez tertiaire qui restera, malgré de puissantes tentatives d’aération, encombré par une odeur organique/animale (bouillon Kub) masquant le fruit. Belle matière déliée et généreuse, fumée, chaleureuse aussi, mais manquant de fraîcheur et surtout de netteté aromatique.
Rappels :
a. Alsace : Domaine Marcel Deiss « Burlenberg Vieille Vigne » Pinot Noir 1997 – 12/11/08 (LG)
DS17,5 – PC17,5/18 – LG17 – MS18 – MF17,5 – EG16,5 – CD17 . Note moyenne : 17,3
Nez initialement réduit qui se clarifiera avec bonheur en dégageant de manière racée et avenante (comme chez Leroy ?) un fruit bouqueté, spontané, disponible, nuancé, juteux. On ne se lasse pas de ce bel ensemble complexe (fondu), floral en diable.
Matière soyeuse, fine, guillerette, à la fois sensuelle et sauvage (havane, épices, réglisse). On devine un taux d’alcool plus élevé, plus conforme au millésime 1997.
Un vin de grande qualité, offert mais tenu, qui vous accompagne gracieusement de bout en bout. Alors bien sûr, cette noble matière déliée est à son apogée (mais elle semble l’optimiser) et nous n’oublions pas qu’elle profite d’une mise en situation (parmi des vins plutôt acariâtres, tantôt intrinsèquement durs, tantôt fermés à double tour) dans laquelle elle exprime avec bonheur une élégance très « vosnienne ». Encore une fois, les vins de Deiss peuvent parfois se hisser très haut.
b. Alsace : Domaine Marcel Deiss « Burlenberg Vieille Vigne » Pinot Noir 1997 : 12/1/01. Note moyenne : 14,5
Robe foncée, tirant sur le noir (ce qui n’est pas habituel pour les vins de pinot noir produits dans ce fief des vins blancs). La plus foncée de tous les vins bus ce soir.1er nez légèrement réduit. 2ème nez assez complexe, avec ses notes de cerise, de suie, de fumée, complétées par des notes épicées (poivre, muscade).La bouche est plutôt concentrée (eu égard à l’origine du vin), offrant des notes marquées d’épices, de fruits à l’eau de vie (cerise). Elle s’avère étrange, mais manque de charme et de finesse. Elle est enfin brute (brûlé, alcool) et abrupte (petite longueur).
14. Coteaux d’Aix en Provence : Domaine de Trévallon « Les Baux » 1990 – 12,5°
Échantillon bouchonné.
Rappel : Coteaux d’Aix en Provence – Domaine de Trévallon 1990 : 16/6/2006 (Pascal Perez)
LG17 – JP17 – PP17,5. Note moyenne : 17,2
Olfaction minérale racée de cassis, de rafle, de truffe et de havane.
Expression vivante, fraîche, jeune, élégante, équilibrée, rémanente et extrêmement complexe : fruits rouges, menthe, herbes aromatiques, cuir. En l’état le cabernet prend le pas sur la syrah. Les tannins sont parfaits et, pour certains, légèrement sucrés. Un grand vin du sud.
15. Coteaux d’Aix en Provence : Domaine de Trévallon « Les Baux » 1989 – 12°
L’après-midi : DS16,5/17- PR16,5 – CD16 . Note moyenne AM : 16,4
Jolie résistance au temps dans ce grenat aux reflets légèrement rouges ; ensemble très brillant, moyennement sombre, avec quelques particules noirâtres en suspension.
On retrouve le plaisir du parfum mature, harmonieux, sur l’herbe et les fleurs séchées, la confiture de vieux garçon, avec une impression de douceur enveloppante.
Matière soyeuse, polie, mûre, très subtilement sucrée, mais avec l’acidité nécessaire pour conserver son allant, son jus, sa sapidité ; encore le charme des vieux grenaches, avec un soupçon supplémentaire de fraîcheur, de grain tannique et cette persévérante trace minérale…
Le soir : DS16 – PC14,5 – LG15,5 – MF15,5. Note moyenne SOIR : 15,4
Robe encore assez dense. Nez évolué, épicé, sanguin, cacaoté, marqué par l’acidité volatile. Serré, vif, sapide en bouche, avec les restes d’une richesse initiale appréciable ; mais l’acidité commence à se dissocier, laissant l’impression d’un vin fatigué à la veille de se désunir irrémédiablement.
