2007_11_16 Verticale Pommard Rugiens de Montille
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Verticale du Pommard 1er Cru « Les Rugiens »
du domaine de Montille
Vendredi 16 novembre 2007
Dégustation préparée par Didier Sanchez et commentée par Philippe Ricard pour l’après-midi et Pierre Citerne pour le soir.
Quelques commentaires de contexte :
La dégustation s’est déroulée en deux phases : l’après-midi à 14h15 puis le soir à 19h30
Le compte rendu porte sur les deux séances.
Entre autres causes, une aération de 5 heures (dans la bouteille rebouchée en position verticale) peut expliquer les variations dans les appréciations.
Les notes de Didier Sanchez, présent aux deux séances, reflètent ces fluctuations.
Les vins sont dégustés du plus jeune au plus vieux.
Les verres utilisés sont les «Expert» de Spiegelau.
DS : Didier Sanchez – PC : Pierre Citerne – LG : Laurent Gibet – PR : Philippe Ricard – MS : Miguel Sennoun – CD : Christian Declume.
Ordre de dégustation :
(Nombre de dégustateurs total : 16)
1. Domaine de Montille : Pommard 1er Cru « Les Rugiens » 2005
(Echantillon prélevé sur cuve d’assemblage)
L’après-midi : DS17,5+ – PR17 – CD16. Note moyenne AM : 16,8
Bien belle entrée en matière : le ton est donné !
On est bien là pour se faire plaisir…
Le soir : DS17,5+ – PC16+ – LG16,5+ – MS16,5. Note moyenne SOIR : 16,6
Robe pleine mais sans saturation, nuancée, veloutée. Un premier nez lactique cède assez rapidement le pas au grand fruit attendu, avenant mais réservé (suggestions de fruits rouges, de rose fraîche, d’épices…). Matière puissante, vigoureuse et précise, encore boisée, resserrée et peu nuancé aromatiquement. Les qualités de texture sont évidentes, l’assise et la cohérence aussi.
2. Domaine de Montille : Pommard 1er Cru « Les Rugiens » 2002 – 12°
L’après-midi : DS17 – PR17 – CD16,5. Note moyenne AM : 16,8
Le soir :DS17 – PC16 – LG16,5/17 – MS17. Note moyenne SOIR : 16,7
Robe assez tendre, dégradé centrifuge du grenat au vieux rose. Nez éthéré (acidité volatile marquée), séducteur, avec des inflexions presque tertiaires (gibier à plumes) et la note « ferrugineuse » ─ difficile à décrire autrement ─ propre au terroir. Matière vigoureuse, ciselée, svelte, plus en sinuosité qu’en assise ; un vin déjà expressif, charmeur, à la limite de sembler un peu étriqué pour un Rugiens, surtout dans un grand millésime.
3. Domaine de Montille : Pommard 1er Cru « Les Rugiens » 2001 – 12°
L’après-midi : DS16,5 – PR15 – CD16. Note moyenne AM : 15,8
Le soir :DS16,5 – PC17 – LG16+ – MS17. Note moyenne SOIR : 16,6
Robe brillante, vive, décidée, avec une nuance fauve. Expression aromatique pure et puissante, moins charmeuse mais peut-être plus profonde que celle du 2002 : un grand fruit nuancé de noyau et d’humus. Intense en bouche, tranchant grâce à une acidité très ferme, racé, droit et sapide ; un vin d’un abord sévère pour certains, présentant plus d’assise, de mâche et de vigueur que le 2002, à mon sens un plus grand vin, davantage dans l’esprit du terroir.
4. Domaine de Montille : Pommard 1er Cru « Les Rugiens » 2000 – 12°
L’après-midi : DS16,5 – PR16,5 – CD16,5. Note moyenne AM : 16,5
Le soir :DS16 – PC15 – LG15,5 – MS15. Note moyenne SOIR : 15,4
Aspect évolué, pâle, tuilé. Nez délicat, évolué lui aussi, ouvert : cerise confite, feuilles mortes, fumé, gibier, rouille… Matière mince, fluide mais de toucher subtil, d’une élégance certaine. Un vin agréable mais limité, une réussite dans le contexte difficile du millésime sur le secteur Volnay/Pommard. Une deuxième bouteille, provenant directement du domaine, se montre un peu plus jeune aromatiquement, plus tonique, mais toujours de structure assez lâche, tendre, un peu fuyante.
