Dégustation de vins Espagnols de diverses provenances. Le compte rendu sur le lien suivant :
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Pérégrination espagnole
Mercredi 31 mars 2004
Le contexte :
Nous nous réunissons cette fois-ci chez Amandine et Eric Cuestas, au Temps des Vendanges à Toulouse, pour une dégustation à l’aveugle de bout en bout, c’est-à-dire que la liste et la provenance des vins ne sont dévoilées qu’en toute fin de parcours. Il y aura ensuite une collation associée à quelques vins sans soufre, dont Eric, caviste et fromager toulousain, s’est fait une spécialité.
Participants : Eric Cuestas, Jean-Luc Germain, Patrick Henquel, Philippe Lagarde, Roger Tauzin, Didier Sanchez, Jacques Prandi, Pascal Perez (PP), Pierre Citerne (PC) et Laurent Gibet (LG).
Dégustation préparée par Pascal Perez – les commentaires de dégustation sont synthétisés par Laurent Gibet.
Les vins :
1. Catalunya – Mas Gil – Clos d’Agon Negre 2001
PP15,5 – PC15 – LG15 – DS15.
Peter Sisseck, qui officie aussi au mythique domaine Pingus, contribue à l’élaboration de ce vin ambitieux.
19500 bouteilles – Cabernet-Sauvignon 60% – Merlot 25% – Syrah 15%.
Robe jeune, intense, brillante.
Nez assez démonstratif, fruité (cassis, cerise), boisé plutôt luxueux (notes de lacté, de bourbon, de chocolat mais sans excès), floral, épicé. Notes complémentaires de minéral, de réglisse, de noyau.
La bouche révèle des tannins fins, un beau jus sanguin et fruité, minéral, doté d’une relative fermeté tannique (avec notamment une reprise assez virile en finale). Notes d’amande, de schiste, acidité conséquente, de la personnalité, du relief. L’équilibre répond pour le moment présent mais nous nous interrogeons sur la capacité d’intégration complète des tannins (risque d’assèchement).
Quoiqu’il en soit, le vin est mieux goûté que le 1999 (en janvier 2004, dans le cadre du club toulousain Itinéraire des Vins).
2. Toro – Quinta de la Quietud – Quinta Quietud 2000
PP14 – PC13,5/14 – LG14 – DS14.
Nez complet, sur les fruits (cassis, cerise), les fleurs, l’olive, le laurier. Signature orientale, alanguie, un peu lascive. Le boisé s’exprime ici par de belles notes de moka, de chocolat.
Attaque plutôt souple, milieu de bouche même un peu tendre, puis finale plus tendue mais un peu étroite (desservie de plus par de l’amertume). Malgré quelques atouts (nez, début de bouche), le vin manque d’éclat et de goût, captant ainsi peu l’attention. Tannins de moindre qualité également.
3. Toro – Bodegas y Vinedos Maurodos – Viña San Roman 2000
PP14,5 – PC14,5 – LG14,5 – DS14,5.
Produit par le célèbre domaine Mauro, élaborant des vins en marge de la Ribera del Duero.
Nez dévoilant un élevage ambitieux, le bois se faisant plus discret à l’aération. Senteurs très VDN (cerise, cacao, épices, alcool débridé). Notes complémentaires de fumé, de goudron. Volatile importante.
Bouche dense, fruitée, boisée (mais sans exagération), capiteuse (puissance alcoolique plutôt démonstrative en l’état).
4. Bierzo – Descendientes de José Palacios – Corullon Las Lamas 2001
PP16,5 – PC15,5 – LG15,5 – DS15,5/16.
Vin de Galice, cépage Mencia, avec Alvaro Palacios (cuvée Clos Dofi et l’Ermita en Priorato) aux manettes.
Nez de qualité mais atypique. Initialement, on évoque une pointe de liège pour certains, un profil herbacé (poivron) pour d’autres (à moins que ce ne soit de l’amande fraîche). Olfaction complexe, minérale, fine, faisant la part belle au fruit (cerise en confiture ou même en liqueur), aux fleurs (violette, pivoine), aux épices, au menthol, à l’eucalyptus.
La bouche confirme en s’avérant fine, désaltérante, juteuse, soyeuse et racée. Cohérence (alcool généreux mais parfaitement intégré), un peu d’austérité (minéral, réglisse, acidité) garante de longévité, et grande rémanence. Encore sur la réserve, peu explosive mais potentiel et caractère assurés.
Il est possible que ce cépage peu répandu confère un aspect un peu ambigu au vin, qui reste difficile à situer (ce côté herbacé qui a pu nous faire penser à un cabernet ligérien, à l’alcool près il est vrai). On pense aussi à un moment à un terroir espagnol plus continental (Mancha ?).
PS : d’après A. J. Hopkins (the super gigantic winegrape glossary) : «le mencia est un cépage léger largement planté en Galice, aussi connu comme Negra et Loureiro Tinto. Il aurait été identifié comme Jaén du Dao, et certains pensent que c’est une version muté du cabernet franc».
5. Viño de la Tierra de Castilla y Leon – Leda – Viñas Viejas 2001
PP16,5 – PC15,5 – LG16 – DS15.
Exhalaisons expressives, multiples, originales, affables : fruits doux (soupe de fraises), fleurs capiteuses, notes sanguines fougueuses, dynamiques : agrumes (orange pressée), animales (cuir, fourrure, entrailles), fumée, sauce de soja, tapenade.