16. Coteaux d’Aix en Provence : Domaine de Trévallon « Les Baux » 1985 – 12°
L’après-midi : DS17,5 – PR17,5 – CD16,5 . Note moyenne AM : 17,2
Le plus vieux vin offre en toute logique la robe la plus évoluée, la plus marquée de brique et d’orange ; assez claire, très brillante.
Bouquet qui se livre comme une offrande, charmeur, complexe, puissant : tabac, réglisse, fumée, viande, pointe d’olive, une expression de syrah très raffinée.
Magnifique jus cendré, épanoui, apaisé, douceur dans un écrin de soie, toujours très légèrement sucré, sans jamais perdre son équilibre, sa tenue, cette fraîcheur persistante ainsi que cette force minérale surprenante… Un ensemble d’une grande harmonie qui ponctue en beauté cette superbe série !
Le soir : DS17,5+ – PC17 – LG16,5 – MF17,5. Note moyenne SOIR : 17,1
Robe évoluée mais sereine, grenat profond, dépouillée. L’expression aromatique semble être arrivée au sommet de son potentiel évolutif ; l’ensemble est ample, fondu, animal, tertiaire, souligné par des notes encore très précises (suie, lard fumé, fleurs séchées, graphite…). Bouche suave, patinée, encore solide et richement fruitée, sans l’acidité pointue qui durcissait le 89, avec au contraire une magnifique rémanence sur des tannins fins et droits, des saveurs de poivre et de graphite.
17. Saint-Julien : Château Léoville-Poyferré 2004 – 13,5°
Uniquement le soir : DS15,5+ – PC(15) – LG(16) – MF15,5. Note moyenne : 15,5
On revient sur une robe jeune, très dense. Nez vanillé et boisé, fruit très mûr, difficile à décrypter ou même à apprécier, origine bordelaise toutefois assez manifeste. Souple, chaleureux, enrobé, tannins présents, mais bien rangés, une certaine allonge, saveur de cabernet discrète : la bouche est bien celle d’un jeune bordeaux actuel, soigné, sérieux mais (trop ?) alcoolisé et encore grimé par l’élevage ; un vin qui donnera sans doute quelque chose d’intéressant, plus tard.
Rappel :
Château Léoville Poyferré – Saint-Julien 2ème Grand Cru Classé 2004 : 25/10/07 à l’ouverture (PR)
DS15 – PR14 – CD15 – BLG15. Note moyenne : 14,8
Robe moyennement fluide, prune, très sombre et très brillante.
Nez discret, sur un fruit mûr (cerise noire, prune, mûre), quelques notes alcooleuses. Pas de signature boisée, mais un style plutôt extrait.
Bouche assise sur une matière large, riche, à la limite de la mollesse, intensément fruitée et mûre au point de paraître légèrement sucrée, évoquant un vin de dégustation assez extrait plus qu’un vin pour la table. Affirmation progressive d’une certaine raideur, le vin finissant de façon plus boisée et quelque peu asséchante.
Château Léoville Poyferré – Saint-Julien 2ème Grand Cru Classé 2004 : 25/10/07 après 5h d’aération (LG)
DS16,5/17 – PC17 – LG16,5 – MS17. Note moyenne : 16,8
Nez subtilement crémeux, corsé, réglissé. Beau boisé. Bouche dotée d’une remarquable compacité, au grain fin, valorisée par une tension remarquable, qui ira loin. C’est la troisième fois que je déguste ce vin à ce niveau.
A noter le grand écart entre les 2 séances…
18. Faugères : Domaine Barral « Jadis » 2000 – 14°
Uniquement le soir : DS16 – PC16 – LG15,5/16 – MF17. Note moyenne : 16,1
Robe sombre, avec beaucoup de dépôt grossier. Nez sauvage, profond, « schisteux » et sanguin, poivré et empyreumatique, évoquant fortement à la fois la syrah et le style particulier du domaine. Vitalité, accroche et cohérence en bouche, aucune usure, c’est bien le style dru, profond, sauvage de Barral, soutenu comme de juste par une acidité volatile marquée et un alcool virulent. Liberté, puissance et profondeur… quand tout va bien c’est certainement un des vins les plus captivants et les plus sincères du Languedoc.