5. Domaine de Montille : Pommard 1er Cru « Les Rugiens » 1999 – 12,5°
L’après-midi : DS18,5 – PR18,5 – CD18,5. Note moyenne AM : 18,5
Le pinot noir dans toute sa spendeur, celui qui nous fait tous craquer !
Le soir :DS18 – PC17,5+ – LG17+ – MS17,5/18. Note moyenne SOIR : 17,5+
Robe très dense ! Aspect jeune, souverain, confirmé dès le premier nez : fruit serré, profond, encore monolithique, beau caractère « ferreux » du terroir. A l’aération on pourrait s’imaginer au-dessus d’un grand Barolo : amande, goudron, violette, cacao… la ressemblance est saisissante ! Attaque en tout en puissance, en épaisseur de fruit ; une remarquable matière, encore un peu boisée, qui vire à partir du milieu de bouche vers une tension plus austère, un long étirement de félin… Sa stature et son harmonie rappellent le grand 1990.
6. Domaine de Montille : Pommard 1er Cru « Les Rugiens » 1998 – 12,5°
L’après-midi : DS15 – PR15 – CD15. Note moyenne AM : 15
Un vin qui se serait certainement mieux apprécié à table.
Le soir :DS16 – PC16 – LG15 – MS15,5. Note moyenne SOIR : 15,6
Robe plus légère que la précédente mais vive et décidée (robe de vin acide…). Nez frais, un peu terni par des nuances végétales et terreuses, qui s’ouvre néanmoins sur de belles notes de griotte et de viande fraîche. Juteux, vif, ramassé en bouche ; un peu trop raide, sévère en l’état, il ira peut-être assez loin.
7. Domaine Hubert de Montille : Pommard 1er Cru « Les Rugiens » 1997 – 12°
L’après-midi : DS16,5 – PR16 – CD16. Note moyenne AM : 16,2
Le soir :DS15 – PC15 – LG14,5 – MS14,5. Note moyenne SOIR : 14,8
Robe assez dense, terne (terne comme un 1997…), avec du dépôt. Nez capiteux, expressif, des notes tertiaires, de gibier et d’humus, de tabac, un joli fruit de betterave fumée. L’attaque affiche un fruit riche, mûr et presque confit, délié ; l’acidité qui suit se montre par contraste très soutenue, au point de devenir agressive ; la finale, durcie, manque de sérénité. Un vin intéressant mais maladroit ; contrairement au 1998 qui s’épure à chaque nouvelle gorgée, le 1997 a tendance à s’affaisser.
8. Domaine Hubert de Montille : Pommard 1er Cru « Les Rugiens » 1996 – 12°
L’après-midi : DS16,5 – PR16 – CD15. Note moyenne AM : 15,8
On devine un vin de très grande garde, que seules les années parviendront à libérer…
Le soir :DS16 – PC15 – LG(16) – MS16. Note moyenne SOIR : 15,8
Teinte grenat assez pimpante, quoique discrète. Nez frais et réservé, subtil, vraiment pas aguicheur, typé Côte de Beaune : noyau, cuir, tabac… Bouche vive (« pas fait sa malo ! » plaisante Didier), astringente, mince mais longue, serrée et élégante, avec pour certains dégustateurs une acidité et des saveurs de vin blanc. Ce qui est sûr c’est que ce 1996 a davantage sa place dans une procession de pénitents noirs que dans une école de samba.
9. Domaine Hubert de Montille : Pommard 1er Cru « Les Rugiens » 1995 – 12°
L’après-midi : DS17 – PR17 – CD17,5. Note moyenne AM : 17,2
Le soir :DS17,5 – PC17 – LG17,5 – MS17. Note moyenne SOIR : 17,3
Robe assez dense, présente, montrant de beaux dégradés. Nez ouvert, avenant et subtil, exprimant un fruit plein, encore jeune, un grand pinot mûr (framboise, betterave) aux nuances profondes, terriennes, évoquant le camphre ou le quinquina. Bouche riche, dense, carrée, généreuse, alliant solidité, subtilité et gourmandise ; c’est un soulagement de retrouver ce grand Rugiens accompli après trois vins revêches (98, 96) ou déséquilibrés (97).
