Dégustation thématique sur les vins sans souffre. Le compte rendu sur le lien suivant :
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Vins Rouges Sans Soufre
Lundi 21 juin 2004
Le contexte :
Cette dégustation a été préparée par Pierre Citerne qui prend aussi en charge, avec Marie Claire, l’organisation de la soirée.
Les 12 vins, pas ou très faiblement soufrés, sont inconnus des dégustateurs, goûtés à l’aveugle en 2 séries de 6, dévoilés au terme de chaque série et préalablement carafés.
Pierre a choisi de les présenter par taux d’alcool croissant annoncé.
Les participants : Marie Claire Delorme, Sylvain Delcroix, Roger Tauzin, Didier Sanchez, Pierre Citerne (PC), Laurent Gibet (LG) et Pascal Perez (PP).
Commentaires de dégustation synthétisés par Pascal Perez.
Les vins :
1. Bourgueil – Catherine et Pierre Breton – Nuit d’Ivresse 2000 :
PP14 – PC14,5 – LG13,5 – DS14/13,5.
Nez causant et complexe avec un peu de réduction initiale, puis de l’humus, des fruits rouges (et leurs noyaux), de la réglisse, du poivre et une pointe mentholée qui tend, pour certains, vers une note éthérée plus désagréable.
La matière est intermédiaire mais bien soutenue par l’acidité. On est dans un registre gourmand, soyeux, sur les fruits rouges acidulés et la réglisse mais l’ensemble pèche par un déficit de structure.
2. Vosne-Romanée – Domaine Prieuré-Roch – Les Clous 2000 :
PP15 – PC15,5 – LG15 – DS14,5.
La pureté du nez se manifeste dès la première approche. Sont présents des fruits rouges (framboise, cerise), de la minéralité et une légère sensation de fumée; un nez typé Vosne en fait.
Confirmation de cette pureté en bouche avec un style aérien et équilibré auquel ne manque qu’un peu de poids pour passer au niveau supérieur. La chair est pulpeuse et le fruit (cerise, groseille à maquereau) croquant. Belle persistance aromatique.
3. Bordeaux Côtes de Francs – Château du Puy – Barthélémy 2000 :
PP15,5 – PC15,5 – LG(16) – DS14/13,5.
Olfaction désagréable (éthérée et camphrée) mais aussi, plus positivement, de menthe, d’eucalyptus, d’orange et de bourgeon de cassis.
Le style est bien plus convaincant en bouche. Il s’affirme par sa densité, son fruit, sa fraîcheur et ses beaux tannins enfouis. L’austérité globale et une note végétale dévoilent son origine. Légères amertume et chaleur en final. Il affiche un potentiel certain et on aimerait le revoir dans quelques années.
4. Arbois Pupillin – Pierre Overnoy (GAEC Emmanuel Houillon) 1999 :
PP13,5 – PC15+ – LG13,5 – DS14,5.
100% poulsard.
Les senteurs langoureuses nous entraînent vers le grand sud (mandarine confite, orange cloutée, cannelle, olive).
Même constat en bouche avec des notes similaires d’orange, d’épices douces et de fruits à l’alcool. Elle présente un bon volume, une finesse de grain indéniable et une légère sucrosité. Vue la charge alcoolique, on peut s’interroger sur l’équilibre matière/alcool.
La surprise est totale à la découverte du flacon, alors que les pronostics se tournaient vers Châteauneuf et ses environs.
5. Saint-Romain – Domaine de Chassorney – Sous Roche 2002 :
PP15 – PC14,5 – LG14,5 – DS14/13,5.
Le nez est pur et direct sur la rose, la framboise, la réglisse, l’orange et la cannelle.
Fraîcheur et droiture caractérisent ce vin soyeux et élégant, doté d’une bonne matière et présentant des notes de framboise et de noyau de cerise.
D’autres convives lui reprochent un élevage présent et une relative simplicité.
6. Vin de Table de France – Les Peyra – Mauvaises Herbes 2001 :
PP14,5 – PC16 – LG16 – DS15,5.
Côte d’Auvergne.
La première approche laisse apparaître de la réduction. Cette dernière disparaît rapidement. Un fruit rouge net et bien mûr, de la rose et du poivre émergent alors.
Le volume est satisfaisant et une fraîcheur opportune contrebalance le léger sucre résiduel pour préserver l’équilibre. Le fruit, immédiat et diablement séducteur, apporte la gourmandise attendue pour cette perfection de vin de soif.
7. Côtes du Roussillon – Les Foulards Rouges – Glaneuses 2002 :
PP17 – PC16,5 – LG17 – DS17,5.
Le nez est franc et compact, minéral et complexe (nuoc-mam, fruits rouges, rose, violette, poivre).
On mâche des fruits rouges, juteux, sanguins, dotés d’une fraîcheur exquise. Le corps est dense et structuré, il arbore des tannins fins et serrés et une longue finale. Un grand vin qui transcende son pedigree et que nous avons pris pour le Cornas d’Allemand.
8. Alsace – Gérard Schueller et Fils – Pinot Noir « Le Chant des Oiseaux » 2000 :
PP11 – PC12 – LG11– DS11.
Nez de pâtisserie orientale, insistant sur la rose (bois de rose, loukoum) et les épices douces.
La bouche est écartelée entre un boisé caramélisé, une acidité déplacée et une sucrosité banale. Les tannins sont plutôt asséchants. Le domaine nous a déjà habitué à mieux dans cette couleur.
9. Cornas – Thierry Allemand 2001 :
PP12 – PC(13) ? – LG12– DS12,5.
Senteurs de fruits noirs confiturés, note lactée, encre et graphite.