Rappel : Faugères – Domaine Léon Barral – Jadis 2000 : 21/06/04 (PP)
PP16 – PC16 – LG15 – DS15,5/16. Note moyenne : 15,7
Du verre s’échappent des odeurs de cerise (kirsch), de menthe, de fourrure, d’iode et de réglisse.
La bouche est juteuse, fraîche et dense. Elle est bourrée de vitalité. L’alcool, présent, est compensé par la matière et ne nuit donc pas. On décèle une touche saline en final. Les tannins sont grenus et la longueur satisfaisante.
19. Chinon : Domaine Les Roches (Lenoir) 1989 – 12,5°
Uniquement le soir : DS16 – PC16 – LG16 – MF16,5. Note moyenne : 16,1
Robe dépouillée, brique, sans nuances brunes. Nez relativement austère mais précis, franc et profond, évocation accomplie de chinon mature : cave humide et bouillon d’escargot… Belle matière vive, structurée mais en même temps moelleuse, harmonieuse, témoignant d’un raisin particulièrement mûr et d’un vieillissement serein.
20. Margaux : Château Bel Air Marquis d’Aligre 1986 – 12°
Uniquement le soir : DS16,5/17 – PC17 – LG16,5 – MF17+. Note moyenne : 16,8
Très belle robe veloutée, évoluée mais encore sombre, très rouge, avec en bordure une nuance brique particulièrement lumineuse. Nez très mûr, ouvert, fondu, complexe sans aucune afféterie : évocations de tabac, d’épices, de cuir, de fruits confits… Finesse et fraîcheur en bouche, grain très fin, harmonieuse sveltesse, impression de grande maturité du fruit sans aucune lourdeur, qui peut faire penser à une dominante de merlot dans l’encépagement. La comparaison avec le chinon de Lenoir, lui aussi élevé longuement en grands contenants est des plus instructives ; les deux vins, aux caractères différents, partagent une harmonie, une sérénité dans l’évolution aromatique et structurelle, une subtilité d’ensemble que les vins de cépages atlantiques élevés en petits fûts, à Bordeaux comme en Loire, plus brièvement et avec une oxydation plus forte, ne possèdent que rarement.
Rappel : Margaux – Château Bel-Air Marquis d’Aligre 1986 – 20/11/05 (PC)
PC16,5/17 – DS16,5. Note moyenne : 16,6
Robe moyennement intense, mais d’un rubis encore très vif, jeune. Nez nuancé, frais, avenant, avec un fruit frais qui déroule sereinement son discours, ponctué de subtiles notes terriennes et épicées. On retrouve en bouche la même droiture que dans le Chinon, la même finesse, autant de fraîcheur, mais avec plus de moelleux et d’assise. A près de vingt ans il répond présent, il offre du plaisir, de la finesse ─ et il pose clairement la question de certains choix stylistiques et déontologiques affectant la quasi-totalité des vins de Bordeaux, qui ont contribué à définir une nouvelle normalité (barriques, surmaturité, alcool, extraction…).
21. Vin de Pays des Bouches du Rhône : Domaine de Trévallon blanc 2006 – 13°
Uniquement le soir : DS13 – PC10 – LG14 – MF12,5. Note moyenne : 12,4
Teinte or pâle. Premier nez sur la poire cuite au beurre, beaucoup d’élevage, qui devient prépondérant à l’aération. Aromatiquement, on à vraiment l’impression d’être dans une scierie. Bouche sèche, mais grasse, enrobée, aux tonalités lactiques usantes.
22. Sancerre : Domaine François Cotat « La Grande Côte » 2000 – 12,5°
Uniquement le soir : DS16,5/17 – PC16,5 – LG16 – MF17. Note moyenne : 16,7
Robe pâle, mais avec de jolis reflets légèrement dorés. Nez immédiatement reconnaissable, fin, complexe, racé, avec ces belles nuances de nougat et de fraise de bois que peut prendre le sauvignon à Chavignol. Sapide et moelleux en bouche, tout en restant frais et cohérent de bout en bout, la pointe de sucre résiduel s’intègre merveilleusement.
23. Jurançon : Cru Lamouroux 1985 – Degré non indiqué
Uniquement le soir : DS14,5 – PC(14,5) – LG15,5 – MF(15,5). Note moyenne : 15
Jaune vif. Nez plutôt réduit, alliacé, jaune d’œuf… timide ; soufré ? Jolie matière mais les saveurs sont bloquées, sans la haute expressivité que peut atteindre le petit manseng sur les hauteurs de la Chapelle de Rousse.