10. Domaine Hubert de Montille : Pommard 1er Cru « Les Rugiens » 1994 – 12°
L’après-midi : DS14,5 – PR14 – CD15. Note moyenne AM : 14,5
Le soir :DS15 – PC15 – LG15,5 – MS15. Note moyenne SOIR : 15,1
Robe relativement dense, avec une bordure nettement brunie. Le nez est agréable, quoique manquant de fond et de nuances ; il est dominé par des notes sanguines et herbacées (tabac). La matière est présente, sérieuse, pas trop sèche malgré des tannins plutôt durs, poussiéreux ; la saveur franche et affirmée, évoquant le tabac, les feuilles mortes, la fumée ; la finale, abrupte par rapport à la plupart des autres millésimes, laisse une curieuse impression douceâtre, presque sucrée.
11. Domaine Hubert de Montille : Pommard 1er Cru « Les Rugiens » 1993 – 12°
L’après-midi : DS17 – PR17 – CD16. Note moyenne AM : 16,7
Le soir :DS17 – PC17 – LG16/16,5 – MS17. Note moyenne SOIR : 16,8
La robe, très dense, jeune encore, rappelle celle du 1999 ; la ressemblance augmente encore au nez : noyau, grand fruit un peu sauvage, violette, goudron, quinquina… il pourrait lui aussi évoquer un grand nebbiolo piémontais. Pulpeux, riche, intense, tout en restant très strict, austère pour certains, ce millésime à la profonde saveur fumée s’affirme, sans être explosif, comme un des plus complets.
12. Domaine Hubert de Montille : Pommard 1er Cru « Les Rugiens » 1992 – 12°
L’après-midi : échantillon défectueux
Le soir :
Manque de netteté aromatique et structure asséchée, le vin semble douteux.
13. Domaine Hubert de Montille : Pommard 1er Cru « Les Rugiens » 1991 – 12°
De l’extrait de bouchon, liège liquide comme on le déteste…
Je ne pense pas pour autant que la famille de Montille songe à mettre son vin en canettes…
Ou alors il faudra faire une suite à Mondovino !
14. Domaine Hubert de Montille : Pommard 1er Cru « Les Rugiens » 1990 – 12°
L’après-midi : DS18,5 – PR17,5 – CD17. Note moyenne AM : 17,7
Le plus étonnant est que ce vin ne semble pas encore prêt à boire : son potentiel paraît colossal !
Le soir :DS18 – PC18,5 – LG18 – MS18. Note moyenne SOIR : 18,1
Robe impressionnante, très dense, centre rubis profond tendant vers le noir, bordure vieux rose sans aucune brunissure. Intensité aromatique saisissante, dès le premier contact olfactif, virilité et élégance, bouquet souverain, organique, sui generis, bien qu’à la fois très Côte de Beaune et pouvant aussi évoquer (pourquoi pas ?) un grand Pomerol : fruits pulpeux, noyau, tabac voluptueux, violette, épices, cuir, truffe… Même impression de synthèse parfaite en bouche, matière supérieure, compacité et volume, plénitude et raffinement, grande maturité équilibrée par une finesse remarquable, sans la moindre trace de cette lourdeur, de ce côté confituré, figué, qui dépare nombre de « grands » Côte de Nuits en 1990.
15. Domaine Hubert de Montille : Pommard 1er Cru « Les Rugiens » 1989 – 12°
L’après-midi : DS16 – PR15,5 – CD16. Note moyenne AM : 15,8
Le soir :DS16 – PC15/15,5 – LG14,5 – MS16,5. Note moyenne SOIR : 15,6
Robe dépouillée, brunie, de belle intensité toutefois. Nez explosif, intense, mais franchement tertiaire : gibier, moka, grillé, champignon, sous-bois… et cette dominante de cuir mouillé, de vieille chaussure, qui signe les très vieux vins… L’attaque est pourtant belle, dense, serrée, offrant une franche saveur tertiaire, assez flamboyante, un fruit suave ; dès le milieu de bouche la prestation se fait plus maigrelette, avec une acidité saillante et des arômes évanescents. On dirait qu’il y a plus de trente ans entre le souverain 1990 et ce 1989 un peu fané !
16. Domaine Hubert de Montille : Pommard 1er Cru « Les Rugiens » 1988 – 12°
L’après-midi : DS18 – PR18 – CD18. Note moyenne AM : 18
Le soir :DS18 – PC18 – LG17,5 – MS17,5. Note moyenne SOIR : 17,8
Belle robe dense, sereine et ample. Premier nez très subtil, très fin ; se dévoile peu à peu un pinot floral des plus nobles, des plus captivants et séducteurs… Pour la première fois peut-être on se dit qu’on pourrait tout aussi bien être à Gevrey, à Vosne… La bouche est à la hauteur de ce nez de rêve, serrée, dense, pure, remarquable, avec une grande acidité intégrée, une grande allonge austère, juteuse, typée, totale. Sans doute moins « monumental » que le 1990, ce vin se rapproche davantage de l’archétype du grand Bourgogne, de la grâce ailée, évidente, qui comble l’amateur.