La bouche possède beaucoup d’allure et d’allonge. Elle est gourmande, fine, fraîche, avec du fond. Notes de noyau. Peut-être favorisée par plus de charme aromatique mais en même temps moins compacte, fine et digeste que celle du vin précédent, dopé lui par un cépage idoine (on peut imaginer un assemblage hypothétique des 2, conciliant les qualités de goût et de structure, avec en prime la fraîcheur et la persistance). L’iode (embruns littoraux) et l’aspect grenu de la finale (monastrell ?) orientent un temps vers Bandol.
6. Rioja – Sierra Cantabria – Finca El Bosque 2001
PP14 – PC14,5 – LG13 – DS13,5.
Nez très expressif, alléchant, alliant des odeurs de fruits confiturés (cerise), d’olive, de goudron, de fumée, de cuir. Une volatile importante agit en exhausteur sur cette expression animale marquée sans compromis (mais pas déplaisante).
En bouche, on découvre une matière de forte densité, à l’acidité prononcée, aux goûts de fruits surmûrs rehaussés par des épices ; elle pâtit toutefois d’un manque de grâce et est dépréciée par un sucre résiduel qui participe d’une certaine pesanteur. On peut lui reprocher une nature lactique un peu factice, « fabriquée ».
7. Rioja – Benjamin Romeo – Contador 2001
PP17,5 – PC17 – LG16,5/17 –DS16.
Cette bouteille remplace l’échantillon bouchonné (donc malheureusement non goûté – en février 2004, dans le cadre d’une dégustation du club toulousain In Vino Veritas). Fort heureusement, le vin est aujourd’hui de qualité tout à fait irréprochable (et même mieux que cela, comme nous allons le voir). Olfaction volubile, verticale, complète, sanguine, sauvage, balsamique (un peu comme pour les expressions désinhibées de chez Barral) : pâté aux herbes condimentaires (myrte), agrumes, fleurs, fumé, camphre. Grands atouts de profondeur minérale, de finesse et de caractère.
Bouche compacte, admirablement nette, tonique, équilibrée, fine et surtout très longue. Le fruit caracole dans une expression naturelle, spontanée. Un excellent vin, racé et élégant, qui devrait encore se bonifier et auquel l’avenir appartient.
8. Ribera del Duero – Dominio de Atauta 2001
PP13 – PC13 – LG12,5 – DS12,5.
Volatile impressionnante pour un nez vinaigré. Quelques senteurs salvatrices accortes (comme rescapées) de fruits confits, d’amande, de laurier, d’huile d’olive (sympathique évocation du savon d’Alep).
Structure manquant de charpente, à la matière étriquée. Certainement le vin le plus décevant de la série, décati, qui cumule les handicaps.
9. Ribera del Duero – Pago de Carraovejas – Cuesta de las Liebres Vendimia Seleccionada Reserva 1999
PP15 – PC13,5 – LG14 – DS14.
Nez prolixe, déployant des senteurs de fruits confiturés, d’épices, de fleurs pour un boisé subtilement lactique.
Un dégustateur lui alloue des qualités de densité, de fruit et de fraîcheur. Les autres dégustateurs lui trouvent en revanche des goûts peu nobles de cerise, de caramel et dénoncent un coktail chaleur/acidité/sucrosité sans grande classe (ce vin plutôt brouillon et manquant de franchise est en conséquence jugé peu convaincant).
10. Ribera del Duero – Bodegas Hermanos Sastre – Regina Vides 1998
PP16 – PC16 – LG15/15,5 – DS15,5.
Le nez, au bouquet intéressant, trahit un début d’évolution : feuilles mortes, viande fumée, cerise confite, roses séchées, menthol, eucalyptus.
Bouche dense, affermie par des notes minérales et de réglisse, portée par une acidité appropriée, plutôt cohérente. En apogée, elle affiche un profil classique (un peu « à la bordelaise », à savoir alliance d’un beau jus fruité, de tannins polis et de la longueur). On peut malgré tout revendiquer un supplément de personnalité.
Conclusion :
Une fois de plus, l’exercice de la dégustation à l’aveugle se révèle ludique, pédagogique, passionnant.
On converge assez rapidement sur des vins trans-pyrénéens, car les expressions sont généreuses en charge alcoolique ainsi qu’en en maturité de fruit (cerise confite récurrente), corsées, souvent intransigeantes (une certaine virilité aromatique proche parfois de la réduction, volatiles parfois osées ou dans d’autres cas tannins et acidités en avant, …). Des incursions éphémères en Italie pour certains, voire dans notre cher Languedoc/Roussillon. Les derniers vins semblent un peu plus évolués.
Tous les vins ne sont pas convaincants, y compris certaines cuvées louées par la critique internationale. Certaines expressions semblent disgracieusement lestées par une charge alcoolique envahissante, d’autres souffrent de déséquilibre et affichent un profil retors, d’autres encore ne déclenchent guère d’émotion.
Contador domine la dégustation de toute sa classe (c’est tout de même un des vins les plus chers de la péninsule ibérique).
Belles réussites dans le cas de Corullon et de Viñas Viejas de Leda (en plus gourmand mais ne possédant pas la rectitude et la fraîcheur du vin de l’appellation Bierzo, issu d’un cépage aussi méconnu que pertinent).
Suivent le Clos d’Agon et le Regina Vides, très réussis.
Tous ces vins seront valorisés à table, leur vigueur s’accordant à des plats de viande.
Le niveau d’ensemble est donc bon (et les prix restent fort élevés).