Rappel : Jurançon : Cru Lamouroux 1985
DS15 – PC(14) – LG14,5 – MF14,5 . Note moyenne : 14,5
La robe est brillante, couleur or à reflets verts.
Le nez présente des notes d’agrumes, de nèfle, de rhubarbe et de réglisse complétées par une touche lactique.
La bouche est dotée d’une acidité assez prononcée et dévoile des arômes de citron vert, de réglisse blanche et surtout de gentiane ; la longueur est modérée mais l’ensemble se tient…
Conclusion de l’après-midi
Trévallon a surpris tout le monde…
Par ses palettes aromatiques, tantôt cabernet, tantôt syrah, comme parfois terriblement grenache, la plupart du temps très charmeuses, parvenant au vieillissement à offrir des bouquets d’une grande élégance !
Par la qualité de vinification, les vins offrant une belle classe tannique et échappant à toute indélicatesse d’élevage.
Par sa longévité (le plaisir est décuplé après 10 ans de garde).
Par sa fraîcheur, rare dans la région sud-est, non seulement par son support acide, mais surtout, impression fortement ressentie pendant l’après-midi, son caractère minéral très marqué ! Explosif dans la jeunesse, de plus en plus intégré au vieillissement, mais toujours bien présent…
L’association des deux cépages semble donc pertinente, la syrah offrant son élégance aromatique, le cabernet sa fraîcheur et sa rigueur.
Pour finir, ces vins n’ont eu de cesse d’appeler la table et de belles pièces de viande : un signe qui ne trompe pas…
Conclusion du soir
Cette dégustation verticale assez exhaustive ne fait qu’amplifier la sensation que j’éprouve chaque fois que je déguste ce vin, celle d’une « lutte », amicale mais acharnée, entre le cabernet et la syrah. Dans ce que nos sens relèvent de la personnalité du vin, parfois s’affirme une dominante « atlantique », le cabernet, parfois une dominante « sudiste », rhodanienne ou provençale, exprimée par la syrah ; les deux caractères peuvent à des moments différents dominer dans le même vin, dans le même verre. Un vin Janus ? Certainement. Une réussite esthétique et intellectuelle que cet encépagement partagé ? Cette verticale tend à le prouver. À savoir maintenant si Trévallon capture « l’essence du vin méditerranéen » comme l’affirment certains journalistes, c’est autre chose…
Comme l’a souligné Philippe dans sa conclusion de la première séance de dégustation, Trévallon se caractérise par sa fraîcheur, par la fermeté « calcaire » de ses tannins, par sa finesse de grain. L’élevage ne marque pas les vins aromatiquement, mais on peut avoir parfois le sentiment que s’il patine et affine les expressions et les structures (impressions de vins « bichonnés », élevés avec amour), il peut aussi dans le temps les user et les fragiliser. Le côté plus « brut », plus « dru », moins soigné (?) de Daumas-Gassac en fait un intéressant point de comparaison, notamment au vieillissement. La parenté spirituelle et formelle entre Trévallon et La Grange des Pères de Laurent Vaillé me semble par contre assez évidente. La comparaison de ce soir avec des vins âgés mais très stables issus de longs élevages en grands contenants inertes (Lenoir, Bel Air Marquis d’Aligre) était également fort instructive.
On ne peut que saluer la diversité des expressions de Trévallon en fonction des millésimes, avec une dualité masculin (2005, 1998, 1995…) féminin (1999,1997…) qui se surimpose à la dualité cabernet/syrah. Malgré le caractère changeant, si personnel, parfois insaisissable de ce vin, on notera aussi une homogénéité marquée entre les perceptions des deux dégustations.
Remarques sur les bouteilles
Quelques précisions sur le domaine
Texte intégralement issu du site internet du domaine
http://www.domainedetrevallon.com/
Le domaine de Trévallon se situe sur la commune de Saint-Etienne-du-Grès, dans le département des Bouches-du-Rhône, à 25 km au sud d’Avignon et à 7 km à l’ouest de Saint-Rémy-de-Provence, sur le versant nord des Alpilles. Un massif calcaire aux crêtes déchiquetées évoquant « des roches grecques » comme l’écrivait le poète provençal Frédéric Mistral.