La dégustation nous laisse perplexe, dévoilant une extraction (trop ?) poussée, un élevage omniprésent, encore de lourdes notes lactiques et une acidité dérangeante. La matière est là mais le doute s’insinue : va-t-il sécher ?
Grande déception pour ce vin et ce domaine.
10. Faugères – Domaine Léon Barral – Jadis 2000 :
PP16 – PC16 – LG15 – DS15,5/16.
Du verre s’échappent des odeurs de cerise (kirsch), de menthe, de fourrure, d’iode et de réglisse.
La bouche est juteuse, fraîche et dense. Elle est bourrée de vitalité. L’alcool, présent, est compensé par la matière et ne nuît donc pas. On décèle une touche saline en final. Les tannins sont grenus et la longueur satisfaisante.
11. Vin de Table Français – Château Cambon 2001 :
PP13,5 – PC14,5 – LG14 – DS13,5.
Nez déjà évolué sur la fraise, le cuir, la fourrure et le poivre.
Il se présente un peu plat et terne, alangui et soyeux, avec une matière correcte et une structure quelconque. Il arbore des notes de champignon et de fenouil.
12. Côtes du Rhône – Domaine Gramenon – A Pascal S 2003 :
PP16,5 – PC16,5 – LG16,5 – DS17.
La palette olfactive est riche et captivante avec des fruits noirs (cerise burlat) et leurs noyaux, du cacao, de l’amande fraîche (orgeat) et du thé à la bergamote.
La bouche est à l’unisson avec des fraises compotées aux épices douces et de la cerise. La suavité est celle d’une huile d’olive. Rien de lourd dans cette belle matière, au contraire équilibrée par de la fraîcheur et de la finesse. Bonne longueur et du potentiel.
Pour jouer les prolongations tout en grignotant, 3 bouteilles de plus, toujours à l’aveugle mais cette fois-ci découvertes une à une :
13. Cheverny – Clos du Tue-Bœuf (Puzelat) – Le Rouillon 2002 :
PP13 – PC14/14,5 – LG13– DS11,5.
50% gamay, 50% pinot noir.
On décèle de la fraise au nez, mais ce sont les notes végétales qui dominent (groseille, poivre vert).
La franchise et la simplicité sont celles des vins qualifiés de comptoir avec une matière plutôt légère pour corollaire naturel. Saveurs acidulée (groseille) et poivrée.
14. Côtes-du-Roussillon – Les Foulards Rouges – La Soif du Mal 2003 :
PP14 – PC14,5 – LG13,5/14 – DS14.
Agréables senteurs florales (pivoine) accompagnées d’olive et de cuir.
Le fruit est immédiat et frais (fraîcheur renforcée par du CO2 résiduel). La matière est intermédiaire et, ici aussi, nous avons affaire à un vin de soif fort réussi, moins ambitieux toutefois que les Glaneuses 2002 décrites ci-dessus.
15. Faugères – Domaine Léon Barral – Jadis 1998 :
PP16 – PC14,5/15 – LG14,5 – DS15.
Nez envoûtant et typique du domaine : animalité, lard fumé, fraise confiturée.
La bouche affiche une belle densité, du caractère, avec ses notes animales et son fruit un peu cuit, et de l’équilibre grâce à une fraîcheur opportune. Belle finale.
Conclusion :
Ce large tour d’horizon des vins qualifiés de « naturels » constitue une première pour nous et est, à ce titre, amené à nous servir de référence pour l’avenir. La plupart des vins présents ne nous étaient pas inconnus mais nous ne les avions encore jamais goûtés côte à côte, ni avec un tel panel d’autres de leurs pairs.
De ce parcours se dégagent les tendances et réflexions suivantes :
nulle supériorité, ni infériorité ne peuvent se proclamer par rapport à une dégustation équivalente de vins soufrés
les vins sans soufre évitent l’écueil de l’uniformisation et du lissage du terroir : la plupart affichent un caractère affirmé, certaines origines ont été rapidement découvertes et les hésitations sur les autres sont le plus souvent dues à nos propres carences
A quelques exceptions près, le dénominateur commun de ces vins est leur glissant en bouche traduisant un soyeux remarquable et un fruité exacerbé
si certains d’entre eux correspondent à l’archétype du vin de comptoir « tendance » (glissant, fruit, gourmandise), qu’un nombre toujours croissant de lieux parisiens et provinciaux proposent, d’autres affichent une ambition et un caractère les faisant dépasser ce strict cadre; tous sont en tout cas intéressants
parmi les surprises : Les Foulards rouges que nous affectionnons mais que nous n’attendions pas à un tel niveau, Les Peyra, partageant le même diagnostic, et le Château du Puy, une découverte
les déceptions : le Cornas de Thierry Allemand qui fait pourtant partie de notre panthéon (un problème sur la bouteille, sur le millésime ?) et le pinot de Gérard Schueller qui nous avait habitués à mieux ; ces 2 vins tombent dans les travers de l’extraction ou de l’élevage exagérés, en opposition avec la philosophie qui, nous semble-t-il, devrait prévaloir ici
le vin qui partage : le poulsard du tandem Overnoy/Houillon, réussi pour certains, solaire et déséquilibré pour les autres
les valeurs stables : Barral et Gramenon toujours abonnés à l’excellence, Prieuré-Roch et son style pur et aérien
la découverte de ces vins est évidemment à poursuivre (autres domaines, autres régions, autres pays, vins blancs secs ou liquoreux, aptitude au vieillissement, …) ; en outre, les valeurs sûres actuelles font et feront certainement de plus en plus d’émules, rendant exponentielles les perspectives