17. Domaine Les Héritiers de Mme François de Montille : Pommard 1er Cru « Les Rugiens » 1972
Uniquement le soir : DS17,5 – PC17 – LG16,5 – MS17. Note moyenne : 17
Robe évoluée, bordure cuivrée. Très beau nez, « piquant », pointu, encore pleinement fruité quoique manifestement poli par le temps ; captivantes notes framboisées, d’orange cloutée, de betterave rôtie… Matière dépouillée mais sans creux, saveur fine, fruit généreux, charpente tannique encore enrobée, allonge, plaisir…
Conclusion de l’après-midi
16, 7 : la moyenne de cette dégustation vaudrait à elle seule plus qu’un discours…
Mais il serait dommage de ne pas insister sur la magie de Montille, ou l’art de concilier la rectitude des matières, la puissance, la suprême élégance aromatique et la finesse des textures.
Le classicisme bourguignon que les amateurs de pinot noir du monde entier nous envient !
Le passage de témoin entre père et fils ne semble pas avoir infléchi cette règle : tout juste décèle-t-on une amabilité plus précoce, une lecture plus facile des vins jeunes.
Le 2005 est d’ailleurs étonnant d’évidence, comme le 1999 remarquable d’hédonisme, alors que les 96, 93, 90 gardent une certaine réserve, réclamant davantage de patience…
Sur l’évolution du vin entre les 2 séances, nous avons noté la quasi inutilité des aérations préalables : les bouteilles sont restées très cohérentes et appréciées de façon très similaires.
Seuls 2001, 1994 et 1990 en ont légèrement profité, ce qui nous fait dire qu’une ouverture peu de temps avant le service semble tout à fait adaptée.
Pour finir, inutile d’insister sur l’immense plaisir que peuvent offrir de tels vins…
Au point que ces dégustations en deviennent des cas de conscience : comment en effet recracher ce qu’on rêverait d’avoir dans sa cave ?
Dites, Monsieur de Montille, vous n’auriez pas quelques bouteilles pour moi ?
Même une seule, même une demi, même une mignonnette, voire un pin’s ?
Conclusion du soir
Cette dégustation confirme amplement que les Rugiens font partie des plus grands terroirs à vin rouge de la Côte de Beaune (et nous sommes plusieurs à penser que ce climat pourrait même revendiquer le titre de premier terroir dans cette couleur et dans cette côte). Les 1999, 1990 ou 1988 font partie des sommets de la Bourgogne.
La cohérence des appréciations entre les deux séances est très forte, et même surprenante si l’on compare la variance des notes moyennes à celle de la récente dégustation de Bordeaux 2004. Évidence et stabilité des Rugiens ? Difficulté extrême (où même impossibilité, ce qui réduirait à peu de choses les « classements » chiffrés des experts pompeux…) de hiérarchiser un ensemble de vins jeunes encore marqués par leur élevage ?
Outre le caractère profond, rémanent, parfois impétueux du cru (ce côté ferreux, « rouge », camphré…), cette série a permis de mettre en perspective le style du domaine de Montille ─ que l’on peut retrouver dans les autres crus dont il a la charge sur Volnay et Pommard : franchise et probité des expressions ; « classicisme » de vins élaborés dans l’optique de la garde (en témoignent la jeunesse remarquable des 1990, 1988 ou 1972) ; une certaine austérité, en tout cas toujours de la retenue (même si le 2002, le 1988 sont véritablement charmants) ; jamais de lourdeur, jamais d’impression de surcharge alcoolique. Le parti pris d’Hubert de Montille, de ne pas dépasser, même en chaptalisant, les 12,5°, mérite d’être salué (et encouragé), même si les vins peuvent parfois se montrer austères, minces, cinglants. Le fait de ne pas s’autoriser la correction (le nivellement induit par une chaptalisation généreuse) occasionne aussi des différences marquées entre les millésimes. Vinifiées par Etienne de Montille, les derniers millésimes se montrent cependant peut-être plus souples, plus accommodants dès leur jeune âge.
Une dégustation « horizontale » de Rugiens de différents producteurs permettrait sans doute de mieux comprendre les nuances de terroir affectant ce climat au fort dénivelé (60 mètres), notamment les différences entre « Rugiens-bas » et « Rugiens-haut ».