La vigne est parfaitement intégrée à ce paysage envoûtant de garrigue. Elle y côtoie les chênes verts, les oliviers et les amandiers.
La première chose qui saisit le visiteur, en arrivant au domaine de Trévallon, est cette roche calcaire, d’un blanc éclatant, aux formes éclatées, se découpant à vif dans un ciel à l’atmosphère transparente. Le contraste est d’ailleurs impressionnant entre les vignes tirées au cordeau et le plissement sauvage de la roche. « Les Alpilles sont un endroit magique », avoue Eloi Dürrbach. « J’en suis littéralement tombé amoureux ».
Le vignoble de Trévallon s’étend dans cette nature vivante et préservée sur 20 ha disséminés autour d’un mas aux volets bleu ciel : 15 ha de rouges composés à parts égales de cabernet sauvignon et de syrah. Et 2 ha de blancs constitués de 45 % de marsanne, 45 % de roussanne et de 10 % de chardonnay.
Le domaine de Trevallon a acquis de nos jours une telle renommée qu’on en oublie parfois que sa création est assez récente.
Précurseur de la renaissance du vignoble des Baux, Eloi Dürrbach a planté les premières vignes dans les Alpilles en 1973.
« Mon père René Dürrbach qui était un ami du peintre Albert Gleizes, un des fondateurs du cubisme, venait en vacances chez lui, à Saint-Rémy-de-Provence, dans les années 1950 », raconte Eloi Dürrbach. « Nous vivions à l’époque à Cavalaire, sur la Côte d’Azur, où je suis né ».
« Mon père souhaitait trouver un lieu plus paisible et a acheté en 1955 le mas de Trévallon avec 60 ha de garrigue.
A l’époque il n’y avait aucune culture, à part des cailloux.
Mais mon père a toujours pensé que ce serait un excellent endroit pour faire du vin.
Au début des années 1970, je faisais des études d’architecture aux Beaux Arts, à Paris et j’ai tout plaqué pour venir planter de la vigne ici. C’était en 1973 ! »
Des travaux titanesques sont alors entrepris pour gagner de l’espace sur la garrigue.
Et créer de toute pièce des parcelles de vignes. Des rochers sont dynamités, les sols travaillés en profondeur et les éclats de roches mélangés à la terre. Durant l’hiver 1973, Eloi Dürrbach peut enfin planter ses 3 premiers hectares de vignes.
C’est en 1976 que le premier millésime de Trévallon verra le jour.
« Pourquoi a-t-on planté du cabernet sauvignon et de la syrah à Trévallon ? C’est un peu un concours de circonstances », explique Eloi Dürrbach.
« Mon père connaissant bien Georges Brunet, le propriétaire du Château Vignelaure, à côté d’Aix-en-Provence qui a été un pionnier du cabernet sauvignon en Provence. Il avait lu dans l’ « Etude des vignobles de France », écrit par le docteur Jules Guyot, un agronome de grande renommée de la seconde moitié du XIXe siècle, que le cabernet sauvignon existait en Provence avant la crise du phylloxera et qu’assemblé avec de la syrah, il pouvait donner d’excellents vins ».
En effet, dans cette partie des Alpilles, le cabernet sauvignon possède une typicité particulière. Il est très épicé avec des arômes de cannelle et de poivre. Seul, il est un peu austère avec une forme de tanins sévères. La syrah lui apporte justement du moelleux.
Comme nous sommes dans la partie nord des Alpilles qui est plus froide, la syrah mûrit tardivement et n’a pas le côté confit des syrahs du sud de la France…
« Au départ quand j’ai commencé à faire du vin, j’avais 23 ans. Je n’avais pas d’idée préconçue. Je voulais faire un bon vin avec un côté naturel, c’est tout. Je crois que cela n’a pas changé.
Il n’y a surtout pas de secret, moins on agit, mieux c’est ! », avoue Eloi Dürrbach.
« Il faut d’abord que les raisins aient beaucoup de goût et que le sol soit nourrit biologiquement. On ne nourrit pas la plante mais le sol.
Pas de pesticides ni d’insecticides. Mais de la fumure de mouton.
Nous procédons à des labours. Cela favorise l’enracinement de la vigne pour qu’elle puise profondément dans le terroir, ce qu’il y a de plus intéressant pour sa nourriture.
Nous effectuons des tailles courtes qui permettent de limiter les rendements et prolongent la vie du pied de vigne de 20 à 50 ans.
Ensuite nous vendangeons des raisins à pleine maturité et très sains…
…A la cave, c’est un peu la même chose. Il faut agir le moins possible.
Nous n’utilisons pas de levures exogènes et ne procédons pas non plus à des corrections d’acidité. Tout est naturel.
Nous faisons soit des pigeages au pied soit des remontages pour aérer le vin.
Mais à Trévallon, nous avons surtout des élevages longs en barriques et en foudres. Plus de 2 ans pour les rouges. Un an pour les blancs.
La micro oxygénation se fait lentement entre le bois et le vin. Je fais aussi peu de soutirages. Moins qu’avant en tout cas !
Car la lie qui se trouve au fond des fûts continue de nourrir le vin et possède un formidable pouvoir anti-oxydant.
Pour le 2001, je n’ai fait qu’un seul soutirage en deux ans d’élevage.
Ma règle est de toucher le moins possible au vin. Les blancs je ne les soutire jamais et je bâtonne très peu. Sinon cela donne des vins blancs trop lourds et un peu communs.
Pour mon activité de conseil auprès d’autres domaines, je procède de la même façon.
Je développe la sensibilité du vigneron pour l’aider à accroître ses capacités à faire du vin. Donc pas de cahiers des charges mais un travail naturel, en amont, à la vigne et une réflexion en fonction des conditions du millésime, à la cave.
Car c’est l’excès de technologie qui provoque la standardisation du goût ».
Le déclassement du domaine de Trévallon de vin d’Appellation d’Origine Contrôlée en vin de Pays n’est heureusement plus qu’un mauvais souvenir aujourd’hui. Mais cet épisode a beaucoup marqué Eloi et Floriane Dürrbach, eux qui furent à l’origine du renouveau du vignoble des Baux de Provence.
« En 1993, quand les vignerons des Baux de Provence ont demandé à l’Institut National des Appellations d’Origine d’obtenir une appellation Baux de Provence pour les rouges, le syndicat des vignerons a décrété qu’il ne fallait pas mettre plus de 20 % de cabernet sauvignon dans l’encépagement. Sous prétexte que cela ne correspondait pas à la typicité du terroir. C’est ridicule car il y avait déjà du cabernet sauvignon dans les Baux avant la crise du phylloxera comme l’a indiqué le docteur Guyot. Et un fort encépagement de cabernet sauvignon aurait peut être donné plus d’originalité aux vins des Baux. Mais l’Inao a entériné le principe.
Pour rester dans l’Appellation d’Origine Contrôlée Les Baux, j’avais donc l’obligation de revenir à 20 % de cabernet sauvignon. Mais cela aurait modifié mon encépagement et mon vin en profondeur. Et puis je ne voulais pas planter de grenache à Trévallon car il aurait très mal mûri sur ce versant nord des Alpilles, sans donner le côté soyeux que l’on retrouve à Châteauneuf-du-Pape.
L’Inao m’a proposé de changer mon encépagement sur une période de 30 ans. Comme je ne voulais pas céder, il était inévitable que je sois déclassé en Vin de Pays des Bouches-du-Rhône.
Cela m’a beaucoup blessé de ne pas appartenir à une appellation naissante ! Heureusement le déclassement n’a pas posé de problème à l’étranger. Car les consommateurs achètent avant tout du Trevallon. Et finalement le sens de l’histoire joue en notre faveur. Ne pas être enfermé dans la masse de l’appellation nous a permis de nous distinguer, surtout en continuant de faire un vin dans lequel on croit ».
Les nouvelles étiquettes de Trévallon sont sorties pour le millésime 96. Elles sont l’œuvre de René Dürrbach, le père d’Eloi Dürrbach, disparu en 2000, à l’âge de 89 ans. René Dürrbach, peintre et sculpteur, fût l’ami de nombreux peintres dont Fernand Léger, Robert Delaunay et Pablo Picasso.
« A la fin de sa vie», témoigne Eloi Dürrbach, « mon père ne peignait presque plus mais je lui ai demandé s’il voulait bien travailler sur les étiquettes de Trévallon. Ce qu’il a accepté.
Je lui ai donc confié 50 affiches et il s’est mis à dessiner dessus, selon son inspiration, avec des crayons de couleurs. Je les trouve extrêmement originales. Chaque année nous choisissons une étiquette dont le dessin correspond aux caractéristiques du millésime. L’étiquette du 2001, par exemple, est exubérante comme le millésime, en 2003 il y a quelque chose de solaire…
Ces étiquettes sont un hommage à mon père qui a contribué à faire en sorte qu’il y ait de la vigne à Trévallon ».
L’aventure de Trévallon, Floriane et Eloi Dürrbach la mènent en commun depuis plus de 30 ans ! Lui dans les vignes et à la cave, Floriane à ses côtés au domaine. Ils se sont connus lors d’un stage de viticulture qu’effectuait Eloi dans le Beaujolais, chez les parents de Floriane, au château des Labourons.
« Je n’interviens pas du tout dans la vinification mais je rassure Eloi quand il a des doutes. Car il est très sévère sur certains millésimes. Moi j’ai les pieds sur terre malgré mon côté bohême. Eloi est un artiste. C’est ce qui m’a attiré en lui.
Nous sommes très complémentaires », se plaît à dire Floriane Dürrbach.
« La commercialisation, je m’en occupe depuis longtemps. Les démarches commerciales, je me souviens les avoir faites au porte à porte, chez les restaurateurs, avec une vieille voiture et les couffins des enfants dedans. J’étais tenace et portée par l’enthousiasme d’Eloi.
Les premières années, c’était un peu l’inconnu. Le bouche à oreille a bien fonctionné. Nous avons eu de la chance.
Mais nous avons toujours été guidés par la qualité. Dès le départ, nous voulions faire un bon vin dans cette région qui nous fascinait. D’ailleurs même aujourd’hui, nous ne voulons pas faire de quantité pour maîtriser pleinement la qualité. Quand ce n’est pas bien, nous ne faisons pas de vin comme en 2002 ».
Aujourd’hui Floriane s’occupe toujours de la clientèle particulière, sur rendez-vous, des acheteurs et des importateurs. Ainsi va la vie à Trévallon !
La parole est au vigneron…
Bravo pour l’excellence et la rigueur de vos commentaires.
Je n’ai pas grand chose à rajouter ; simplement 2 remarques à propos des vins de Trévallon :
Merci encore pour vos commentaires
Éloi Dürrbach
Tableau récapitulatif
Vins excellents | |||
1997 | Vin de Pays des Bouches du Rhône rouge : Domaine de Trévallon | 17,3 | +0,5 |
1985 | Vin de Pays des Bouches du Rhône rouge : Domaine de Trévallon | 17,2 | – 0,1 |
Très bons vins | |||
2001 | Vin de Pays des Bouches du Rhône rouge : Domaine de Trévallon | 16,6 | – 0,2 |
1999 | Vin de Pays des Bouches du Rhône rouge : Domaine de Trévallon | 16,6 | – 0,8 |
1989 | Vin de Pays des Bouches du Rhône rouge : Domaine de Trévallon | 16,4 | – 1,0 |
1995 | Vin de Pays des Bouches du Rhône rouge : Domaine de Trévallon | 16,3 | +1,0 |
2005 | Vin de Pays des Bouches du Rhône rouge : Domaine de Trévallon | 16,2 | – 0,2 |
Bons vins | |||
2000 | Vin de Pays des Bouches du Rhône rouge : Domaine de Trévallon | 15,8 | +0,6 |
1998 | Vin de Pays des Bouches du Rhône rouge : Domaine de Trévallon | 15,8 | – 1,0 |
2006 | Vin de Pays des Bouches du Rhône rouge : Domaine de Trévallon | 15,4 | – 0,1 |
2003 | Vin de Pays des Bouches du Rhône rouge : Domaine de Trévallon | 15,2 | – 1,2 |
Assez bons vins | |||
2004 | Vin de Pays des Bouches du Rhône rouge : Domaine de Trévallon | 14,6 | – 0,3 |
Echantillons défectueux | |||
1990 | Vin de Pays des Bouches du Rhône rouge : Domaine de Trévallon | ED | – |
La note retenue dans ce tableau est la meilleure de l’après-midi et du soir.
L’évolution de cette note entre ces deux phases de dégustation est mentionnée dans la dernière colonne :
Moyenne de la dégustation | 16,1 | Ecart moyen (en valeur absolue) | 0,6 |